Au milieu de protestations persistantes contre le limogeage du célèbre directeur arméno-américain du théâtre de l’opéra national arménien, le gouvernement s’est engagé à retarder au moins la nomination de son successeur lundi.
Constantine Orbelian, chef d’orchestre et pianiste né à San Francisco, a été nommé directeur artistique du Théâtre national d’opéra et de ballet Alexander Spendiarian à Erevan en 2016 et en est devenu le directeur général un an plus tard. Il est largement reconnu pour avoir insufflé une nouvelle vie à l’une des plus importantes institutions culturelles du pays, sous-financée par les gouvernements post-soviétiques successifs.
Le ministre de la Culture, Nazeni Gharibian, a limogé jeudi dernier Orbelian en tant que directeur général, affirmant qu’il n’était pas légalement autorisé à combiner les deux postes de direction. Le ministre a également fait valoir que le citoyen américain âgé de 62 ans ne parlait pas couramment l’arménien.
Orbelian a rejeté la décision comme étant illégale et a déclaré qu’il la contesterait devant les tribunaux. La plupart des acteurs et musiciens du théâtre d’Etat ont également condamné ce limogeage, exigeant que Gharibian soit renvoyé à la place.
Dans une manifestation sans précédent, beaucoup d’entre eux sont montés sur scène juste avant un ballet dimanche pour exprimer leur indignation devant des centaines de spectateurs. Ils ont menacé de faire la grève si Orbelian n’était pas réintégré. Le public a largement applaudi.
De nombreux artistes, parmi lesquels les directeurs d’autres théâtres gérés par l’État, ont exprimé leur soutien aux manifestants en signant une lettre ouverte adressée au Premier ministre Nikol Pachinian.
Des dizaines de membres du personnel d’opéra et de ballet se sont rassemblés devant le bâtiment principal du gouvernement à Erevan lundi, amenant Pachinian à rencontrer leurs représentants.
Pachinian a défendu la légalité du licenciement d’Orbelian lors de la réunion. Il a également évoqué les fréquents voyages de ce dernier à l’étranger et, citant le ministère des Finances arménien, aurait fait état d’irrégularités financières commises par l’administration du théâtre en 2017.
Dans le même temps, Pachinian a clairement fait savoir qu’il était disposé à entendre les contre-arguments des artistes. À cet égard, il a annoncé que le théâtre serait actuellement dirigé par l’un des proches d’Orbelian.
«Continuez comme d’habitude», leur a dit le Premier ministre. « J’attendrai vos arguments et nous prendrons ensemble des décisions. »
Gharibian avait annoncé vendredi dernier avoir déjà nommé un nouveau directeur pour l’opéra, ajoutant qu’il le présenterait au personnel du théâtre lundi. Le ministre n’a pas assisté à la réunion de Pachinian avec les représentants des manifestants, même s’il a été vue en train de pénétrer dans le bureau du Premier ministre.
Les responsables de la manifestation semblaient satisfaits de la réunion. L’un d’eux notamment, le chef d’orchestre Harutiun Arzumanian, a affirmé qu’il étudierait les justifications écrites du licenciement d’Orbelian et répondrait par écrit à Pachinian.
« Le Premier ministre a expliqué que s’il s’avérait que même l’un des arguments soumis par le gouvernement était faux, le responsable qui les avait soumis serait immédiatement limogé », a commenté Arzumanian à la presse.
