Le difficile repeuplement des villages kurdes après Anfal

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« Je suis un fermier sans terre et sans emploi. Je vis de l’aide de mes fils », raconte Khaled Mohamed Ismail, vêtu du costume traditionnel kurde, attablé dans un café du centre de Dohouk: il est l’un des 141.000 Kurdes déplacés sous le régime de Saddam Hussein.

Il existe deux types de déplacés. Il y a ceux comme Khaled, dont le village près de Mossoul (nord) a été « arabisé » par le régime irakien et où il lui est impossible de revenir tant qu’un arrangement n’est pas trouvé avec les colons arabes qui y ont été installés.

Il y a ceux comme Luqman Khalid Weisy, dont le village au nord-est de Dohouk a été rasé pendant la campagne Anfal de répression au Kurdistan, qui aurait fait jusqu’à 180.000 morts en 1987-88 et pour laquelle Saddam Hussein est jugé depuis lundi pour génocide à Bagdad. Tous ont en commun de vivre dans des conditions précaires en ville.

« Le problème des déplacés dépasse leur simple nombre. Saddam Hussein a organisé une destruction scientifique du Kurdistan », affirme Moussa Ali Bakir, un ancien peshmerga (combattant kurde), aujourd’hui chef du bureau des déplacés intérieurs et réfugiés (IDP) pour Dohouk et Mossoul. « Saddam a déplacé les populations et rasé des villages, détruisant le tissu économique mais aussi les cellules familiales et les conditions de possible retour ».

« Les bailleurs internationaux ne comprennent qu’en partie le problème. Nous devons réinstaller dans leurs villages les déplacés mais ce n’est pas facile. Il faut garantir la sécurité: arrêter les combats, y compris entre Kurdes, et déminer (20 millions de mines seraient dispersées à travers le Kurdistan, ndlr). Il faut aussi rendre ces anciens villages accessibles avec des routes et reconstruire des maisons dignes de ce nom », détaille Moussa Ali.

Il faut aussi selon lui offrir « les services qu’on trouve en ville: électricité, eau, école mais aussi la vie sociale, comme un centre culturel ou un club de football, sinon les gens qui ont connu les joies de la ville ne retourneront pas ».

« Il y a une évidence: la même terre qui nourrissait 10 personnes ne peut aujourd’hui en nourrir 20. Les familles ont grandi. Il faut donc créer de petites entreprises pour employer les habitants non paysans et créer des marchés pour les produits des paysans », souligne-t-il.

« Si on ne remplit pas ces conditions, on continuera à donner de l’argent au Kurdistan en vain. Rien ne changera », prévient Moussa Ali. Mais ses idées sont loin d’être mises en pratique. Après avoir été une tragédie humaine, Anfal est en train de se transformer en drame social.

Ainsi, la famille de Luqman Khalid Weisy vit aujourd’hui dans Fort Nizarky, la prison où elle a été enfermée pendant Anfal. Leur village est encore un champ de ruines.

Quant à Khaled Mohamed Ismail, s’il a la possibilité de s’addresser à une commission pour tenter de récupérer ses biens, il manque la volonté politique de mettre en pratique ce retour au sud des frontières actuelles du Kurdistan, où le pouvoir est partagé entre les différentes ethnies et religions.

A Mam Chivan, à 20 km de Dohouk, 14 familles vivent sur le site de leur ancien village, qui en compait une centaine avant Anfal. Des membres de l’ONG américaine Concern for Kids viennent chaque semaine pour filtrer de l’eau de la source du village, impropre à la consommation.

Le réseau d’eau potable de Dohouk prend pourtant sa source à deux km de là. « Il manque une volonté politique. Ici la terre est fertile. Si le village était raccordé au réseau d’eau, le village compterait 100 ou 2O0 familles », affirment Peer Alo Kachal et Kamal Jaffer Hamo, deux des fermiers.

« Ce qui est détruit pendant 30 ans, on met 6O ans à la reconstruire », dit Moussa Ali.

raffi
Author: raffi

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