Le Figaro (France),
Mercredi 21 mars 2007
Laure Marchand, Istanbul
Ankara se sent mal aimée de l’Europe. Les autorités turques n’ont pas reçu de carton d’invitation pour participer aux cérémonies du cinquantième anniversaire du traité de Rome et elles en ont pris ombrage. Convier les pays candidats à l’adhésion à l’Union européenne aux festivités, qui se dérouleront à Berlin ce week-end, aurait représenté « une évolution significative de la part de l’UE afin de démontrer une nouvelle fois l’unité de la famille européenne » , a regretté le ministère des Affaires étrangères turc, dans un communiqué publié hier.
Les reproches étaient adressés à l’Allemagne, présidente de l’Union européenne. Seuls les 27 États membres se retrouveront donc dans la capitale allemande pour célébrer le texte fondateur de l’Europe. Comme la Croatie, la Turquie n’est pas de la partie, pas plus que la Bosnie ou la Serbie, des pays qui se trouvent dans l’antichambre des négociations.
Mais ces doléances turques traduisent à la fois la susceptibilité extrême d’Ankara sur le sujet de l’adhésion et l’inquiétude d’être écartée d’une Europe qui se replie sur elle-même, et dont les populations se montrent de plus en plus réfractaires à un nouvel élargissement. De fait, les négociations d’adhésion de la Turquie sont au point mort depuis la fin de l’année 2006. Au mois de décembre, l’UE a sanctionné le pays candidat, qui persistait à refuser d’ouvrir ses ports et ses aéroports à Chypre, en gelant l’ouverture de 8 des 35 chapitres de négociations.
Des avancées techniques Depuis, aucun progrès n’a été enregistré du côté des réformes politiques, seules les questions techniques concernant la mise en conformité avec l’acquis communautaire progressent. Dans un entretien paru lundi dans le quotidien Milliyet , Abdullah Gül, le ministre des Affaires étrangères, assurait que « le train (européen) ne s’était pas arrêté. Un travail incroyable est réalisé au niveau technique.
Quatre chapitres seront ouverts pendant la présidence allemande » . Le commissaire européen à l’Élargissement, Olli Rehn, avait estimé début mars que les discussions sur le dossier des « politiques industrielles » pourraient démarrer dès la fin du mois. Il s’agirait du premier chapitre ouvert depuis le ralentissement des négociations de décembre.
Les trois autres chapitres portent sur les « statistiques », « l a politique économique et financière » et le « contrôle financier » . Ces avancées techniques passent largement inaperçues auprès d’une opinion publique qui doute de plus en plus des chances de la Turquie de rejoindre le club européen. En revanche, la crise de confiance se nourrit des déclarations des responsables politiques européens, suivies de près par les médias.
Dernières en date, celles d’Angela Merkel, sur sa vision à très long terme d’une éventuelle adhésion de la Turquie. Dans une interview parue vendredi dernier dans Le Figaro , la chancelière allemande déclarait au sujet du cas turc : « Tout ce que je peux vous dire c’est que dans cinquante ans nos relations seront plus étroites. »