« Les mots peuvent tuer aussi» par Ismet Berkan

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Devant les actes de violence perpétrés par les rebelles kurdes du PKK, les médias turcs ne se privent plus de mettre de l’huile sur le feu et de réclamer vengeance. Un discours de haine qui risque d’avoir des conséquences graves sur la paix civile en Turquie, estime Radikal.

La colère a de toute évidence atteint son comble aujourd’hui en Turquie. Dans tout le pays, on voit des manifestations où le PKK est conspué. Et le mouvement ne semble pas s’arrêter.

Exprimer sa colère de façon pacifique en pareille circonstance est tout à fait légitime. Néanmoins, il faut bien admettre que l’on assiste dans certains endroits à des manifestations qui n’ont rien de pacifique. Ainsi, dans plusieurs villes, on a vu des foules surexcitées s’en prendre à des immeubles hébergeant des bureaux du DTP [Parti pour une société démocratique, prokurde], parce que jugés proches du PKK. Dans certains cas, la police a pu intervenir à temps et les stopper. Mais, à d’autres endroits, les forces de l’ordre n’ont toutefois rien pu faire pour calmer cette furie. Dans l’une de nos grandes villes, un grand magasin, dont on pense qu’il était géré par un citoyen d’origine kurde, a été complètement dévasté. A Malatya, des jeunes, qui, paraît-il, se seraient réjouis de la mort des douze soldats turcs à la frontière irakienne, ont été lynchés. S’étaient-ils vraiment réjouis ? On n’en sait rien. Toujours est-il que la fureur de la population ne semble pas se calmer.

Il faut l’admettre. Cela fait déjà un certain temps que l’on est en train d’encourager la population à sortir dans la rue. On ne peut pas faire comme s’il n’y avait jamais eu de déclarations ou de tracts poussant les gens à exprimer leur colère de cette façon. Mais, désormais, il apparaît que cette colère représente un danger dès lors qu’elle peut être incontrôlable. C’est ainsi que, depuis quelques jours, d’importants responsables à plusieurs niveaux de l’Etat ont appelé la population à faire preuve de retenue. Tout d’un coup, notre Etat s’est rappelé des événements de Sivas, Corum et Kahramanmaras [pogromes anti-alévis qui ont fait des dizaines de morts dans les années 1970 et en 1993].

Il y a dans la rue, sur Internet et, plus grave encore, à la télévision, des gens qui sans aucun complexe parlent avec beaucoup de légèreté de mourir, de tuer et de faire la guerre. La facilité avec laquelle certains tiennent de telles discours empoisonnés fait vraiment froid dans le dos. Notre colère est-elle due à la perte de douze de nos enfants ou bien s’agit-il d’exprimer autre chose ? On entend ainsi « Donnons une bonne leçon à Barzani ! » Mais au final, qui va donc devoir faire cela ? Qui va donner l’ordre d’aller se battre à des soldats dont certains ne reviendront pas ? Ceux qui tiennent ou écrivent ce genre de propos ?

Alors que la Turquie est entraînée par le PKK dans une situation particulièrement grave, pourquoi des discours jusque-là inaudibles se font-ils maintenant entendre ? Rappelez-vous, il n’y a pas si longtemps [dans les années 1990], l’armée turque n’osait même plus s’aventurer dans certaines portions du territoire turc, les assassinats extrajudiciaires étaient légion, la torture tournait à plein régime, des bébés étaient tués dans le ventre de leurs mères et des écoles étaient brûlées… Je ne dis pas que nous devons nous féliciter de la situation actuelle. Non, bien sûr, nous devons en finir avec ce terrorisme. Pour autant, ne nous rendons-nous pas compte que cette colère incontrôlée contribue encore plus que tout à nourrir le terrorisme ? Il est donc temps que ceux qui parlent et qui écrivent tiennent un langage plus humain.

Ismet Berkan

raffi
Author: raffi

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