Erdogan à Strasbourg : Au secours ! Les fanatiques reviennent !

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Il n’y a qu’un seul peuple, les Turcs, et Erdogan est leur prophète. C’est en substance l’impression qu’a laissée le sensationnel meeting d’Erdogan à Strasbourg le 4 octobre. Devant 12 000 Turcs fanatisés, brandissant des milliers de drapeaux nationaux et ponctuant les sentences du maître par des « Allahou Akbar » scandés à l’unisson, le président turc a déployé deux heures durant toute la gamme de son répertoire islamo-nationaliste. Se revendiquant des plus grandes victoires ottomanes et se situant dans la lignée des sultans ou des dirigeants de 1915, il s’est posé en conquérant turc des temps modernes, exhortant ses troupes à investir le terrain politique français pour servir le destin exceptionnel de leur pays, qui « est derrière eux, qui ne les oublie pas ! ». Le tout enveloppé dans un bain religieux, avec un muphti venu du pays pour dire la prière, les femmes et les hommes séparés. Résultat garanti : la foule en liesse l’a ovationné, comme une « rock star », pour reprendre l’expression de l’AFP.

Ce discours délirant, sous-tendu par la sacro-sainte croisade contre le terrorisme, n’a cependant pas fait une seule allusion à Daech, contre lequel Ankara est soi-disant entré en guerre. Il est désormais loin le temps où le président turc justifiait son entrée dans la coalition occidentale en Syrie par la nécessité de lutter contre le « terrorisme », en renvoyant dos à dos, d’une manière d’ailleurs totalement inacceptable et inappropriée Daech et le PKK. Comme si on pouvait mettre sur un pied d’égalité la barbarie djihadiste et un mouvement de libération nationale, lequel était d’ailleurs en négociation avec les autorités turques avant que celles-ci ne rompent unilatéralement la trêve, voyant dans le chaos à leur frontière sud une occasion historique d’en finir avec la résistance kurde. Objectif auquel elles se livrent à loisir depuis août ( plus de mille Kurdes tués), provoquant tout au plus quelques timides remarques occidentales quant à la priorité des cibles… Rien à voir avec la levée de boucliers qu’a entraîné la première frappe russe en Syrie sur des objectifs qui n’étaient pas clairement identifiés comme appartenant à l’État islamique scrito sensu. Doubles standards ? Serait-ce possible ?

Se réclamant d’un sens aigu de l’histoire, et en en ayant visiblement tiré les leçons, Erdogan sait qu’il peut compter sur la faiblesse de l’Occident pour lui faire avaler toutes les couleuvres. Y compris en aidant ouvertement les Daech et autres Al Qaida en Syrie, comme il l’a fait pendant des années avec la quasi-bénédiction des Américains, qui semble déjà avoir oublié le 11 septembre, ou en ouvrant les vannes de l’immigration syrienne vers l’Europe, de façon à avoir à nouveau barre sur elle. Comme Erdogan ose tout, et c’est à ça qu’on le reconnaît, il se pose même dans ce dossier en grand humanitaire devant l’éternel, au nom de l’accueil que son pays aurait réservé à 2 millions de réfugiés syriens. Oubliant au passage d’indiquer qu’il s’était bien gardé de leur donner le droit d’être résidents dans son pays, et qu’il leur offrait tout au plus un hébergement transitoire, dont le terme semble être atteint si l’on en juge par la vague actuelle de migrants qui est en train d’affluer sur l’Europe. Ce chantage, clé de voûte de la diplomatie de l’AKP, s’est déjà montré payant puisque la France a été l’un des premiers États à proposer l’organisation de l’aide internationale à la Turquie, dont un premier montant est estimé à un milliard de dollars.
Comme à l’accoutumée, Erdogan, souffle donc le chaud et le froid, sans perdre de vue sa stratégie de conquête, ni faire de mystère sur sa folie des grandeurs, alors que le « chaos règne partout où l’Empire ottoman s’est retiré », a-t-il asséné à Strasbourg, ajoutant carrément : « l’Afrique du Nord, le Moyen-Orient, le Caucase sont encore vivants dans nos mémoires ! ».

En ce qui concerne les Arméniens, en tout cas, mieux vaut qu’il les oublie, parce qu’eux n’ont pas gardé le même souvenir des bienfaits de l’Empire Ottoman qui s’est traduit par le premier génocide du XXe siècle à leur encontre. En terme de chaos, l’État turc, s’il ne sait pas ce qu’il dit, devrait au moins savoir de quoi il parle, même s’il a fait de l’extermination de ses minorités chrétiennes et du négationnisme le principal pilier de sa fondation.

Il aurait été bien sûr bien naïf d’espérer que la venue du tribun turc en territoire de France, où le génocide a été reconnu, se solde par une pensée pour ses victimes, en cette année du centenaire. Au lieu de cela, Erogan est venu souffler sur les braises en exaltant le nationalisme de ses ressortissants, soit l’idéologie même qui avait présidé à l’élimination des Arméniens, Assyro-chaldéens, Syriaques et Grecs de Turquie. Ainsi, comme l’a souligné le CCAF dans un communiqué dénonçant la tenue de ce meeting, les enfants des réfugiés de 1915, qui avaient trouvé asile en France en espérant que plus jamais les générations futures n’auraient à subir les turpitudes du panturquisme, voient débarquer sur le sol de France, où ils ont élu domicile depuis cent ans, les hordes fanatisées qui avaient porté la mort et la désolation dans leur peuple. Tous les Turcs de France ne doivent pas, Dieu merci, être mis à la même enseigne, tant s’en faut. Et heureusement. Il n’empêche que la démonstration de force de Strasbourg, après la grande manifestation négationniste de janvier 2012 à Paris, donne à réfléchir.

Et si les pouvoirs publics ne le font pas, choisissant dans ce domaine comme d’un bien d’autres de ne pas choisir, ceux qui ont souffert dans leur chair de la propagation d’une telle idéologie, ne sauraient rester les bras croisés face aux menaces qui se profilent à l’horizon.

Même si l’enseignement du génocide arménien est maintenu dans les programmes scolaires, malgré le lobbying d’Ankara, l’absence de loi réprimant le négationnisme et le laxisme par rapport au développement de l’islamofascisme turc sur le territoire, constitue plus que jamais pour les Français d’origine arménienne des enjeux majeurs, dont ils se doivent de faire valoir haut et fort l’importance. Pendant qu’il est encore temps…

Ara Toranian

Egalement sur le lien de la Règle Du Jeu plus bas

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Author: raffi

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