Tripoli, 30 déc 2019 (AFP) – Les accords signés entre Ankara et le
gouvernement d’union nationale (GNA) de Tripoli marquent une escalade dans le
conflit libyen, a regretté lundi l’émissaire de l’ONU en Libye, Ghassan Salamé.
« Il s’agit d’une nette escalade du conflit », a-t-il estimé dans un
entretien avec le quotidien français Le Monde.
La Libye est déchirée entre deux pouvoirs rivaux: le GNA de Fayez
al-Sarraj, soutenu par l’ONU et, dans l’est, un pouvoir incarné par le
maréchal Khalifa Haftar, qui a lancé début avril une offensive pour conquérir
Tripoli, où est basé le GNA.
Le maréchal Haftar est soutenu par plusieurs pays, dont l’Arabie saoudite,
les Emirats arabes unis et l’Egypte, trois rivaux régionaux d’Ankara.
Le 27 novembre, Ankara a signé deux accords avec le GNA, l’un portant sur
la souveraineté maritime, qui permet à la Turquie de faire valoir des droits
sur des vastes zones en Méditerranée orientale riches en hydrocarbures, au
grand dam de la Grèce, de l’Egypte, de Chypre et d’Israël.
Le deuxième accord porte sur la coopération militaire et l’aide que la
Turquie pourrait apporter au GNA dans sa lutte contre les troupes du maréchal
Haftar, soutenues pour leur part par l’Egypte, les Emirats arabes unies et la
Russie.
Pour M. Salamé, ces deux accords marquent « une escalade dans le conflit en
l’étendant à des zones éloignées de la Libye, notamment le contentieux entre
les Grecs et les Turcs sur la délimitation maritime ».
L’émissaire de l’ONU a regretté « l’internationalisation du conflit, son
extension territoriale, notamment au niveau maritime, et aussi l’escalade
militaire proprement dite ».
« On a vu l’arrivée et l’activité beaucoup plus intense d’une aviation non
libyenne. Nous voyons aussi des mercenaires de plusieurs nationalités –dont
les Russes– venir soutenir les troupes de Haftar à Tripoli », a dit M. Salamé.
Et, assure-t-il, il est aussi question de « groupes arabophones,
probablement venant de Syrie, qui seraient déployés du côté du GNA, ainsi que
de l’arrivée de plusieurs avions depuis la Syrie à l’aéroport de Benghazi »,
fief du maréchal Haftar.
Lundi, la présidence turque a transmis au Parlement pour examen une motion
autorisant le déploiement de militaires en Libye pour y soutenir le GNA.
M. Salamé s’est dit « déçu, blessé qu’après neuf mois de combats à Tripoli,
nous n’ayons toujours pas de résolution du Conseil de sécurité appelant à un
cessez-le-feu ».
« Nous sommes face à une situation extrêmement dangereuse où la crédibilité
de l’ONU est en jeu », a-t-il affirmé, accusant des pays membres du Conseil de
sécurité de violer l’embargo imposé par l’ONU en Libye depuis 2011.
Les présidents français Emmanuel Macron et égyptien Abdel Fattah al-Sissi
ont aussi évoqué lundi par téléphone « les risques d’une escalade militaire » en
Libye.
Accords Ankara-GNA: une « nette escalade » du conflit libyen (Salamé)
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