Après avoir laissé planer le doute pendant des semaines, le chef du gouvernement islamo-conservateur turc Recep Tayyip Erdogan a finalement prévu de rencontrer mardi à l’aéroport le pape Benoît XVI qui entamera une visite de quatre jours en Turquie.
« Un entretien est prévu à l’aéroport », a indiqué son porte-parole Mehmet Akif Beki au sujet de cette rencontre qui nourrissait depuis longtemps la polémique.
L’entretien va durer 15 minutes, selon de sources italiennes et « jusqu’à 30 minutes » selon les chaînes turques.
Le Vatican s’en est immédiatement félicité.
Cette rencontre est un « signe très positif et un geste d’attention envers le Saint-Siège qui est très apprécié », a déclaré le père Federico Lombardi, porte-parole du Vatican.
L’entrevue sera avant tout symbolique car les deux hommes doivent se croiser à l’aéroport international de la capitale turque. M. Erdogan quittera immédiatement Ankara pour Riga, la capitale lettone, pour participer au sommet de l’Otan avec son ministre des Affaires étrangères Abdullah Gül.
C’est le vice-Premier ministre Mehmet Ali Sahin, chargé entre autre des sports, qui devrait s’entretenir avec le pape au nom du gouvernement.
De l’avis général, ce sommet arrange bien M. Erdogan, qui pour des raisons électorales, préférait ne pas s’entretenir avec le chef de l’Eglise catholiques après les propos de ce dernier liant implicitement l’Islam à la violence qui avaient provoqué une forte réaction au sein des pays musulmans, dont la Turquie.
M. Erdogan, un ancien militant de la cause islamiste qui se qualifie désormais de « démocrate conservateur », et nombre de dirigeants de son parti de la Justice et du Développement (AKP, issu de la mouvance islamiste) avaient fustigé les propos du pape. »Le pape qui a prononcé ces propos malheureux est passé dans l’Histoire, mais dans la catégorie de Hitler et de Mussolini », avait même affirmé le vice-président du groupe parlementaire du parti, Salih Kapusuz.
2007 est une année de double élections en Turquie -présidentielle en avril et législatives en novembre- et M. Erdogan nourrit des ambitions présidentielles dans un contexte controversé en raison de ses convictions politiques et religieuses.
Dimanche, une petite formation pro-islamiste non représentée au parlement et dans les rangs duquel M. Erdogan avait fait carrière, a organisé une manifestation à Istanbul dénonçant le déplacement du pape en Turquie.
L’ex-Premier ministre Necmettin Erbakan, premier chef de gouvernement pro-islamiste de l’histoire de la Turquie laïque et mentor d’Erdogan, s’est adressé par vidéophone à la foule d’une vingtaine de milliers de personnes — bien inférieure aux centaines de milliers attendus.Il s’en est pris à l’AKP, affirmant que le pape venait en Turquie pour « bénir » les dirigeants de ce parti.
M. Erdogan risque en rencontrant le pape de contrarier sa base islamiste.Lundi, des commentateurs de presse appelaient les Turcs à faire preuve de leur hospitalité renommée pour faire en sorte que la visite papale soit un succès médiatique pour la Turquie. »Malgré tout ce qu’il a bien pu dire, nous sommes obligés de lui offrir un maximum d’hospitalité. Non pas seulement pour notre image et notre crédibilité, mais aussi pour la paix inter-religieuse », a affirmé Semih Idiz dans le journal libéral.
