Publié le jeudi 20 mars 2008 à 05H46
Le philosophe sera samedi à Marseille pour Amnésie Internationale
Contre un oubli collectif, pour un travail de mémoire garant d’une prévention efficace… Samedi, la Jeunesse arménienne de France (JAF) organise à Marseille la quatrième édition de la manifestation Amnésie Internationale. L’idée: donner autant à réfléchir qu’à apprécier nombre de concerts. Lors d’un meeting, interviendra le philosophe Bernard-Henri Lévy.
– Pourquoi accepter de venir à Marseille pour ce meeting d’Amnésie Internationale ?
Bernard-Henri Lévy : « Cette question du négationnisme du génocide arménien est pour moi essentielle. On ne peut pas accepter la loi du « deux poids deux mesures ». Pour moi qui ai passé ma vie à lutter contre le négationnisme de la Shoah, c’est une question de principe et d’honneur d’être aux côtés des Arméniens. Chaque génocide a ses singularités et ses caractéristiques propres. La tentative d’extermination des juifs a sans doute atteint une sorte de sommet dans l’horreur. Mais le négationnisme est aussi odieux dans tous les cas. Il faut une solidarité des mémoires…
– Le thème du meeting sera « la mobilisation citoyenne ». Selon vous, est-elle en marche?
B.H.L. : Je pense que oui. La mémoire fait des progrès, la rhétorique négationniste est de mieux en mieux identifiée. Et la vigilance citoyenne s’exerce assez bien, on le mesurera d’ailleurs à Marseille samedi soir.
– Comment, au quotidien, entretenir le devoir de mémoire ?
B.H.L. : À chacun, dans son environnement, de veiller à ce travail de transmission qui est essentiel. Parce que le négationnisme est le père de tous les crimes à venir.
– Le meeting auquel vous participerez s’inscrit dans une manifestation prévoyant aussi un programme festif. Ce mélange des genres est-il favorable à l’avancée des idées?
B.H.L. : C’est ce que faisait, dans les années 80, à sa naissance, SOS Racisme et ça marchait assez bien. C’est aussi la méthode Coluche avec les Restos du coeur. Bien sûr, mélanger les genres ne se fait pas avec n’importe quelle musique et n’importe quel artiste. Les puristes peuvent regretter que dans ce genre de manifestations, on aille parfois trop vite. Qu’on laisse le slogan prendre le pas sur le message. À eux, aux historiens notamment, de rectifier le tir. À eux de préciser que la mémoire peut avoir plusieurs cheminements. Concernant la Shoah, il y a 25 ans, un déficit de mémoire était réel, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Ce changement est passé par le cinéma autant que par un travail scientifique ou par des mobilisations citoyennes qui ont pris des formes diverses et variées.
– Comment avez-vous reçu la proposition de Nicolas Sarkozy de « confier la mémoire » d’un enfant français victime de la Shoah à chaque élève de CM2″, proposition qui a été abandonnée depuis?
B.H.L. : C’était une belle idée mais mal préparée, présentée de manière frivole, on avait le sentiment que, oui, c’était une belle idée… mal pensée et qui aurait eu des effets pervers désastreux. Ces événements ne sont pas concevables hors de leur contexte parce qu’à la limite de l’imaginable. Il faut absolument des données historiques pour approcher de ce noyau de mystère que représente un génocide. Pour ces raisons, il ne fallait déjà pas que cette proposition s’adresse à des enfants de CM2. Il fallait impérativement donner à des enfants, forcément plus grands, le moyen de contextualiser ».
Pratique : « Amnésie Internationale » le samedi 22 mars au Dock des Suds à Marseille. Meeting à 18h avec B-H.L., Jacky Mamou, président du collectif « Urgence Darfour », Robert Guédiguian. 21h, concerts: Vincent Baguian, Bratsch, Keren Ann (lire ci-dessous) et Charlélie Couture. 20 . 04 91 802 820.
