Le débat sur les ventes d’armes américaines divise l’Arménie

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Le moins que l’on puisse dire est que le conseiller spécial pour la sécurité de D.Trump, John Bolton, a jeté un pavé dans la mare en annonçant, lors de sa visite à Erevan dans le cadre d’une tournée régionale, que les Etats-Unis étaient prêts à vendre des armes à l’Arménie. La proposition, censée illustrer les liens d’amitié unissant les Etats-Unis à l’Arménie, suscite un embarras évident en Arménie, d’autant que J. Bolton n‘a pas caché qu’il entendait enfoncer un coin entre Erevan et son allié russe, dont l’inffluence est jugée « excessive » au sud du Caucase par Washington. L’offre américaine serait d’ailleurs valable aussi pour l’Azerbaïdjan, que J. Bolton visitait la veille, le conseiller américain ayant laissé entendre qu’il était possible de contourner les dispositions du Congrès américain qui interdisent pour l’heure la vente d’armes aux deux voisins et adversaires du Sud Caucase, au nom du conflit qui les oppose autour du Karabagh.
Le ministre arménien de la défense David Tonoyan a dû intervener dimanche 28 octobre pour affirmer que l’Arménie n’avait pas besoin d’acheter des armes de fabrication américaine. « Nous n’avons pas discuté de l’éventualité d’acheter des armes américaines”, a indiqué le ministre dans une interview accordée à l’agence News.am à l’issue de sa rencontre avec J. Bolton. D.Tonoyan a rappelé que le marché des armes restait toutefois ouvert et que l’Arménie n’avait pas besoin d’acquérir des armes américaines, pour le moment. Le premier ministre arménien en exercice Nikol Pachinyan avait toutefois attisé le débat peu avant en affirmant que son gouvernement était disposé à étudier la proposition d’achat d’armes américaines au cas où il recevrait « une offre intéressante de la partie américaine ».
J.Bolton avait indiqué le 25 octobre que les armes américaines étaient de meilleure qualité que les armes russes qui constituent l’essentiel de l’arsenal arménien et avait ouvertement évoqué l’éventualité d’une vente d’armes américaines à l’Arménie. L’accueil plutôt positif fait à cette proposition par N. Pachinian ne manquera pas de provoquer la colère de Moscou, qui vend des armes à prix cassés à l’Arménie, alors même que les relations entre MM. Pachianian et Poutine semblaient s’être apaisées depuis la rencontre de Moscou du 8 septembre, qui intervenait après la grave crise provoquée par les poursuites judiciaires engagées par l’Arménie contre le général Harioutiounov, le secrétaire général arménien en exercice de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), une alliance militaire dirigée par la Russie et comprenant 6 ex-Républiques soviétiques, dont l’Arménie.
J.Bolton avait précisé que la question de la vente d’armes américaines à l’Arménie avait été directement évoquée lors de sa rencontre avec N.Pachinian à Erevan. Dans une interview exclusive accordée à RFE/RL, le responsable de la sécurité à la Maison Blanche avait d’ailleurs évoqué la vente d’armes américaines comme un des leviers susceptibles de réduire l’influence de la Russie dans la région. Il avait laissé entendre qu’il serait préférable pour l’ Arménie qu’elle ne soit pas tributaire d’une seule grande puissance, tout en prenant acte des impératifs stratégiques et géographiques et des conditions créées par l’Histoire.
J.Bolton avait ajouté qu’il pensait que l’Arménie pourrait trouver son rang sur la scène internationale, pour peu qu’elle desserre l’étau russe. Des déclarations qui ont suscité de vifs débats en Arménie. Vahram Baghdasarian, le leader du groupe parlementaire du Parti républicain d’Arménie (HHK), l’ancien parti au pouvoir, a désigné de tels propos comme “inacceptables”, affirmant qu’ils ne faisaient qu’encourager la guerre entre les parties en conflit. Le représentant du HHK, qui est toujours dirigé par l’ancien président Serge Sarkissian, en a appelé au principe interdisant la vente d’armes aux belligérants, principe respecté par le Congrès américain mais dont J.Bolton estime qu’il peut être contourné.
“Cela provoque une escalade de la tension et compromet le processus de négociations”, avait notamment déclaré V.Baghdasarian le 26 octobre. Interrogé par la presse le 27 octobre sur l’éventualité d’un achat d’armes américaines par l’Arménie, N. Pachinian avait répondu : “Aucune contrainte ne pèse sur le gouvernement [arménien]. Si l’offre des Etats-Unis nous paraît bonne, alors nous en discuterons”. A ce jour, c’est la Russie qui fournit armes et armements à l’Arménie, en vertu des accords passes dans le domaine de la defense entre Erevan et Moscou. Mais la Russie a aussi fourni pour des milliards de dollars d’armes à l’Azerbaïdjan, au grand dam de l’Arménie, qui estime avoir été trahie par son allié russe, surtout lorsque nombre de ces armes ont été utilisées par l’armée de Bakou lors de la « Guerre de 4 jours » de début avril 2016. Tout en réaffirmant ses liens de solidarité avec l’Arménie dans le cadre de différentes alliances, dont l’OTSC, la Russie a invoqué les lois du marché, tout en faisant valoir que l’équilibre des forces était respecté dans la region, prévenant le risqué d’une nouvelle guerre autour du Karabagh.
A l’issue de sa rencontre avec V. Poutine à Moscou en septembre, N.Pachinian avait indiqué que la Russie continuerait à fournir des armes à l’Arménie. “Nous avons convenu que les livraisons d’armes russes se poursuivraient de façon régulière”, avait indiqué le dirigeant arménien dans un entretien accordé au quotidien russe Kommersant. La Russie a fourni à l’Arménie en octobre 2017 un nouveau prêt d’un montant de 100 millions de dollars qui servira à financer l’achat de nouvelles armes russes à des prix défiant toute concurrence, y compris américaine. Mais dans le même temps, l’Arménie supporte mal que la Russie ait fourni des armes pour un montant de quelque 5 milliards de dollars à l’Azerbaïdjan au cours des dernières années.
Certains experts dans le domaine de la défense mettent en doute l’argument russe selon lequel ces ventes d’armes aux deux parties en conflit maintiendraient l’équilibre des forces, et estiment que la balance penche plutôt en faveur de Bakou, qui pourrait être tenté de relancer les hostilités avec un arsenal plus sophistiqué. Armen Rustamian, le leader du groupe parlementaire de la Fédération révolutionnaire arménienne (FRA Dachnaktsoutioun), estime que l’Arménie est aujourd’hui surpassée par l’Azerbaïdjan sur le plan militaire. “Les agressions et les provocations se multiplient quand l’équilibre est rompu… Et si, par cette déclaration, Mr. Bolton insinue que pour maintenir l’équilibre, l’Arménie devrait aussi avoir d’autres types d’armemements en vue de rétablir cet équilibre, alors, bien sûr, cela ne peutt être que salué, car il est très important pour nous de maintenir l’équilibre avec l’Azerbaïdjan en termes d’armes et d’équipements militaires”, a déclaré le leader de la FRAD cité par RFE/RL le 26 octobre.
Quant à la possibilité qu’une telle éventualité puisse fâcher la Russie, le députéde la FRAD a répondu: “Je pense que la Russie devrait comprendre une logique simple – les médiateurs ne fournissent pas d’armes aux parties en conflit, ou quand ils le font, ils évitent de rompre l’équilibre des forces”. Des propos plutôt conciliant envers Washington qui ont de quoi surprendre de la part du responsable d’un parti traditionnellement proche de la Russie.
Mais dans le même temps, l’Armenian National Committee of America (ANCA), l’organisation arménienne la plus influente aux Etats-Unis, avait affirmé qu’elle poursuivrait ses efforts en vue de faire respecter les termes de la législation votée par le Congrès américain qui limite l’aide américaine, y compris militaire, à l’Azerbaïdjan.
L’ANCA avait précisé que l’offre de J. Bolton serait aussi valable pour Bakou, dont les moyens financiers nettement plus importants que ceux dont disposent l’Arménie lui permettraient d’acquérir les armes les plus performantes sur le marché américain. Les Etats-Unis sont par ailleurs des médiateurs dans le cadre du processus de paix au Karabagh, au même titre que la Russie et la France, avec lesquelles ils coprésident le Groupe de Minsk de l’OSCE, sous l’égide duquel l’Arménie et l’Azerbaïdjan ont conduit des négociations qui à ce jour n’ont donné aucun résultat.

Garo Ulubeyan
Author: Garo Ulubeyan

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