Note de la rédaction : Cette prise de position, dont nous ne saurions cautionner le contenu, est assez typique du point de vue de certains nouveaux intellectuels turcs sur la question arménienne. C’est pourquoi il nous a paru utile de le porter à la connaissance de nos lecteurs…
Traduction Gilbert Béguian
« Sur les Empires et leur destin » par Fehmi Koru
Zaman
24 septembre 2007
Chaque fois que je me rends à Washington et quel que soit mon interlocuteur, j’entends dire qu’en dépit des possibles réactions issues d’organes ou de personnalités pertinentes, celle du Président George W. Bush y comprise, le Congrès va certainement adopter la résolution arménienne. Selon mes sources, le lobby arménien est cette fois sur le point de réussir. Mais j’entends dire aussi le contraire : le Congrès ne fera pas suite à la demande du lobby arménien à un moment où les USA ont un besoin aussi dramatique de l’assistance de la Turquie dans la région, confrontée aux problèmes auxquels ils ont eux-mêmes largement contribué à créer. Ainsi qu’il l’a fait plusieurs fois par le passé, le Président fera une longue lettre au Congrès en même temps qu’il appellera Nancy Pelosi, Présidente de la Chambre des Représentants, décrivant de façon détaillée l’importance de la Turquie et demandant que soit retardée l’adoption de la résolution proposée. « N’ayez crainte », disent ceux qui savent, « la résolution ne passera pas ». On peut le croire ou ne pas le croire.
Je n’ai jamais vu les Turcs vivant dans la capitale aussi sombres. Le sujet de la résolution arménienne mobilise tous les efforts des représentants de la Turquie dans un pays où des problèmes plus importants devraient être réglés pour le bénéfice des deux parties. La Turquie pourrait facilement s’adapter à une mission qui aiderait considérablement les USA dans ses efforts pour mettre en place au Moyen Orient une solution applicable. La Turquie, avec son gouvernement démocratique hautement respecté, peut aussi indiquer aux Etats-Unis comment gérer le problème de la dégradation de leur image dans le monde musulman.
J’ai le plus grand doute sur la résolution de problèmes historiques par des moyens politiques actuels. La résolution arménienne n’apportera rien de bon à aucune des parties impliquées, mise à part la satisfaction qu’en tireront les fanatiques et les dogmatiques. Ce qui est arrivé en 1915 ne peut être effacé par une résolution prise dans le parlement d’aucun pays tiers. En quoi la misère et les tourments dont ont cruellement souffert les Arméniens dans une guerre qui causa également la mort de millions d’autres personnes pourraient-ils changer par une simple déclaration de parlementaires qui bouchent leurs oreilles aux souffrances de peuples partout sur la terre?
Plus de 800 000 personnes ont perdu leur vie dans une guerre sanglante déclarée presque unilatéralement par le Congrès des USA et ce même Congrès adoptera une déclaration condamnant les pertes arméniennes dans une guerre trop lointaine pour s’en souvenir. Quelle profonde contradiction ! Pendant mon séjour prolongé ans la capitale américaine, j’ai suscité malgré moi de l’intérêt. Ceux qui à Washington, suivent de près les évènements relatifs à la Turquie, se demandent ce qui se passerait si la résolution arménienne était acceptée par le Congrès. Quelle serait la réaction populaire en Turquie ? Dans quel sens les réactions seraient-elles dirigées ? Le gouvernement turc pousserait-t-il les manifestations ou tendrait-t-il à les dissiper ?
J’ai répondu à toutes ces questions positivement : oui, il y aura une agitation populaire si la résolution est adoptée et lorsqu’elle le sera. Il y aura des appels au boycott total de tout produit américain et les responsables politiques en Turquie auront beaucoup de mal à convaincre les Turcs d’adopter les positions américaines le cas échéant.
Les Turcs perdront la face, mais ce sont les Américains qui souffriront le plus de la résolution arménienne si elle est adoptée par le Congrès.
Supposons que la résolution soit adoptée-que se passera-t-il en réalité ? Le seul changement probable est le passage d’une ombre sur les relations entre la Turquie et les USA. Les relations bilatérales entre les deux n’ont jamais été faciles ; il y a eu des turbulences, mais chaque pays s’est efforcé de rester ami quoi qu’il en soit. Jusqu’à présent. La résolution étant adoptée, à partir de ce moment là, rien ne sera pareil.
Lors de mon séjour à Washington, on m’a régulièrement posé la même question : selon les sondages, le peuple turc est le plus anti-américain du monde, avec seulement 9 % indiquant avoir quelque sympathie pour les USA-qu’est-ce qu’un autre développement négatif pourrait changer à cela ?
Le changement serait énorme : le déficit en sympathie en Turquie envers les Etats-Unis provient de son implication dans les problèmes régionaux et se dissipera lorsque la situation sera changée ; avec l’adoption de la résolution arménienne par le Congrès, la considération des Turcs pour les USA sera tout à fait diminuée. Nos sentiments vis-à-vis des USA, positifs ou négatifs sont forts ; cela déjà doit -être une cause de souci pour Washington.
Bien sûr, la question entre Turcs et Arméniens doit être réglée, et réglée avec justice. Nous, le peuple de Turquie, trouveront une voie pour indemniser le peuple arménien dans le futur. La Turquie va tendre la main vers l’Arménie, mettant à profit la présence de citoyens turcs d’origine arménienne en Turquie au bénéfice des deux pays. Nous sommes désolés pour toutes les pertes que cette malheureuse guerre qui nous à coûté, à nous, le plus cher.
Nous n’avons pas seulement perdu beaucoup de nos compatriotes, nous avons aussi perdu notre empire.
J’espère voir quelque compréhension de la part des Etats-Unis, en des temps où leur propre empire est confronté à de graves difficultés.
