Alors que la Russie tente de se rapprocher de l’Azerbaïdjan, qui exprime avec une insistance soutenue son impatience concernant le processus de règlement du conflit du Haut Karabagh sous l’égide du Groupe de Minsk de l’OSCE, l’ambassadeur des Etats-Unis à Bakou Ann Derse, a tenu à rappeler devant les journaliste le 12 septembre que Washington soutenait l’actuel format du processus de négociations, auquel les Arméniens sont associés, aux côtés des Russes et des Français. « Partisans d’une solution pacifique du conflit, les Etats-Unis poursuivront leurs activités dans le cadre du Groupe de Minsk de l’OSCE », a indiqué A. Derse, ajoutant que la visite prévue en Azerbaïdjan du coprésident du Groupe de Minsk, Matthew Briyza, intervenait à un « moment propice au règlement du conflit du Karabagh, en accord avec la législation internationale et l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan ». Peu avant, Abdullah Gül, le président de la Turquie, principal alliée des Etats-Unis dans la région, avait proposé sa médiation entre les présidents arménien et azéri, une initiative pour le moins suspecte de la part d’un pays qui a pris fait et cause pour son « cousin » azéri dans le conflit du Karabagh et dont on peut donc douter de la neutralité, même si son président vient d’effectuer une visite historique à Erevan, le 6 septembre, à l’invitation de son homologue arménien Serge Sarkissian. La présence de M. Gül à un match de football opposant les équipes arménienne et turque à Erevan ne constitue en effet pas un gage de neutralité soudaine de la Turquie dans le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, d’autant qu’elle n’a donné lieu à aucune avancée concrète, qu’il s’agisse du blocus terrestre que la Turquie persiste à imposer à l’Arménie par solidarité avec les Azéris ou de la reconnaissance du génocide des Arméniens. Elle n’autorise en tout état de cause pas le président turc à remettre en cause le processus de Minsk, auquel il a reproché son « absence de résultat depuis 17 ans ». M. Gül avait notamment indiqué que « les dossiers Arménie-Turquie et Azerbaïdjan-Arménie n’étaient pas d’ordre seulement bilatéral, mais aussi territorial ». « La situation dans la région a changé et le règlement des conflits conduirait à la stabilité politique et économique » avait ajoutré le président turc. D’après le journal Turkish Daily News du 12 septembre, M. Gül aurait confié à des journalistes qui l’accompagnaient dans le vol qui le conduisait à Bakou deux jours avant, qu’il avait le sentiment que l’Arménie souhaitait se retirer du Haut Karabagh. « J’ai vu à Erevan que les Arméniens voulaient se retirer du territoire de l’Azerbaïdjan » aurait déclaré M. Gül cité par le quotidien turc en langue anglaise.
W
Les propos prêtés à M. Gül sont rendus publics à l’issue de sa rencontre avec le président azéri Ilham Aliev, quatre jours après sa visite en Arménie, qu’il est le premier chef d’Etat turc à avoir visité. Cette visite, qui a suscité certains espoirs de coopération dans une région d’une importance cruciale dans le domaine énergétique, illustre les efforts de la Turquie pour regagner son influence perdue depuis la chute de l’empire ottoman au sud du Caucase. La Russie, dont les relations avec les Etats-Unis sont marquées par un climat de guerre froide, s’en satisfait jusqu’à nouvel ordre, voire encourage l’actisme diplomatique d’Ankara dans la mesure où il peut enfoncer un coin entre les Américains et leur principal allié dans la région. Mais tôt ou tard, l’antagonisme traditionnel entre la Turquie et la Russie dans la région ne devrait pas manquer de se réveiller.
