La vérité sort de la bouche des enfants

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Les enfants sans papiers sont à votre porte. Qu’ils apparaissent dans le film ou non, ils sont emblématiques de la souffrance de tous. Rencontres.

Les histoires de ces visages sérieux sont à la fois uniques et universelles. Visages d’enfants rencontrés, pour certains, grâce aux militants qui les ont défendus, pour d’autres, lors d’un rendez-vous organisé par le Réseau éducation sans frontières avec quelques-uns des enfants apparaissant dans le film. Bien qu’un parent soit, parfois, à leurs côtés, apportant une précision, leur parole ne coule pas avec facilité.

Le drame et le regard des autres

Mariam est venue de Lybie. Sa mère, Malienne, n’avait pas les moyens de payer les études de ses enfants. Mariam a participé aux ateliers d’écriture préparatoires à la réalisation du film, mais n’a pas voulu que l’on voie son visage. Comme chez son frère, la timidité l’emporte. La timidité ou autre chose, plus profond, plus inavouable, plus traumatisant. Tous remplissaient les critères de la circulaire Sarkozy. « Le plus grave, explique Geneviève, enseignante en classe d’initiation, c’est que les dossiers scolaires ont été étudiés devant les enfants. Du coup, ils s’estiment responsables quand leurs parents n’ont pas été régularisés. Ils sont persuadés qu’ils n’ont pas assez bien travaillé à l’école. Le pire de cette opération, c’est d’avoir réussi à les culpabiliser à vie. »

Rajneet et Loveprett, treize et quinze ans, sont sikhs et leurs parents ont fui l’Inde parce qu’on voulait les obliger à couper leurs cheveux (atteinte à la liberté religieuse). Leur père a été emprisonné plusieurs fois, il a dû partir se cacher. « Alors, ils sont venus à la maison pour savoir où il était. Ils ont… Comment dit-on ?… torturé, ajoute Rajneet dans un souffle, torturé ma maman. » Le visage si fin se crispe. L’évocation de l’ambiance de l’école n’apporte aucune détente. Rajneet fond en larmes.

Les enfants ont des droits

Tous ont tenté de cacher leur situation à leurs camarades, ne révélant leur secret qu’à leurs amis. Quand un prénom a dû être affiché sur une banderole à l’entrée de l’école, pour mieux défendre la famille, le traumatisme est resté gravé, comme une violation de la vie privée, comme une honte aussi. « Les cours de récréation sont cruelles, remarque Geneviève. Ils sont moqués, ridiculisés, rabaissés, parfois insultés. La sixième est la classe la plus difficile. L’agressivité disparaît dans les lycées et quand la situation devient dangereuse. Alors, la solidarité fonctionne à plein. »

« Je ne savais plus où me mettre, explique Solan, neuf ans, quand il a fallu le dire à tout le monde. Mais, maintenant, ils ont oublié. Ils ne m’en parlent plus. » Solan est la petite dernière d’une famille tunisienne de trois enfants. Les parents de sa maman sont en France depuis cinquante ans, et celle-ci vit, pour l’instant, dans l’appartement de son oncle, sans savoir pour combien de temps. Elle a été mariée en Tunisie : « Résultat, explique-t-elle, je suis une étrangère là-bas et une étrangère ici. » L’école de Solan est un petit bijou et son directeur « une perle ». L’enfant participe au comité de rédaction du journal de l’école et a mis deux mois seulement à passer de la classe d’initiation au CP. Les droits de l’enfant, elle connaît : « Les enfants ont droit de vivre, de manger, d’apprendre… » Elle sait qu’ils ne sont pas respectés à travers le monde, mais elle dit aussi, qu’ici, elle ne devrait pas vivre dans la peur, que les enfants ont droit non seulement à l’enseignement mais aussi à la sécurité… Et pourtant : « Quand je vois un policier, je passe bien droite, je ne le regarde pas, mais je tremble et j’espère qu’il ne le voit pas… »

Le rêve

La maman de Yasmina est algérienne et sa situation est la même que celle de Solan, elle emploie, d’ailleurs, les mêmes mots, à des kilomètres de distance : « Ici, je suis une étrangère, j’étais une immigrée en Algérie. » « On fait attention, explique Yasmina. Je ne sors qu’avec des titres de transport. Quand je vois un policier, j’essaie d’oublier. Je ne fais pas de cauchemar, mais je rêve. Je voudrais revoir mon père. Je ne peux pas voyager, c’est peut-être pour cela que je veux être hôtesse de l’air. » Toute la famille vit à l’hôtel, mais c’est la grand-mère qui prépare les petits plats.

Y, seize ans, est chinois. Comme Li dont les parents ont fui pour avoir un fils, les siens avaient envie d’avoir un autre enfant. « Pour l’instant, ils ont renoncé, explique Y. La vie est trop difficile. » Tous deux sont en passe d’oublier leur langue maternelle. Li voudrait être journaliste ou prof de maths et il se régale à construire des scénarii pour les fêtes de l’école. Son père a été placé en centre de rétention, mais le sujet a des difficultés à franchir le cap des mots…

Transparence

Et puis, il y a ceux qui devraient réussir à se fondre dans le paysage. Comme Eton, père arménien, mère azéri, persécutés et rackettés en Russie. Il est, cependant, passé une fois au commissariat, mais a été relâché après vérification de son adresse. La famille vit dans un appartement mis à disposition par une association et entièrement refait par le père d’Eton. Il voudrait être informaticien. Son rêve ? Un titre de séjour pour ses parents, pour qu’ils puissent travailler sans se cacher, tous les jours, et gagner un salaire correct. En attendant, il joue au tennis, au badminton, fait de la clarinette. Un jeune comme les autres, qui essaie d’oublier l’épée de Damoclès au-dessus de sa tête. Comme Olga et Tanania, impliquées dans le combat de régularisation des sans-papiers. Pendant ce temps, Kalidja, six ans, fait des dessins, le regard mutin derrière ses lunettes.

Émilie Rive

Article paru dans l’édition du 6 mars 2007.

L’HUMANITE

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Author: raffi

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