12 octobre : Pourquoi faut-il pénaliser le négationnisme du génocide arménien ?

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Le risque de voir entrer en Europe une Turquie négationniste du génocide arménien n’est pas une chimère. Et les conséquences qui découleraient d’une telle situation, s’annoncent catastrophiques tout à la fois pour les Arméniens, la santé démocratique de la Turquie et même celle de l’Europe.
Malgré leurs mobilisations, les communautés arméniennes n’ont pas pesé bien lourd face à l’appareil d’Etat turc qui s’est totalement investi pour empêcher l’inscription de la reconnaissance du génocide au nombre des critères pour son adhésion à l’UE. Une recommandation pourtant préconisée à plusieurs reprises par le Parlement européen depuis le 18 juin 1987, mais qui a laissé de marbre l’exécutif bruxellois. Répondant à Jacques Chirac, qui avait déclaré le 29 septembre dernier à Erevan, qu’il faudrait que la Turquie reconnaisse le génocide pour adhérer à l’Union, Olli Rehn, commissaire européen à l’élargissement a rappelé le 3 octobre à Istanbul, que ce « n’est pas une condition d’adhésion à l’Union ». Un avis également exprimé la veille par René Van Linden, président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
Il est donc clair que, malgré les souhaits de Jacques Chirac, rien ne s’oppose, du point de vue légal, à l’importation en Europe de ce négationnisme d’Etat. La Turquie et les Arméniens sont laissés face à face, dans un rapport de forces, de moyens et d’influence totalement inégal. Pour qui connaît la détermination d’Ankara à occulter, minimiser ou nier l’entreprise d’extermination, ce désengagement européen compromet toute chance d’apporter la moindre réparation, le plus petit apaisement, fut-il purement morale, au peuple arménien. Selon le point de vue exprimer par Oli Rehn, il ne lui reste qu’à subir ce négationnisme. Ou, ultime variante, à se soumettre aux manoeuvres dilatoires d’Ankara, qui veut enterrer le problème à travers la création d’une « commission mixtes d’historiens » qui serait chargé d’ « établir les faits ». Une perfidie qui ne trompe que les naïfs. Car soit les Arméniens se prêtent à ce jeu, et ils admettent implicitement que la réalité de l’entreprise d’extermination est sujette à caution ; ce qui revient à justifier les thèses d’Ankara. Soit ils rejettent ce piège, et ils se retrouvent dans une position négative de fermeture, de refus.
En dépit de tous ces stratagèmes de bas étage, l’anéantissement des Arméniens perpétré par le gouvernement jeune turc, est malheureusement avéré. Et toutes les instances qui ont été saisies pour étudier les faits, depuis la sous-commission des droits de l’homme de l’ONU en 1984, jusqu’à l’association internationale des historiens des génocides, en passant par les divers parlements qui ont reconnu l’événement, sont toutes arrivées aux mêmes conclusions.
Les multiples preuves ne suffisent cependant pas à Ankara, qui, en bon négateur, rejette l’évidence et se drape dans l’exigence de l’ultrapreuve. Sa logique est celle de la négation. Une défense volontaire, construite, organisée, qui traduit sa complicité avec le crime, en constitue son volet politique, sa touche finale. C’est la continuation du génocide par d’autres moyens.
Cette politique criminelle risque d’être importée en Europe avec l’intégration d’une Turquie négationniste. Elle pourrait même se transformer en une véritable déferlante du mensonge d’Etat étant donné qu’il n’existe à ce jour aucune barrière suffissament forte pour l’entraver.
La nécessité de mettre en place en France une législation pour pénaliser le négationnisme du génocide arménien s’inscrit donc dans ce contexte hautement politique, dans le sens le plus élevé du mot. Le projet de loi du 12 octobre n’est autre qu’une réponse légale à un trouble de l’ordre public. Il s’agit de protéger tout ou parti des Français,dont ceux d’origine arménienne, contre la logique criminogène d’un Etat qui prétend, via l’Europe, partager leur souveraineté, mais visiblement pas leurs valeurs.
Le négationnisme d’un génocide, en tant que politique concertée, est consubstantiel au crime, il en estun aspect indissociable. Pas plus que le racisme, ou l’appel ou meurtre, il ne représente une opinion. Et sa répression n’est pas davantage une atteinte à la liberté d’expression qu’une tentative d’enrégimenter le travail, vivement recommandé, des historiens français. Il s’agit de limiter dans l’exagone un comportement délictueux, attentatoire aux valeurs démocratiques et humanistes, à l’unité républicaine. Il s’agit en l’espèce de nommer, de dénoncer et de circonscrire cet outrage permanent à la réalité de ce crime contre l’humanité qui alimente d’un côté l’ultanationalisme turc, exacerbe de l’autre les souffrances arméniennes et insulte enfin les droits de l’homme. Il s’agit de faire prendre conscience à la Turquie, que cette règle n’a que trop duré. Et qu’il est temps que la Turquie se donne les moyens d’effacer cette tache rouge sur son front, pour reprendre l’expression de Nazim Ikmet, afin e tourner la page et de construire sur de vrais fondements, la fraternité européenne.
Ara Toranian

La rédaction
Author: La rédaction

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