En présentant un économiste de la City londonienne et une femme comme candidats aux législatives à Gaziantep, une des villes turques à la croissance économique solide, l’AKP du Premier ministre Tayyip Erdogan a privilégié le visage moderne et libéral de son parti aux racines islamistes.
Fatma Sahin et Mehmet Simsek, économiste à la banque d’affaires britannique Merrill Lynch, figurent en tête de la liste du Parti de la justice et du développement (AKP) dans cette ville industrielle du Sud-Est, ce qui devrait leur assurer un siège parlementaire après les élections anticipées du 22 juillet.
Erdogan attend d’eux qu’ils emportent l’adhésion des jeunes, des femmes et des actifs urbains qui considèrent toujours l’AKP, les bons pratiquants qui le dirigent et leurs épouses voilées d’un oeil soupçonneux.
Le choix de Gaziantep n’est pas non plus fortuit. Réputée pour ses pistaches et la collection unique au monde de mosaïques romaines que renferme son musée, cette ville proche de la frontière syrienne est considérée de longue date comme l’un des « tigres » économiques de l’Anatolie.
Rare exemple de réussite dans un Sud-Est pauvre et contestataire, elle abrite une industrie textile et agroalimentaire qui a produit l’an dernier pour deux milliards de dollars de biens.
MODÈLE
Personne parmi ses habitants ne doute du statut exemplaire de la ville à l’échelle nationale.
« Nous sommes un modèle pour le reste du pays et on nous observe », confirme Nejat Kocer, président de la chambre de commerce et d’industrie.
« Gaziantep est un lieu où la modernité et la tradition convergent. C’est également un endroit qui peut illustrer les moyens pour la Turquie de résister à la mondialisation », ajoute le candidat Simsek, soulignant que l’activité économique y est l’une des plus dynamiques du pays.
Gaziantep est en outre moins acquises à l’AKP et à l’islamisme politique que d’autres tigres anatoliens plus centraux, tels que Konya.
« Cette ville regarde l’économie. Même si un homme est pratiquant et qu’il fait sa prière cinq fois par jour, il ne votera pas pour l’AKP si son usine ne tourne pas bien », assure Timur Schindel, propriétaire d’une luxueuse auberge.
Aussi prospère soit la ville, les préoccupations de ses habitants restent toutefois les mêmes que dans les zones moins favorisées. Chômage, corruption de la classe dirigeante et violences liées au séparatisme kurde occupent bon nombre de conversations dans le bazar.
« Mon fils a 25 ans et ne trouve pas de travail », se plaint Mehmet Yalcin, un retraité âgé de 67 ans, sirotant son thé à l’ombre de la citadelle byzantine. « Quand il se présente pour une embauche, on lui demande s’il est membre de l’AKP. Ça aide d’appartenir à un mouvement religieux pour avoir du travail par ici », ajoute-t-il.
L’opposition compte sur ce mécontentement pour ravir la ville au parti au pouvoir. En 2002, l’AKP s’était octroyé sept des dix sièges en jeu à Gaziantep.