Aministie : le choix de l’Arménie gagnante

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Enfin une bonne nouvelle. La décision du président de la République d’accorder une amnistie pour les prisonniers politiques condamnés à des peines de moins de cinq ans de réclusion constitue le premier geste positif du pouvoir en place depuis les événements du 1er mars. On aurait certes espéré que cette mesure s’applique à l’ensemble des membres de l’opposition incarcérés. Mais un tel élargissement pourra peut-être intervenir dans un second temps, à la faveur du nouveau climat que devrait inspirer l’initiative de Serge Sarkissian, ratifiée par le Parlement le vendredi 19 juin.
Cette décision est instructive à plus d’un titre. Elle enseigne tout d’abord que le pouvoir est moins autiste qu’il n’y parait. Et sans doute moins monolithique aussi. Au lieu de s’entêter dans une répression aveugle qui aurait entraîné à la longue sa totale disqualification, il s’est révélé par certaines de ses composantes assez ouvert aux critiques et capable de jeter les bases d’un dialogue à construire. Qu’elles viennent des instances internationales, en particulier européennes, de la diaspora ou de l’opposition, les pressions ont fini par avoir raison de la logique autoritaire qui semblait s’installer dans la longue durée après le 1er mars 2008. Elles ont probablement aussi aiguisées les questionnements et les fissures au sein de la coalition dominante, comme en témoigne les dernières élections municipales qui ont vu ses forces aller à la bataille électorale en ordre dispersé.
Il ne faudrait cependant pas interpréter cette relative flexibilité et hétérogénéité comme des signes de faiblesse. Elles sont au contraire à mettre au crédit d’une équipe dirigeante qui aurait pu en effet se montrer plus enrégimentée et bornée. Comme tant de ses semblables de l’ex-URSS, elle aurait pu s’armer d’ornières, former un bloc enfermé dans ses certitudes et continuer bon an mal an ainsi. Qui aurait été réellement en mesure de la neutraliser ? L’opposition ? Celle-ci a été en grande partie laminée par la répression. Et ses récentes prestations lors des municipales du 31 mai ne témoignent pas d’une grande capacité à bouleverser la donne. Idem pour le Conseil de l’Europe, dont la pression en faveur de la libération des prisonniers politiques s’est faite ces derniers mois bien déclinante. Ce qui montre, et les dirigeants arméniens en ont largement conscience, que la défense des droits de l’homme en Arménie est évidemment moins importante aux yeux de l’Occident que la stabilité régionale. Et qu’un Etat arménien affaibli pas ses contradictions internes et en passe d’aller à Canossa dans ses relations avec Ankara convenait parfaitement à ses besoins.
Est-ce alors le mécontentement populaire qui aurait contraint les autorités ? Ces dernières savent parfaitement aussi que l’opinion publique respecte la puissance, qu’elle donne naturellement une prime au vainqueur, qu’elle suit la courbe des rapports de forces. En particulier dans les systèmes issus des traditions dictatoriales, comme c’est le cas des sociétés sorties récemment du stalinisme, lequel favorisait par nature la collaboration avec le pouvoir, la lâcheté individuelle et d’une manière générale les comportements non civiques. Enfin, la diaspora, dernier acteur à s’être impliqué en faveur des prisonniers, connaît elle aussi suffisamment les limites de son influence sur les grandes orientations politiques du pays pour prétendre revendiquer un poids décisif dans les choix d’Erevan.
Ainsi, si aucun des facteurs précités ne peut à lui seul expliquer cette libération massive- mais néanmoins encore partielle – il faut sans doute en attribuer la cause à leur addition et à leur conjugaison. Le résultat obtenu traduit, in fine, une certaine aptitude du pouvoir à « l’ écoute » et une propension raisonnable à trouver des solutions. On a suffisamment critiqué en ces lieux le régime, pour lui accorder ce satisfecit. Le pouvoir en place, dans la digne tradition de ces prédécesseurs, avait jusqu’à présent essentiellement fait montre de son inclinaison à l’autoritarisme. Prenons acte qu’il n’a pas franchi le rubicond qui l’aurait fait basculer dans une dictature pure et simple.
A la croisée des chemins, alors qu’ils avaient effectivement beaucoup de cartes en main, les dirigeants arméniens viennent de prendre la bonne décision. Celle de l’apaisement. A l’opposition désormais de se montrer à la hauteur de la situation, en répondant d’une manière idoine à cette volonté de calmer le jeu. Une orientation déjà anticipée par Lévon Ter Pétrossian qui dans son discours historique du 1er mars 2009, avait rejeté la tentation révolutionnaire, au profit de la voie réformiste. Ce qui paraît préférable si on veut construire la démocratie. A fortiori dans un pays assis sur un baril de poudre régional, prêt à exploser à la moindre déstabilisation interne.
Mis en cause dans leur simple droit à l’existence par leurs voisins turcs et azéris, les Arméniens ont le devoir impérieux de s’entendre entre eux. Que les huit manifestants et les deux policiers tués le 1er mars 2008 se rappellent au sens des responsabilités de chacun. Afin qu’on leur donne au moins une petite chance de n’être pas morts pour rien.
Ara Toranian

La rédaction
Author: La rédaction

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