Du Tavouche à Décines

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Parce que la mémoire est la sentinelle de l’esprit, les Arméniens sont en état d’alerte permanent face à la menace panturque. Histoire oblige. Géographie et politique aussi. Le génocide de 1915 n’a pas en effet étanché la soif de sang et de conquête des héritiers de l’Empire ottoman qui préside depuis cent ans aux destinées de l’État turc. Il n’a fait à leurs yeux que régler l’aspect religieux du « problème », en éliminant 99 % de la présence chrétienne dans ce pays. Et il a apporté une forte gratification territoriale à la Turquie qui occupe la majorité de l’Arménie… telle que définie par le Traité de Sèvres…

Mais le grand projet du panturquisme, c’est-à-dire la matérialisation de la continuité terrestre du monde turc fantasmé « de l’Adriatique à la Muraille de Chine », selon l’expression du président Démirel en 1993, reste en suspens. Pourtant, pour les idéologues de cette vision délirante, un rien suffirait à transformer le rêve en réalité. 

Et c’est bel et bien à l’aune de cet « idéal », d’ailleurs de plus en plus ouvertement formulé, qu’Aliev et Erdogan s’emploient à faire converger leurs menaces vers l’Arménie. L’agression du 12 juillet constitue une nouvelle initiative s’inscrivant dans cette logique. À l’image des exercices militaires turco-azéris qui ont suivi.

Les conditions ne se prêtant pas encore à une guerre globale, il s’agit pour ce duo de dictateurs néo-ottomans de nourrir leur projet commun en grignotant du terrain, en avançant leurs pions. Tout en décuplant les provocations envers le monde chrétien, du moins pour Erdogan qui ambitionne, en plus, de se poser en leader de l’Islamisme politique : il en va ainsi de la transformation en mosquée de la basilique Sainte-Sophie le 10 juillet, et de ses multiples offensives qui se déploient jusqu’au Niger, où une mission humanitaire française a été attaquée par des Islamistes, comme par hasard quinze jours à peine après la signature d’un accord (mal vécu au Quai d’Orsay) sur la « sécurité » entre Niamey et Ankara. Comprenne qui voudra.

En réagissant aux turpitudes d’Erdogan avec une certaine fermeté, la France a pris en tout cas le risque de s’exposer à tout un éventail de représailles, dont certaines seront liées à l’instrumentation des communautés turques qui votent majoritairement pour Erdogan… L’agression perpétrée par des supplétifs d’Ankara contre un rassemblement pour l’Arménie à Décines répond dans ce contexte à un double usage : anti-français et anti-arménien. Elle confirme ce qu’il n’était hélas pas très difficile de deviner : la présence du ver arménophobe dans le fruit républicain, avec la pénétration massive dans l’hexagone de populations biberonnées au panturquisme et au panislamisme.

Ainsi, faute d’antidote légal à la hauteur, le deuxième épisode du drame annoncé est-il en train de se jouer en temps réel avec la transformation de l’aversion proclamée en passage à l’acte. Quelle réponse politique pourra apporter le gouvernement à ce défi ? Le moment n’est-il pas venu de remettre à l’ordre du jour une loi antinégationniste ?

À moins de deux ans de la fin de mandat d’Emmanuel Macron, sa nécessité s’en fait plus que jamais sentir eu égard au partage des tâches s’opérant sous nos yeux entre les semeurs de haine qui théorisent la négation du génocide et les activistes qui pratiquent la violence directe. Faut-il le rappeler ? Moins de deux mois avant qu’Ahmet Cetin ne lance le raid anti-arménien dans la ville de Florence Fautra, Maxime Gauin donnait sur le compte instagram de ce « loup gris » une vidéoconférence contestant l’existence du génocide. Le tout sous les applaudissements du nervi et de la fachosphère turque déchaînée… Nous sommes bien en France, en 2020, à quelques stations de tramway de la deuxième métropole du pays. 

C’est un défi. L’État va-t-il se réveiller ? Et comment vont réagir les politiques ? Laurent Wauquiez, exemplaire, a pris ses responsabilités en dénonçant clairement cette menace. On n’en dira pas autant de Gérard Collomb, pourtant arménophile, qui a fait alliance aux municipales avec le candidat pro-Erdogan Izzet Doganel, à Saint-Priest. Idem pour Yves Blein, ex-socialiste, aujourd’hui membre de LaREM, qui a hébergé sur sa liste à Vénissieux un militant connu du PEJ, Parti Égalité et Justice, succursale en France de l’AKP. Ils ne sont pas les seuls. Mais ils portent aussi leur part de responsabilité dans cette banalisation inacceptable des extrêmes qui a fait le lit des événements de Décines.

Face à ces défis, le collectif des Français d’origine arménienne aurait plus que jamais intérêt à se montrer soudé, à jouer à 100 % la carte des institutions républicaines et à ne céder à aucune provocation. À l’image de la force tranquille dont a fait montre l’Arménie, qui n’a jamais fait preuve d’autant d’assurance sur le plan militaire que depuis la révolution de velours et l’accession au pouvoir de Nikol Pachinian. Comme quoi, ainsi cela a déjà été écrit dans nos pages, la démocratie, facteur de confiance et cohésion, participe bien de la sécurité nationale. 

La rédaction
Author: La rédaction

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