Pour Taner Akçam sa nomination à la chaire Kaloosdian-Mugar du Centre Strassler pour les Etudes sur l’Holocauste et les Génocides de l’Université Clark est la réalisation d’un rêve. La chaire était sans titulaire depuis que Simon Payaslian a été nommé Professeur d’Histoire Moderne et de littérature arménienne à l’Université de Boston.
Taner Akçam, qui travaille actuellement à l’Université du Minnesota, prendra son nouveau poste en septembre.
« Depuis 1976, depuis que je suis professeur assistant à l’Université de la Technologie du Moyen-Orient en Turquie, c’était mon rêve de devenir un chercheur pour aller en Europe ou aux USA et d’obtenir mon doctorat. J’ai été arrêté et ma vie a changé mais dans les années 1980, je me suis engagé [à ce but]. J’ai travaillé très durement pour être où je suis et je suis très heureux de ma nomination car j’ai accompli mon rêve ».
« J’ai postulé pour le travail car la chaire était libre. Je suis un expert dans le domaine et j’ai passé un processus d’entrevue normalement. Il y avait beaucoup d’autres candidats pour le poste. Mais l’université n’est pas interessé par l’origine ethnique de la personne qui devait obtenir le travail. Ma nomination est un sujet politisé seulement à cause de l’attitude du gouvernement Turc » a-t-il dit.
La nouvelle de la nomination de Taner Akçam a été rendu publique en Turquie, mais jusqu’à présent il n’y a eu aucune réaction officielle.
Selon Akçam « l’article du Boston Globe qui a annoncé ma nomination a été imprimé dans tous les papiers turcs. À l’heure actuelle, il n’y a eu aucun retour mais je peux déjà imaginer que cette information pourra devenir un élément d’une attaque contre moi en tant qu’agent de la propagande arménienne. Je veux dire qu’il y avait une erreur dans l’article du Globe. J’ai été arrêté en 1976 pas pour avoir pris une position sur le Génocide, mais à cause de mes articles sur la liberté de parole et la structure des classes en Turquie ».
A la suite de son arrestation et de son évasion de la prison Taner Akçam s’est rendu en Allemagne et il est devenu membre de l’Institut pour la Recherche Sociale d’Hambourg .
« C’est en Allemagne en 1991 que j’ai pris conscience du Génocide » a déclaré Taner Akçam. « Mon premier sujet et le sujet qui est devenu ma thèse de doctorat était la violence dans l’Empire Ottoman. A la lecture des événements de 1915, j’ai pris conscience des pogroms contre les arméniens et je me suis intéressé au sujet. L’institut d’Hambourg avait lancé un programme d’étude sur les procès de Nuremberg. L’enquête s’est concentrée sur la question de savoir si le principe des procès de Nuremberg pourrait être universalisé. Le concept d’une cour internationale pouvait-il devenir la norme? ».
Taner Akçam a étudié les procès en Turquie de ceux qui ont commis le Génocide bien que la plupart des fonctionnaires turcs aient échappé à la moindre condamnation.
« Peu importe les résultats, la documentation est là pour les chercheurs et pour tous ceux qui savent lire » dit-il.
Taner Akçam vit à l’extérieur de la Turquie depuis 1978, d’abord comme réfugié politique. Plus tard il gagnera les Etats-Unis et il enseigne au Département d’Histoire de l’Université du Minnesota depuis 2002. Sa dernière visite en Turquie date de 2007 pour les obsèques de son ami Hrant Dink.
« J’ai de l’appréhension à aller en Turquie. Le journal Hurriyet a lancé une campagne contre moi et il fait parti d’un groupe caché qui est l’état profond que l’on connaît comme ergenkon. L’assassinat de Dink est issu des activités de ce groupe. À l’heure actuelle, il n’y a aucune action officielle contre moi et j’estime que je peux y retourner. Je retournerai probablement en 2009 pour rendre visite à ma mère et d’autres membres de la famille et à des amis. Mais quand je suis là-bas je ne fais d’apparitions publiques » précise Taner Akçam.
Quelques membres de la communauté arménienne ont critiqué Taner Akçam malgré a reconnaissance du Génocide pour ne pas soutenir le retour au pays des arméniens.
Taner Akçam tient à préciser « je ne suis pas un porte-parole politique pour les arméniens ou le Génocide arménien. Comme chercheur, je suis intéressé à la correction des injustices historiques. La question des frontières turques n’a pas de lien avec le Génocide arménien. Ma position est « ne touchez pas aux frontières ». Je sais qu’il y a des organisations arméniennes qui disent que certaines parties de la Turquie doivent être rendues aux arméniens, mais cette question politique n’est pas quelque chose que les chercheurs doivent considérer ».
Considérant l’avenir de la Turquie Taner Akçam déclare « On peut être très pessimiste pour la Turquie. Tant que les USA et l’Europe ne changent pas de leurs positions, les militaires et la bureaucratie resteront là . Le parti au pouvoir n’est pas assez démocratique. Tout dépend beaucoup des USA et de l’Union européenne. Tant qu’ils soutiennent l’entrée de la Turquie dans l’UE, il y aura une bonne chance, à la longue, pour une démocratisation de la Turquie. Seulement une Turquie démocratique reconnaîtra le Génocide arménien ».
Taner Akçam a intenté un procès devant la Cour européenne pour complètement annuler l’Article 301 du Code pénal Turc. Bien que la Turquie ait récemment passé des amendements pour réduire les peines Taner Akcam a indiqué qu’il ne retirera pas sa requête. « Rien n’a été encore décidé » a-t-il dit. « Bien sûr, la Cour européenne pourrait employer les amendements Turcs comme une raison pour classer la plainte ».
A l’automne Taner Akçam donnera quatre cours à l’Université Clark. L’un sera à propos de l’histoire du Génocide arménien; une autre à propos de la comparaison des génocide et le problème général du génocide dans des cultures différentes; le troisième sera un cours pour des étudiants préparant une licence sur l’histoire moderne du Moyen-Orient et le quatrième sera un cours pour les étudiants préparant une licence sur l’histoire moderne et la culture de l’Arménie et des arméniens.
« J’espère que Clark deviendra un centre important pour l’étude du Génocide arménien et des autres génocides. Et je travaillerai ensemble avec des chercheurs arméniens et non-arméniens pour développer une connaissance plus profonde du Génocide arménien ».
« Il y a beaucoup d’organisations culturelles et d’établissements [arméniens] dans le Massachusetts, par exemple le NAASR [l’Association Nationale pour des Études et la Recherche arménienne] et d’autres avec qui j’agirai. C’est une communauté beaucoup plus grande et plus active et j’attends avec impatience de nouvelles occasions pour converser et avoir des contacts » indique Taner Akcam.
« Je pense que ma nomination à Clark est significative et c’est quelque chose dont les Américains peuvent être fiers. Quand je suis d’abord venu aux USA, je n’étais pas sûr de pouvoir rester ici ou même de travailler dans ce domaine; je pouvais à peine parler l’Anglais, mais au commencement, à l’Université du Michigan, Fatma Goçek et d’autres m’ont poussé à apprendre et c’est comme cela que j’ai commencé. En Europe, vous ne pouvez pas rêver de telles occasions. J’ai travaillé très dure et je me suis levé à 2 et 3 h du matin pour me préparer pour mes classes. Personne ne savait qui j’étais. Mais si vous travaillez dur et vous connaissez votre sujet et si vous faites quelque chose de bon, vous pouvez atteindre votre but et c’est vraiment le rêve américain ».
