Les autorités turques ont déployé les grands moyens pendant trois jours cette semaine pour tester leur efficacité le jour où surviendra le grand séisme d’Istanbul que prédisent les spécialistes.
Resultat: organisateurs satisfaits dans l’ensemble, mais médias locaux peu convaincus, voire railleurs et inquiets pour la survie des Stambouliotes.
Simulation d’une ampleur sans précédent dans l’histoire de la métropole de plus de 12 millions d’habitants, condamnée selon les experts à subir une secousse d’une intensité supérieure à 7 sur l’échelle ouverte de Richter dans les 30 années à venir, l’exercice de mardi à jeudi a impliqué plus de 5.600 personnels et 1.500 véhicules.
Le top départ a été donné mardi à 11H00 précises (9H00 GMT) par le centre de sismologie de Kandilli, annonçant un tremblement de terre de magnitude 7,2 en mer de Marmara, à moins de deux kilomètres de Büyükada, la plus grande des Îles des Princes au large de la côte asiatique de la ville.
Réagissant au quart de tour, le centre de crise du gouvernorat d’Istanbul a immédiatement dépêché militaires, pompiers, secouristes, médecins et autres agents du gaz vers les divers sinistres provoqués par la secousse: immeubles effondrés, navire en flammes, wagon déraillé, incendies.
« Pour le moment, l’opération est un grand succès. On voit qu’Istanbul s’est organisée, qu’elle a pris de l’expérience depuis 1999 », s’est félicité Hüseyin Bürge, maire de Bayrampasa, un des cinq quartiers impliqués dans les manoeuvres.
Deux violentes secousses survenues dans le nord-ouest de la Turquie en 1999 ont fait quelque 20.000 morts, dont un millier à Istanbul.
« Moi, je suis arrivé à la cellule locale de crise en sept minutes », s’est réjoui M. Bürge, interrogé par l’AFP dans un village de tentes érigé par le Croissant Rouge à Bayrampasa. « En trois heures et demi, toutes les écoles du secteur ont été évacuées ».
A la cellule de crise du gouvernorat, on affichait aussi sa satisfation.
« Nous sommes contents des résultats obtenus jusque là », a affirmé dès mardi le gouverneur adjoint Adem Karahasanoglu. « Istanbul est prête à un grand tremblement de terre, mais il serait exagéré d’affirmer que tous les travaux menés sont suffisants ».
Un bilan que la presse d’Istanbul était loin de partager, chaque quotidien y allant de son anecdote sur les défaillances mises en évidence par la simulation.
On a ainsi pu assister à l’arrivée de toilettes mobiles avant celle des ambulances sur le lieu d’un sinistre, à l’arrosage fautif de journalistes et d’officiels par les pompiers chargés d’éteindre un incendie sur un navire ou encore constater que les voies réservées aux secours avaient été converties en parkings par des citoyens indélicats.
« Même la simulation, on l’a ratée – Dieu nous préserve du vrai séisme! », titrait le quotidien populaire Vatan.
Une étude réalisée en 2003 évaluait à 70.000 le nombre probable de victimes en cas de séisme de magnitude 7,5 à Istanbul.
Sur le terrain, les secouristes se voulaient plus positifs que la presse.
« Ces manoeuvres sont quand même utiles », a déclaré un policier participant à l’extraction de « cadavres » -des mannequins- enfouis sous des décombres à Bayrampasa. « Au moins les équipes ne paniqueront pas et sauront quoi faire quand ça arrivera pour de vrai ».
« En 1999, personne ne savait comment réagir, maintenant tout le monde connait sa mission », a poursuivi le policier, parlant sous le couvert de l’anonymat, avant d’ajouter: « Sauf que s’il y a un séisme, j’irai d’abord chez moi voir comment va ma famille ».