Les élections sont une occasion légitime pour le premier ministre arménien Nikol Pachinian, réélu le 20 juin, de procéder à un remaniement de l’équipe dirigeante… Mais force est de constater qu’il ne les a pas attendues, au point que les valses de fonctionnaires observées dans les instances dirigeantes et jusque dans son proche entourage ces derniers mois ont alimenté les spéculations sur l’isolement d’un premier ministre qui ne ferait plus confiance à personne. Le dernier à en faire les frais a été Arsen Torosian, qui a été relevé jeudi 1er juillet de ses fonctions de chef du cabinet de N.Pachinian, poste qu’il avait dû accepter le 18 janvier après avoir renoncé au portefeuille de ministre de la santé, considérablement écorné par la gestion de la crise sanitaire du coronavirus. A.Torosian a été remplacé par Arayik Harutiunian, qui était déjà l’un des principaux conseillers de Pachinian et avait été ministre de l’éducation. Comme son prédécesseur, il est membre du parti Contrat civil de Pachinian, vainqueur des législatives anticipées qui lui ont accordé une large majorité dans le nouveau Parlement.
Pachinian a présenté A. Harutiunian aux membres de son équipe peu après sa nomination, qu’il ne fallait manifestement pas interpréter comme une sanction de son prédecesseur. Ainsi, on apprenait qu’A. Torosian aurait demandé à se voir attribuer l’un des 71 sièges qu’occupe le Contrat civil dans le Parlement qui en compte 107. Pachinian a toutefois invoqué la nécessité d’accroître l’“efficacitéb de la gouvernance” dans le pays. “La qualité de la gouvernance se mesure et commence au sein même de l’équipe du premier ministre”, a ainsi déclaré Pachinian qui a quelque peu bousculé l’agenda. Le premier ministre devrait théoriquement former un nouveau gouvernement et obtenir un vote de confiance de l’Assemblée nationale vers la fin de l’été. A ce jour, on ne sait rien de ses intentions, ni lui, ni aucun de ses alliés politiques n’ayant annoncé quelque remaniement. Un premier remaniement avait eu lieu au lendemain de la capitulation qu’il avait signée le 9 novembre 2020 dans la guerre du Karabagh : sept de ses ministres avaient été congédiés, une mesure jugée bien insuffisante par ses opposants qui avaient lancé une campagne de manifestations pour réclamer sa démission, seule réponse possible selon eux d’un pouvoir jugé responsable du choc historique causé par cette défaite face à l’Azerbaïdjan. Armen Khachatrian, a membre pro-gouvernemental du Parlement sortant, a indiqué jeudi qu’il ne savait pas si le prochain gouvernement diffèrerait nettement du précédent.
Il exprimait toutefois l’espoir que Pachinian nommerait davantage de technocrates dans son nouveau gouvernement. “Je pense que des professionnels doivent être choisis … dans un certain nombre de domaines”, a ainsi déclaré Khachatrian aux journalistes de RFE/RL, en ajoutant : “Et quant à savoir qui ils ont soutenu et ce qu’ils ont fait, cela ne devrait pas compter du tout”. Khachatrian précisait en passant néanmoins que la politique de nomination de Pachinian avait été jusqu’à maintenant trop “tolérante”. Sofia Hovsepian, qui compte parmi les nombreux députés qui avaient quitté les rangs de l’équipe de Pachinian à la fin de l’année dernière, se montrait quant à elle sceptique concernant la composition du futur gouvernement et ses compétences, qui devrait toujours compter selon elle des responsables pourtant incompétents. S.Hovsepian soulignait qu’au lieu de nommer des “personnes capables” à des postes clé, Pachinian prévoit de purger les instances de l’Etat des fonctionnaires et autres responsables qui ne lui ont pas fait allégeance. Elle a ainsi fait remarquer que le remplacement de Torosian par un autre allié de Pachinian montre que le premier ministre n’a pas su tirer les leçons de ses erreurs passées. Le secrétaire du Conseil de sécurité d’Arménie, Armen Grigorian, avait déclaré en début de semaine que le parti de Pachinian avait reçu le mandat du peuple pour mener à bien une telle purge. “L’appareil de l’Etat … doit de façon unanime servir la force [politique] victorieuse”, avait-il déclaré à la Télévision publique arménienne.
