Anne Fulda
Le Figaro, France 20 octobre 2006
Elle a des airs de petite fille sous sa frange blonde. S’enthousiasme quand elle évoque les traits de caractère de ses personnages, Tara Duncan, bien sûr, son héroïne, mais aussi le chien Manitou ou le demi-elfe Robin. Elle est francaise, d’origine russo-arménienne, mais pourrait être américaine. Sa manière de travailler, les quatre heures par jour qu’elle consacre pour répondre à ses » fans qui lui écrivent sur son site Internet (parmi les 20 sites les plus visites en France), sa façon de raisonner aussi, font en effet de Sophie Audoin-Mamikonian un auteur à part dans le paysage editorial francais. Tout d’abord parce que cette femme appartient au club très fermé des » auteurs jeunesse « , un » ghetto » en France regrette l’auteur qui défend la cause de ses pairs. Et ajoute, manière de souligner le manque de reconnaissance médiatique dont elle souffrirait : » Je vends pourtant plus que Christine Angot. » À part, Sophie Audoin-Mamikonian l’est également à cause de la franchise qui la caracterise. Cette veritable princesse en jeans, heritière d’un royaume qui n’existe plus, mais toujours solidaire de la cause arménienne, appelle un chat un chat, et elle ne se cache pas derrière son petit doigt pour parler de ses objectifs de vente : vendre plus, à l’instar de Harry Potter, » la » référence. Une chimère ? Pas sûr. Tara Duncan a en effet de nombreux supporters. Les trois premiers tomes du livre (dix doivent être publiés d’ici a 2013) ont déjà été traduits en douze langues et ont rassemblé quelque 500 000 lecteurs dans le monde. Autre preuve du succès de l’héroïne : il y a près de deux semaines, la dédicace organisée par le magasin Virgin, à l’occasion de la parution du quatrième tome de ses aventures, a entraîné une affluence record sur les Champs-Elysees : cinq heures de queue, 930 dedicaces de l’auteur, reste » scotché » à sa chaise pendant près de six heures et demi. Indéniablement, la mère de famille, qui recoit avec beaucoup de gentillesse dans son appartement de Neuilly, est donc ce que l’on a coutume d’appeler un phénomène éditorial. Elle a de qui tenir : Tristan Bernard est son arrière-grand-oncle, Francis Veber, le frère de sa mère, et son arrière-grand-père, Pierre-Gilles Veber, a écrit Fanfan la tulipe.