Le 12 mai dernier, nous avons célébré le 25e anniversaire de l’accord sur le cessez-le-feu entre la République d’Artsakh, l’Azerbaïdjan et l’Arménie au sujet du conflit du Haut-Karabagh. Cet anniversaire est une bonne occasion d’effectuer un bilan de ce qui a été fait et de ce qui reste à faire pour renforcer le cessez-le-feu.
En mettant fin à la guerre, l’accord du 12 mai 1994 a transposé le conflit sur un terrain politico-diplomatique et a créé les conditions nécessaires à ce que les parties, avec le concours des médiateurs internationaux, puissent concentrer leurs efforts sur la recherche d’une solution négociée et définitive au conflit.
A ce jour, cet accord reste l’unique acquis réel dans le processus de règlement du conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Artsakh. Le chemin vers la paix, ou plus précisément vers une trêve, s’est avéré difficile : l’Azerbaïdjan, certain de sa supériorité militaire et technique, espérait une issue au conflit basée sur la force. C’est précisément à cause de cette attitude que 4 résolutions furent adoptées par le Conseil de Sécurité de l’ONU sur le Haut-Karabagh, la principale exigence de ces résolutions étant l’arrêt immédiat des opérations militaires.
Ce n’est qu’au prix de défaites significatives sur le terrain militaire et de l’épuisement de son potentiel militaire que les autorités azerbaïdjanaises ont multiplié les contacts directs avec les autorités de l’Artsakh pour aboutir finalement à un accord de cessation des hostilités signé en mai 1994 à Bichkek, capitale de Kirghizstan.
Cependant, au cours des années suivantes ce premier succès n’a pu être enrichi. Les premiers blocages dans le processus de règlement se sont manifestés lorsque Bakou est revenu à la politique de confrontation tout d’abord en refusant de mettre en pratique les dispositions de l’accord, puis en début 1997, en sabordant le format tripartite des négociations. Par ailleurs, l’Azerbaïdjan tentait de faire prévaloir le « règlement aux conditions de Bakou ou la guerre » tout en interprétant les résolutions de l’ONU comme des décisions lui donnant le droit de recourir à nouveau à la force pour conquérir l’Artsakh. Une telle présentation viciée contredit explicitement l’esprit et la lettre de ces résolutions ayant pour objectif de mette fin à la guerre.
Cette tactique belliqueuse a culminé dans la nuit du 1er au 2 avril 2016 par une offensive militaire azerbaidjanaise de grande ampleur, en flagrante violation de l’accord du cessez-le-feu. L’intensité et l’envergure des opérations témoignent indiscutablement du fait que l’agression du 2 avril n’était pas, mais scrupuleusement planifiée. Ce n’est qu’au prix de lourdes pertes que le 5 avril l’Azerbaïdjan a fait appel à la médiation de la Fédération de Russie pour mettre fin aux opérations.
Cette tentative de la partie azerbaidjanaise de se soustraire à ses engagements de maintien de la paix s’est heurtée à des condamnations sévères, les pays coprésidents du Groupe de Minsk (la France, les Etats-Unis et la Russie), ainsi que le Secrétaire général de l’ONU, le président en exercice de l’OSCE et le Secrétaire général du Conseil de l’Europe appelant les parties à s’en tenir rigoureusement à l’accord de mai 1994. Cette réaction démontre que cet accord reste l’élément clé de maintien de la sécurité régionale dans le Caucase du Sud tant en ce qu’il exclue toute possibilité de résolution du conflit par la force qu’en ce qu’il instaure des négociations directes où chaque partie au conflit les mène en son nom.
Aujourd’hui, 25 ans après donc, cet accord peut nous servir de référence et il apparait essentiel d’une part de renouveler les négociations tripartites directes, et d’autre part de renforcer systématiquement et de manière continue le cessez-le-feu, y compris au moyen de mise en place d’un mécanisme international de contrôle de son maintien.
La partie artsakhiote soutient la mise en place d’un mécanisme d’enquête sur les incidents survenus aux frontières, ainsi que l’accroissement des moyens de suivi de ces incidents tels que prévus à l’issue des Sommets de Vienne et de Saint Pétersbourg après les événements d’avril 2016. Ces accords restent cependant lettre morte à cause de l’opposition active de l’Azerbaïdjan à leur mise en pratique. Plus encore, Bakou refuse de reconnaître formellement les bases politiques et juridiques du cessez-le-feu avec l’Artsakh et, par conséquent, de tout le processus de paix.
Une attention particulière mérite la question de la démarcation de la ligne séparant les forces armées fixée par l’accord du cessez-le-feu. Le respect du cessez-le-feu signifie également le rétablissement de la ligne tracée par ce cessez-le-feu mais violée par l’Azerbaïdjan en avril 2016.
Pour ce qui est de la République d’Artsakh, nous restons convaincus que l’association et la complémentarité des conditions politique et diplomatique (rétablissement des négociations tripartites directes et renforcement du cessez-le-feu garantissant l’irréversibilité du processus de paix) créeront les conditions nécessaires à de réels progrès dans le processus de règlement pacifique du conflit entre l’Azerbaïdjan et le Karabagh et assureront une stabilité durable dans le Caucase du Sud.
Massis Mayilian
Ministre des Affaires étrangères de la République d’Artsakh