Saddam Hussein, déjà condamné à la pendaison mais de retour mardi devant ses juges pour répondre de « génocide » contre la communauté kurde, a appelé Kurdes et Arabes « à se réconcilier » tout en récusant les témoignages de rescapés de massacres perpétrés sous son régime.
« J’appelle les Arabes et les Kurdes en Irak à se réconcilier, à se pardonner et à se serrer la main », a dit sereinement le président déchu, répondant à un témoin à charge, selon qui l’ancien président irakien Saddam Hussein considérait les Kurdes comme des « saboteurs ».
« Vous pouvez me dire à quelle occasion Saddam a parlé de la sorte des Kurdes, qu’il aime comme les Arabes? », a demandé Saddam.
Calmement, il a aussi récusé le témoignage d’un autre rescapé kurde qui détaillait des sévices. « Personne n’est en mesure de corroborer ce témoignage », a-t-il estimé.
Il n’a fait aucun commentaire sur sa condamnation à mort dimanche pour le massacre de villageois chiites dans les années 1980.
Saddam est même apparu mardi détendu en prenant son siège au box des accusés, lors de la 21e audience de son procès pour « génocide » contre les Kurdes.
Le premier témoin kurde, Qahar Khalil Mohammed, un fermier de 52 ans, est originaire du village de Quromai, près de Dohouk, au Kurdistan (nord). Comme des dizaines de témoins avant lui, il a raconté la destruction de son village par l’armée irakienne.
« Le 25 août 1988, les habitants d’un village voisin nous ont prévenu que l’armee irakienne allait nous attaquer et que personne ne survivrait », a raconté en kurde le témoin. Après une promesse d’amnistie suivie de la reddition du village, les soldats irakiens ont séparé les hommes des femmes et des enfants.
« Ils nous ont conduit a quelques centaines de mètres du village, un officier a ordonné +par terre+, puis un autre a crié +feu+. Je les ai entendu recharger leurs fusils à trois reprises », a poursuivi le témoin, qui à la demande du juge Mohammed al-Oreibi al-Khalifa a volontiers montré ses cicatrices, des marques rouges sur son front et dans son dos.
« Je veux que le monde entier voie mes cicatrices. Mon père et deux de mes frères ont été tués ce jour-là, ainsi que 18 membres de ma famille », a assuré le témoin, qui a pu ensuite s’échapper avec quatre autres survivants avant d’être repris.
« Nous étions blessés, un médecin militaire est venu nous voir, il nous a hurlé dessus: +Je vais vous soigner au tournevis+. Il a enfoncé un tournevis dans la blessure à la jambe d’un autre villageois », a décrit Qahar, qui a été libéré après trois ans de prison.
Le second témoin, Abdul Karim Nayif Hassan, du même village, a lui aussi a survécu à l’exécution programmée. « Quand nous sommes revenus chez nous, le village avait été détruit. Je suis retourné à l’endroit où on nous avait fusillé et j’ai trouvé quatre fosses communes », a-t-il raconté.
« Plus tard, des étrangers de l’organisation Human Rights Watch sont venus exhumer les victimes, ils ont trouvé les corps de 27 personnes », a-t-il expliqué, tandis que des images montrant l’exhumation de fragments de squelettes étaient projetées.
Quatre kurdes ont témoigné mardi à la reprise de ce procès qui doit se poursuivre mercredi.
Saddam Hussein et six accusés, dont son cousin Hassan al-Majid, dit « Ali le chimique », sont jugés pour avoir ordonné et mis en oeuvre les campagnes militaires d’Anfal, en 1987-1988 dans le Kurdistan irakien, qui ont fait 180.000 morts, selon l’accusation. Tous risquent la peine de mort.