Le président Serge Sarkissian a confirmé jeudi, donnant ainsi un signal politique fort, qu’il était prêt à accepter, en principe, la proposition de la Turquie de former une commission d’historiens arméniens et turcs pour étudier les meurtres massifs commis en 1915 contre Arméniens de l’Empire ottoman.
Mais il a fait comprendre par un porte-parole qu’une telle commission ne pourrait être créée que dans la mesure où la Turquie accepterait, sans conditions, d’établir des relations diplomatiques et d’ouvrir sa frontière avec l’Arménie.
Cette proposition avait été formellement exprimée par le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan dans une lettre envoyée en 2005 au précédent président, Robert Kocharian. Erdogan avait suggéré que cette éventuelle commission détermine si les massacres des Arméniens constituait ou non un génocide et a affirmé que son gouvernement se soumettrait à ses conclusions.
Dans une réponse écrite, Kocharian avait rejeté cette idée et avait répondu par une contre-proposition consistant à créer une commission intergouvernementale turco-arménienne qui aurait pour mission de traiter de l’ensemble des problèmes existants entre les deux pays, dont celui-là. D’autres officiels arméniens, renforcés par des chercheurs et des historiens de la diaspora, avaient dénoncé la proposition d’Erdogan comme un stratagème turc visant à entraver la reconnaissance internationale du génocide arménien. Selon eux, accepter ne fut-ce que le principe d’une telle commission reviendrait à jeter le doute sur l’existence même du génocide.
« Nous ne sommes pas contre la création d’une telle commission, mais seulement si la frontière entre nos pays s’ouvre, » a déclaré Sarkisian pendant une visite à Moscou au début de cette semaine.
Le porte parole de Sarkisian, Samvel Farmanian, l’a réaffirmé dans un communiqué de presse publiée jeudi. « Nous ne sommes contre aucune étude de faits évidents et largement acceptés, » a-t-il dit. » Consentir à une étude ne signifie pas mettre en doute la véracité de faits.
« Cependant, la création d’une telle commission ne serait logique qu’après l’établissement de relations diplomatiques et l’ouverture de la frontière entre nos pays. Autrement, cela pourrait devenir un moyen de faire traîner les choses et d’exploiter les problèmes existants. »
La déclaration de Farmanian a provoqué de vives réactions de l’opposition principale du pays conduite par l’ancien Président Levon Ter-Petrosian. Dans une déclaration publiée mercredi, le mouvement de Ter Petrossian a condamné les déclarations « dangereuses » de Sarkissian, dont l’accord exprimé envers la proposition turque « mettait en question le fait du génocide. »
Farmanian a rejeté ces critiques de l’opposition. « Il est étrange que la question du génocide soit exploitée par les individus qui avaient fait tout dans le passé pour condamner à l’oubli cette page tragique de notre histoire, » a-t-il déclaré, entendant ainsi dénoncer la ligne plus conciliante Ter-Petrosian sur la Turquie.
Emil Danielyan