2009 : libérons-nous des prisonniers politiques

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La fin d’une année et le début d’une nouvelle constituent en politique une bonne occasion pour introduire des transitions, montrer des signes d’évolution et en même temps que s’expriment les voeux, faire preuve de bonne volonté.

Ainsi aurait-il été hautement appréciable que ce moment privilégié soit mis à profit en Arménie pour manifester une volonté de renouvellement, de changement d’étape, de conciliation, alors que le pays porte toujours les stigmates des violences du 1er mars (10 morts, 150 blessés). A cet égard, la libération des prisonniers politiques aurait été à plus d’un titre bienvenu. Une telle initiative aurait tout d’abord représenté un signe d’apaisement envers une opposition qui a su de son côté faire preuve de réalisme et de responsabilité en mettant un terme à ses manifestations de rue. Elle aurait apporté une réponse favorable à la demande en ce sens du Conseil de l’Europe et ce faisant aurait permis de redorer le blason du pays sur la scène internationale, dans l’opinion publique et dans les instances diplomatiques. Une telle mesure de clémence et d’équité aurait de plus insufflé un vent d’espoir dans une nation dont on ne peut pas dire qu’elle se singularise en ce moment par son climat festif et son ambiance joyeuse. C’eût été, pour toutes ces raisons et bien d’autres encore un geste intelligent, positif, de cohésion et de force, un acte marquant la confiance en soi d’un pouvoir désireux d’aller de l’avant, soucieux de résoudre les problèmes. Au lieu de quoi, la perpétuation du statu quo installe dans le temps une situation d’injustice de moins en moins acceptable, de plus en plus insupportable. Ce sont en effet exclusivement les proches du mouvement populaire, les soutiens de Ter Petrossian qui se trouvent derrière les barreaux. Comme s’ils portaient la responsabilité exclusive de cette journée sanglante. Et ce, tandis qu’on attend en vain que des comptes soient également demandés aux membres des forces de police, de l’administration et du pouvoir en place sur leurs comportements durant ces événements.

Que s’est-il réellement passé le matin du 1er mars sur le parvis de l’Opéra où campaient des protestataires jusqu’alors pacifiques. Qui a donné les ordres de tirer pendant les manifestations du soir ? Que faisaient sur les toits ces tireurs d’élite dont on a si longtemps nié l’existence ? Les deux commissions parlementaires chargées d’enquêter sur ces événements n’ont toujours pas rendu leurs conclusions. A propos de leurs travaux, le médiateur ( nommé en 2006 par Robert Kotcharian) a déclaré lors d’un entretien accordé au journal 168 Jam (9-10 décembre) « Rien d’essentiel n’a été tiré au clair qui eût pu me satisfaire. Au contraire, tout s’est embrouillé encore plus ; de nouvelles questions se posent ». Face à une telle confusion quant à la réalité des faits d’un côté et à l’absence de séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le juridique de l’autre, le maintient en détention des prisonniers politiques apparaît comme un abus de position dominante, la conséquence d’une appropriation contestable et contestée des moyens coercitifs de l’Etat. A terme il ne risque d’en résulter qu’une exacerbation des contradictions internes du pays, un aiguisement des ressentiments et au final un nouvel affaiblissement de l’Etat.

A un moment où les pressions extérieures de toutes sortes s’accumulent sur l’Arménie -en particulier à l’égard de la situation au Karabagh- ces dysfonctionnements démocratiques érodent plus que jamais sa capacité de résistance. A l’aube de cette nouvelle année, ceux qui bénéficient de l’immense privilège de détenir les rênes du pouvoir seraient inspirés de réfléchir au moyen de rétablir la confiance et le dialogue. Ce qui implique a minima de lever le pied sur la répression. Quant à l’opposition, il lui reviendra de considérer une telle attitude, non comme la manifestation d’on ne sait quelles faiblesse ou recul, mais au contraire comme un signe de maturité politique annonciateur de temps nouveaux.

Ainsi retrouvera-t-on, peut-être, le chemin des idéaux démocratiques qui s’associaient dans un même espoir au désir d’indépendance pour le pays et de justice pour le peuple arménien. Ainsi pourra-t-on être plus à même de relever les défis de ce monde dangereux, en crise, dont les convulsions et les soubresauts ont fait souffler si près de nos frontières les mauvais vents de la guerre en Géorgie comme au Moyen-Orient. Ainsi pourra-t-on aussi, sereinement, en pleine possession de nos moyens, être capable d’accompagner les mutations en cours en Turquie et de répondre aux questions mais aussi à l’espérance qu’elles soulèvent, en toute responsabilité et pleine connaissance de cause.

Que cette année 2009, où l’on commémorera le centième anniversaire du massacre d’Adana, prélude au génocide de 1915, permette au peuple arménien de prendre réellement en main son destin et de retrouver une place digne de lui dans ses terres, sur cette terre.

Ara Toranian

La rédaction
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