Gaz de France, évincé du projet de gazoduc Nabucco, a menacé jeudi à demi-mot de rejoindre le projet russe South Stream, une manière de faire pression sur ses partenaires européens pour être finalement admis dans Nabucco.
Le groupe gazier français a « pris acte » jeudi du rejet de sa candidature au projet Nabucco, deux jours après l’annonce de l’entrée au consortium du numéro deux allemand de l’énergie RWE comme sixième membre, place que convoitait aussi GDF.
« En conséquence, le groupe reprend sa liberté d’action » et « reste extrêmement intéressé à participer à différents projets dans la zone Europe », dont le projet de gazoduc South Stream, a ajouté un porte-parole. Ce projet est piloté par le géant russe gazier et pétrolier Gazprom, par ailleurs gros fournisseur en gaz de GDF.
Interrogé, un porte-parole de Nabucco a refusé de commenter ces propos.
Nabucco, qui doit relier en 2012 la mer Caspienne à l’Union européenne, via la Turquie et le sud-est de l’Europe, est destiné à réduire la dépendance de l’UE vis-à-vis des importations de Russie.
Outre RWE, il regroupe l’autrichien OMV et les sociétés nationales Botas (Turquie), Bulgargaz (Bulgarie), MOL (Hongrie) et Transgaz (Roumanie).
Mais GDF n’a pas perdu espoir de revenir dans Nabucco en tant que septième membre, a indiqué jeudi une source proche du dossier, une hypothèse à laquelle seraient favorables la Roumanie, la Hongrie et l’Autriche.
Le président français Nicolas Sarkozy était d’ailleurs venu à la rescousse du groupe public lors d’un déplacement lundi en Roumanie, au cours duquel son homologue roumain Traian Basescu a apporté publiquement son soutien à GDF.
Menacer de rejoindre South Stream, « qui est un des projets concurrents de Nabucco, est une manière de faire pression sur le consortium en disant +retenez-moi ou je fais un malheur+ », explique Francis Perrin, de la revue Pétrole et gaz arabes.
GDF a « quelques atouts à faire valoir », selon M. Perrin, car il s’agit d’un des plus grands groupes gaziers européens, plus gazier qu’électricien –alors que RWE est plus électricien que gazier–, et qui a su diversifier ses approvisionnements venant de Norvège, Russie et Algérie.
Or le projet Nabucco vise justement à diversifier les approvisionnements en gaz de l’Europe, très dépendante actuellement de la Russie, dans un contexte de demande énergétique croissante.
GDF doit fusionner d’ici fin juin avec le groupe français d’énergie Suez, acteur majeur dans le gaz naturel liquéfié (GNL).
Reste que la Turquie bloque toujours l’entrée de GDF dans Nabucco, pour protester contre la reconnaissance du génocide arménien par le parlement français.
A la cérémonie d’admission de RWE mardi, le responsable du groupe turc Botas, Saltuk Düzyol, a insisté sur le fait que toute décision sur un nouveau membre du consortium devait être prise par l’ensemble des parties prenantes.
Pendant que les Européens affichent leurs divisions sur Nabucco, la Russie avance ses pions.
Fin janvier, Gazprom a conclu coup sur coup des accords de partenariat avec la Bulgarie et la Serbie pour une participation à South Stream.
Mis en oeuvre par Gazprom et le groupe pétrolier et gazier italien ENI, ce gazoduc doit passer sous la mer Noire de la Russie vers la Bulgarie où il se divisera en une branche nord-ouest vers l’Autriche et une vers le sud, notamment vers la Grèce et l’Italie.
Dans le nord de l’Europe, Gazprom s’efforce de construire un autre gazoduc desservant l’Allemagne, nommé Nord Stream, contournant les pays baltes avec lesquels la Russie entretient des relations tendues.