Avant même de voir le jour, un projet de jardin public réservé aux femmes dans une banlieue d’Istanbul soulève une controverse nationale en Turquie, où le parti AKP au pouvoir est soupçonné de vouloir revenir sur les acquis de la laïcité héritée de Mustafa Kemal Atatürk.
Mais le maire du quartier populaire de Bagcilar, Feyzullah Kiyiklik, lui-même membre de l’AKP, une formation aux racines islamistes, semble au diapason de ses électrices, si l’on en juge par les réactions de celles-ci.
« C’est une bonne idée. J’espère qu’elle va se réaliser. Ce sera plus agréable. Les hommes interpellent et posent des regards lascifs sur les femmes en Turquie », confie une habitante du quartier, Nurgul Karayanik, une ouvrière du textile de 21 ans.
« Il y a des femmes qui ne sortent pas à causes des hommes, parce que ce serait un péché. Et les hommes font des réflexions. C’est désagréable », explique Muteber Kucukkaraca, une quinquagénaire de ce même quartier où prédomine le voile islamique.
La controverse a franchi jeudi les murs du parlement, où le député d’opposition Tamayligil a interpellé le gouvernement. « Comment conciliez-vous les principes de la République avec la ségrégation entre hommes et femmes? », s’est-il exclamé.
« Ils affirment vouloir protéger les femmes du harcèlement sexuel, mais c’est tout simplement un projet islamiste. C’est une application évidente du ‘harem-selamlik' » (séparation entre les sexes), s’indigne Pinar Ilkkaracan, fondatrice de l’ONG turque Femmes pour le droit des femmes.
La polémique agace Kyyiklik, le maire, qui jure tout à trac: « Nous n’avons pas encore achevé le parc, nous ne l’avons pas ouvert encore, la décision n’est pas encore prise! ». Tout en ajoutant: « Si ça vous intéresse, vous pourrez venir le jour de l’ouverture, inch Allah! »
Le parti AKP ne se cache pas de vouloir rétablir le port du foulard islamique dans les administrations publiques et ses élus locaux ont suscité un tollé l’an dernier en interdisant l’alcool dans les restaurants des municipalités qu’ils gèrent.
Il est probable que le clivage entre laïques et islamistes dans un pays officiellement séculier mais presque totalement musulman ne fera que s’accentuer à l’approche des élections législatives, en novembre 2007.