1988 : Le pogrom de de Soumgaït, les témoignages

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A l’occasion du 34e anniversaire du pogrom anti-arménien de Soumgaït NAM vous propose quelques extraits des articles parus dans la presse à l’époque.

La ville de Soumgaït est située à 26 km de Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan. En 1988, sa population comporte18 000 Arméniens, en majorité des cadres de l’industrie pétrolière. Le 26 et 27 février, des manifestants azéris défilent dans les rues de cette ville avec pour slogan «Mort aux Arméniens ! »

Le journal Izvestya, 20 août 1988 : « Le 27 février, sur laplace Lénine, une foule nombreuse se réunit… Les appelsà l’attaque furent lancés contre les habitants de nationalité arménienne… Des groupes d’hommes jeunes se mirent à agresser les Arméniens dans tous les autres quartiers de la ville ».

Thomas de Waal, journaliste britannique, expert de laFondation Carnegie (témoignage rapporté dans son ouvrage Le Jardin Noir)
« Les bandes composées de 10 à 50 hommes, ou en plusgrand nombre, parcouraient la ville, cassaient les vitres,incendiaient des voitures, mais – avant tout – cherchaient des Arméniens. [] Les bandes dans les rues de Soumgaït se livraient à des atrocités épouvantables. Certaines victimes étaient tellement défigurées par les coups de hache,qu’il était devenu impossible, plus tard, d’identifier leur corps. Ils déshabillaient les femmes et les brûlaient.
Quelques-unes furent violées à plusieurs reprises []. Le contraste des atrocités commises par ces tueurs avec les manifestations pacifiques des Arméniens était frappant
[]Le régiment des forces de l’ordre et les élèves officiers de l’académie militaire de Bakou ne sont arrivés à Soumgaït que quelques heures après […] Les jeunes soldats avaient reçu l’ordre de Moscou de tirer des balles à blanc
et non à balles réelles. Les émeutiers jetaient des bouteilles incendiaires et frappaient les soldats aux jambes à coups de barres de fer effilées. Environ 100 soldats ontété blessés ».

Viktor Krivopouskov, écrivain, diplomate (rapporté dans son ouvrage Le Karabagh Rebelle)
« Les hommes étaient quelquefois tués dans leurs maisons,mais ils étaient souvent traînés dans la cour pour être humiliés en public. Rares sont ceux qui moururent tout de suite après avoir été frappés d’un seul coup de
hache ou de couteau. Pour la plupart d’entre eux, on ajoutait l’humiliation à la souffrance physique. Ils étaient battus jusqu’à perdre connaissance, puis arrosés d’essence et brûlés vifs. Ni les hommes âgés, ni les enfants n’étaient épargnés ».
Ministre de la défense de l’URSS Dmitri Yazov :
Source : le sténogramme de la séance du Bureau politique du Comité général du Parti Communiste de l’Union Soviétique, 29.02.1988. Journal Rodina, 1994, N14, Moscou
« Les massacreurs avaient découpé les seins de deux femmes, en avaient décapité une autre et enlevé la peau d’une fille. Les élèves officiers s’évanouissaient en voyantdes cadavres mutilés des Arméniens ».
Valéry Kozoumenko, témoin : Source : Protocole de laséance de la Cour Suprême de l’URSS sur la cause criminelle des événements de Soumgaït, octobre-novembre1988, Moscou.
« Les bandits qui ont fait irruption dans notre appartement,étaient munis de barres de fer, de cornières, de gros couteaux. Les barres de fer étaient toutes de la même longueur, comme si elles étaient spécialement préparées.
Ces bandits, tous sans exception, étaient plutôt jeunes et vêtus de noir… A partir du 28 février nos téléphones ont été coupés ».
Gouliev, témoin : Source : Protocole de la séance de laCour Suprême de l’URSS sur la cause criminelle des événements de Soumgaït, octobre-novembre 1988,Moscou.
« Les massacreurs étaient munis de barres et de cornières de fer d’une longueur de 70 cm, comme si elles avaient été spécialement fabriquées pour les pogroms. Il n’y avait pas de police en ville… les lignes téléphoniques étaient
coupées… Des pierres avaient été apportées… Ces pogroms n’avaient pas été organisés en un seul jour. Ils s’y étaient préparés depuis longtemps (…) Selon les conclusions de l’enquête du 27 au 28 février 1988, le ministère de l’Intérieur de la ville de Soumgaït s’abstenait de toute intervention et assistait passivement aux désordres.»
Ilyas Ismaylov, procureur général de la RSS d’Azerbaïdjan en 1988 : Source : journal azerbaïdjanais Zerkalo,21 février 2003
« Les coupables qui ont poussé les gens au pogrom à ce moment-là, portaient des mandats de député dans leurs poches. Ils siègent au Milli Mejlis (Parlement d’Azerbaïdjan)
».

Le Figaro, 9 mars 1988, signé Denis Legras (DL).
« Eclatant en sanglots devant la foule rassemblée devant la petite église arménienne, un ouvrier arménien présent lors des émeutes de Soumgaït le 28 février dernier a raconté qu’il avait vu le cadavre d’une femme enceinte éventrée et son bébé découpé en morceaux gisant à ses côtés. Il a déclaré s’être rendu à la morgue de Soumgaït, au nord de Bakou, la capitale azerbaïdjanaise, où il a pu dénombrer environ soixante-dix cadavres, dont de
nombreux enfants. Selon d’autres témoignages, près de cent Arméniens ont été tués par des Azerbaïdjanais lors des massacres interethniques ? Selon l’agence officielle TASS, qui n’a réagi que six jours après les émeutes, trente et une personnes ont été tués à Soumgaït, y compris des enfants et des vieillards. »
Voir aussi les numéros du Figaro du 2 au 18 mars, et du 23 au 31 mars 1988.

Le Monde, 17 mars 1988, signé Sylvie Kauffmann

« Le mot fait maintenant l’unanimité. Aussi bien du côtéofficiel que chez les dissidents, on parle désormais de  » pogrom  » pour qualifier les atrocités de Soumgaït, en AzerbaÏdjan, où des gangs d’Azéris sont tombés à bras raccourcis sur les membres de la communauté arménienne fin février. Au point que le bilan officiel de trente deux morts paraît dérisoire. Selon le procureur général adjoint d’URSS, M. Alexandre Katoussev, dont les propos ont été cités par le quotidien de Bakou, Bakinski Rabotchi, il s’est produit à Soumgaït  » des troubles à grande échelle, accompagnés de pogroms, d’incendies et d’autres excès « . Quelques jours plus tôt, un collaborateur de la revue dissidente Glasnost de M. Serguei Grigoriants,
M. Andrei Chilkov, qui venait de passer six heures à Soumgaït pour y recueillir des témoignages, avait lui aussi employé le mot de  » pogrom  » pour qualifier
l’horreur des récits entendus : meurtres aveugles, femmes enceintes éventrées dans les maternités. »

Le Monde, 29 mars 1988, signé Bernard Guetta
« … À Soumgaït, l’une des plus grandes villes d’Azerbaïdjan,d’abominables violences éclatent contre les Arméniens. Qu’il y ait eu trente-deux victimes, comme on le dit officiellement, ou plusieurs centaines, comme le rapportent des sources indépendantes, le fait n’est pas contesté que c’est un véritable pogrom avec enfants jetés par les fenêtres et femmes enceintes éventrées qui s’est produit, et le poids du sang vient compliquer encore le dossier. »
Voir aussi les numéros du Monde du 2 au 26 mars 1988
Le nombre de morts du pogrom de Soumgaït de février 1988 n’a jamais été définitivement établi par les autorités soviétiques. Les estimations les plus faibles parlent d’une centaine de morts. Les auteurs n’ont jamais été recherchés ni punis. Vingt-quatre ans après les faits, il est de notoriété publique que Moscou a laissé les pogroms se dérouler dans l’espoir de voir le Mouvement Karabagh renoncer à ses revendications. Pour mettre un terme à ce mouvement comme à ces massacres, l’Armée Rouge investit le Haut-Karabagh qui passe dès lors sous la juridiction directe de Moscou.
Jusqu’au mois d’octobre 1988, les pogroms anti-arméniens cessent pour reprendre en novembre 1988 à Kirovabad.
Les faits rapportés par les témoignages sont les mêmes.
Le 7 décembre 1988, un tremblement de terre dévaste les villes de Gumri et Spitak en Arménie. Bilan : 25000 victimes. Un an après les massacres de Kirovabad, alors les Arméniens pleurent leurs morts et que le pays frôle la famine, les autorités azerbaïdjanaises se livrent à un troisième massacre dans la capitale de l’Azerbaïdjan, Bakou, initié par les partisans du Front Populaire National, mouvement indépendantiste soutenu par la Turquie.

Résolution du Parlement européen, le 7 juillet 1988

Résolution commune remplaçant les Docs B2-538 et 587/88
Le Parlement européen
A. considérant les récentes manifestations publiques qui ont eu lieu en Arménie soviétique pour demander que la région du Haut-Karabakh soit réunie
avec la République d’Arménie,
B. considérant le statut historique de la région autonome du Haut-Karabakh (dont 80 % de la population actuelle est arménienne)
comme faisant partie de l’Arménie, de l’inclusion arbitraire de cette région dans l’Azerbaïdjan en 1923 et du massacre d’Arméniens dans la ville azerbaïdjanaise de Soummet.
la ville azerbaïdjanaise de Soumgaït en février 1988,
C. considérant que la détérioration de la situation politique, qui a donné lieu à des pogroms anti-arméniens à Soumgaït et à de graves actes de violence à Bakou, constitue en soi une menace pour la paix.
à Bakou, constitue en soi une menace pour la sécurité des Arméniens vivant en Azerbaïdjan,
1. Condamne la violence employée contre les manifestants arméniens en Azerbaïdjan ;
2. Soutient la demande de la minorité arménienne de réunification avec la République socialiste d’Arménie ;
3. Demande au Soviet Suprême d’étudier les propositions de compromis des délégués arméniens à Moscou suggérant que
le Haut-Karabakh soit temporairement gouverné par l’administration centrale de Moscou, temporairement uni à la Fédération de Russie ou temporairement placé sous l’autorité de la Fédération de Russie.
Russie ou placé temporairement sous l’autorité d’un  » gouvernement régional présidentiel  » ;
4. Demande également aux autorités soviétiques d’assurer la sécurité des 500 000 Arméniens vivant actuellement en Azerbaïdjan soviétique et
de veiller à ce que les personnes reconnues coupables d’avoir incité ou participé aux pogroms contre les Arméniens soient punies conformément à la loi soviétique.
conformément à la loi soviétique ;
5. Charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission et au gouvernement de l’Union soviétique.

joint résolution replacing Docs B2-538 and 587/88 The European Parliament
A. having regard to the recent public demonstrations in Soviet Armenia demanding that the Nagorno-Karabakh region be reunited
with the Republic of Armenia,
B. having regard to the historic status of the autonomous region of Nagorno-Karabakh (80 % of whose present population is Armenian)
as part of Armenia, to the arbitrary inclusion of this area within Azerbaijan in 1923 and to the massacre of Armenians in
the Azerbaijani town of Sumgait in February 1988,
C. whereas the deteriorating political situation, which has led to anti-Armenian pogroms in Sumgait and serious acts of violence
in Baku, is in itself a threat to the safety of the Armenians living in Azerbaijan,
1. Condemns the violence employed against Armenian demonstrators in Azerbaijan ;
2. Supports the demand of the Armenian minority for reunification with the Socialist Republic of Armenia;
3. Calls on the Supreme Soviet to study the compromise proposals from the Armenian delegates in Moscow suggesting that
Nagorno-Karabakh be temporarily governed by the central administration in Moscow, temporarily united to the Federation of
Russia or temporarily placed under the authority of a « presidential regional government »;
4. Calls also upon the Soviet authorities to ensure the safety of the 500 000 Armenians currently living in Soviet Azerbaijan and
to ensure that those found guilty of having incited or taken part in the pogroms against the Armenians are punished according
to Soviet law ;
5. Instructs its President to forward this resolution to the Council, the Commission and the Government of the Soviet Union.

La rédaction
Author: La rédaction

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