De Moscou, où elle était en visite, Condoleezza Rice a annoncé samedi qu’elle s’employait à dissuader Ankara d’intervenir militairement dans le nord de l’Irak contre les bases arrière des séparatistes kurdes de Turquie.
A la suite d’actions particulièrement meurtrières du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), les autorités turques ont déclaré cette semaine qu’elles envisageaient d’autoriser l’armée à frapper les bases rebelles au Kurdistan irakien.
La secrétaire d’Etat américaine a déclaré avoir téléphoné vendredi au président, au Premier ministre et au ministre des Affaires étrangères turcs pour leur demander de « faire preuve de retenue » dans cette région jusque-là relativement calme par rapport au reste de l’Irak.
Elle a précisé avoir fait valoir aux dirigeants turcs que « la stabilité de l’Irak est dans notre intérêt à tous » et que « tout ce qui déstabilise ce pays est contraire aux intérêts de chacun ».
Ankara se plaint de longue date que les Etats-Unis et leur allié irakien ne tiennent pas leurs promesses de mettre au pas le PKK, auquel Ankara impute plus de 30.000 morts depuis le déclenchement de sa guérilla dans le sud-est de la Turquie, en 1984.
Mais les relations entre Ankara et Washington se sont subitement dégradées à la suite de l’adoption jeudi par la commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants américaine d’un texte qualifiant de génocide le massacre des Arméniens à la fin de l’Empire ottoman.
La Turquie a rappelé pour consultations son ambassadeur à Washington pour protester contre ce vote, dont elle avait prévenu qu’il aurait une influence négative sur les relations bilatérales. « C’est une période difficile pour nos relations », a reconnu Rice à Moscou.
MESURES DE RETORSION D’ANKARA
En dépit de ce coup de froid, Rice a dépêché samedi à Ankara deux de ses collaborateurs, le secrétaire d’Etat adjoint Dan Fried et le sous-secrétaire à la Défense Eric Edelman, pour insister auprès de la Turquie sur l’inopportunité d’une intervention en Irak.
Le gouvernement islamisant du Premier ministre Tayyip Erdogan sollicitera cette semaine l’autorisation du parlement, où il est majoritaire, pour une telle intervention, que la puissante armée turque recommande depuis un moment face à la recrudescence de la guérilla kurde.
Si cette question est la principale préoccupation des deux émissaires américains, « de notre point de vue la question prioritaire est le projet de résolution sur les Arméniens », même s’il est sans portée, a déclaré à Reuters un diplomate turc.
Rice a promis que l’administration de George Bush ferait tout son possible pour empêcher que ce texte soit adopté par le Congrès et Edelman a réaffirmé à son arrivée à Ankara qu’elle désapprouvait l’initiative de la Chambre, qui devrait être imitée par le Sénat.
Les dirigeants civils et militaires turcs se sont concertés après le vote de jeudi pour envisager des mesures de rétorsion contre les Etats-Unis. En guise de hors d’oeuvre, une visite aux Etats-Unis du ministre turc du Commerce a été annulée ainsi qu’une réunion du Conseil du commerce américano-turc.
La Turquie pourrait en outre restreindre l’accès des forces américaines à la base aérienne d’Incirlik et prendre d’autres mesures de représailles dans le domaine de la coopération militaire entre les deux alliés de l’Otan.