Le pape Benoît XVI, adoptant une position visiblement moins conciliante qu’au début de sa visite en Turquie, a souligné jeudi à Istanbul l’importance des « valeurs chrétiennes » de l’Europe et la nécessité du respect des droits des minorités religieuses.
Dans une déclaration commune avec le patriarche oecuménique Bartholomée Ier, il a estimé que le respect de la liberté religieuse devait être un critère d’entrée dans l’Union européenne au moment où la Turquie frappe à la porte de l’Europe. Il avait auparavant invité tous les chrétiens « à renouveler la conscience de l’Europe dans ses racines, ses traditions et ses valeurs chrétiennes, et à leur redonner une nouvelle vitalité », dans un discours prononcé à l’issue d’une messe orthodoxe célébrée par Bartholomée Ier.
Depuis le début de son pontificat en avril 2005, le pape insiste régulièrement sur l’identité chrétienne de l’Europe. Mais au premier jour de sa visite mardi qui s’annonçait périlleuse, notamment en raison de son opposition passée à l’entrée dans l’UE de la Turquie à 95% musulmane, le pape avait apporté son soutien à la candidature d’Ankara, selon le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan.
« Nous voulons que la Turquie fasse partie de l’Union européenne », avait dit le pape, selon M. Erdogan. Ce revirement apparent de la position du pape avait été nuancé par le porte-parole du Vatican. « Le Saint-Siège regarde positivement et encourage la voie du dialogue, du rapprochement et de l’intégration en Europe » de la Turquie, « sur le fondement de valeurs et de principes communs », avait précisé le père Federico Lombardi.
Dans leur déclaration commune Benoît XVI et Bartholomée Ier ont souligné que « dans chaque tentative d’unification, les minorités doivent être protégées, avec leurs traditions culturelles et leurs spécificités religieuses ». Les chrétiens turcs, notamment les orthodoxes, estiment subir des restrictions dans leur liberté d’action et d’organisation et sont favorables à une adhésion d’Ankara à l’Union, dans l’espoir qu’elle contribuera à améliorer leur situation.
La matinée de cette troisième journée du voyage du pape avait été placée sous le signe de l’oecuménisme, Benoît XVI ayant fait de la réconciliation avec les orthodoxes une priorité de son pontificat malgré les nombreux obstacles. Le pape et le patriarche ont salué la reprise des réunions, après six ans d’interruption, de la « commission mixte pour le dialogue théologique », sur la question de la « collégialité » des évêques et de la primauté du pape, contestée par les orthodoxes.
Avec la visite sous haute surveillance policière du musée Saint-Sophie et de la Mosquée Bleue, la suite de la journée s’annonçait plus délicate pour Benoît XVI. Erigés de part et d’autre de la place de Sultanahmet, dans le centre historique d’Istanbul, les deux édifices grandioses reflètent la diversité de l’héritage d’une ville à la croisée de l’Orient et de l’Occident, capitale successivement des empires romain, byzantin et ottoman. Construite au VIe siècle, la basilique a été convertie en mosquée en 1453, lors de la conquête de Constantinople, qui a pris le nom d’Istanbul sous les Ottomans.
Après la proclamation de la république turque laïque, la mosquée a été transformée en musée en 1935. Les islamistes turcs appellent à retransformer Sainte-Sophie en mosquée et voient dans la visite papale la preuve que les chrétiens comptent à nouveau en faire une église. La visite de la Mosquée Bleue, moins de trois mois après la violente polémique générée par les propos du pape semblant associer l’islam à la violence, fera de Benoît XVI le deuxième pape à visiter une mosquée après Jean Paul II en 2001 en Syrie. Dans Istanbul, paralysée par des mesures de sécurité draconiennes, seulement quelques dizaines de personnes ont manifesté jeudi contre la visite papale.
