Recevant le premier ministre arménien Nikol Pachinian peu avant la cérémonie de son investiture à Téhéran le 5 août, le nouveau président de la République islamique d’Iran Ebrahim Raisi, s’est engagé à renforcer les liens avec l’Arménie. “Les deux gouvernements sont décidés à développer les relations bilatérales et régionales et la coopération, et nous nous engagerons dans cette direction par la voie de la coopération”, aurait déclaré le président Raisi lors de cette rencontre avec Pachinian, qui avait fait le voyage à Téhéran pour assister à cette cérémonie qui se déroulait dans la soirée de jeudi, au Parlement iranien et à laquelle peu de dirigeants étrangers étaient présents. Elu le 18 juin dès le premier tour d’élections marquées par un fort taux d’abstention, parmi des candidats très sur le volet par le régime iranien, le nouveau président, proche du guide suprême de la République islamique Ali Khamenei, incarne le courant ultra-conservateur et son élection a été accueillie avec une grande froideur en Occident, au moment où le dialogue avec l’Iran semblait pouvoir reprendre, avec l’arrivée à la Maison Blanche de Joe Biden. Autant dire que l’Iran, toujours austracisé, n’est pas indifférent aux déclarations d’amitié, maintes fois prodiguées, par son voisin arménien. Le président iranien a ainsi souligné que Téhéran ne ménagerait pas ses efforts pour promouvoir la “paix et la stabilité” dans la région.
“Ma présence ici aujourd’hui témoigne de notre engagement à approfondir nos relations et à renforcer la coopération entre l’Arménie et l’Iran au plus haut niveau”, a ainsi déclaré Pachinian lors de sa rencontre avec le président Raisi, selon un communiqué du gouvernement arménien, en réitérant sa volonté d’“enrichir l’agenda” de cette coopération. Le même communiqué indique que les deux leaders ont discuté d’“un large éventail de sujets” relatifs aux relations bilatérale commerciales. Pachinian a mis l’accent sur la disposition de son gouvernement à associer les compagnies iraniennes aux grands projets de reconstruction des axes routiers conduisant à la République islamique d’Iran, dont il a rappelé qu’elle était un partenaire vital pour l’Arménie, en soulignant l’importance de la frontière commune, que les projets azéro-turcs visent à tailler en brèche. Les deux gouvernements ont mis sur pieds en mai un groupe de travail chargé d’étudier les modalités pratiques d’une telle participation. Le groupe a tenu sa première réunion à Téhéran début juillet et doit se réunir à nouveau à la fin du mois, à Erevan cette fois.
Les projets arméno-iraniens dans le domaine énergétique, singulièrement la construction d’une troisième ligne à haute tension reliant les deux pays, et retournant en Iran sous forme d’électricité le gaz naturel iranien livré à l’Arménie, figuraient aussi à l’agenda des discussions. “Nous sommes décidés à mener à bien les plans et les projets communs le plus vite possible”, aurait déclaré à ce propos le président Raisi. L’ancien juge âgé de 60 ans est lui-même soumis aux sanctions imposées par les Etats-Unis pour violations des droits de l’homme. S’il est loin de pouvoir s’attirer les bonnes grâces de l’Occident, qui avaient placé plus d’espoir dans son prédécesseur, J. Rohani, issu du camp dit réformateur, il s’est néanmoins engagé à prendre des mesures pour débarrasser la République islamique de ces sanctions “tyranniques”. En dépit de ses liens affichés avec les Etats-Unis, dont le président Joe Biden affirmait d’ailleurs dans le même temps qu’il entendait les resserrer en félicitant Pachinian pour sa réélection, l’Arménie entend quant à elle maintenir des relations étroites avec son voisin iranien. Pachinian avait ainsi répété en mai que les relations avec l’Iran étaient d’une “importance stratégique” pour l’Arménie, en soulignant que la frontière arméno-iranienne était vitale pour la sécurité nationale de son pays. L’Iran de son côté, a toujours affiché une neutralité de bon ton concernant le conflit arméno-azéri autour du Haut-Karabagh, entretenant des relations équilibrées tant avec l’Arménie qu’avec l’Azerbaïdjan, avec lequel elle partage l’Islam chiite et une frontière plus longue, bien plus longue d’ailleurs depuis que les forces azéries ont récupéré, à la faveur de la guerre arméno-azérie de l’automne 2020, les territoires adossés à la rive nord de l’Araxe que contrôlaient jusque là les Arméniens du Karabagh.
Cette guerre a aussi accru la méfiance de l’Iran envers l’Azerbaïdjan, avec lequel il partage aussi une minorité azérie turcophone, solidement implantée dans le nord du pays, dont les liens avec Bakou ont toujours inquiété Téhéran. La guerre a aussi confirmé l’emprise de son rival turc sur l’Azerbaïdjan, dont les liens avec Israël sont un autre motif de contentieux entre Bakou et Téhéran. Si l’Iran a répété après la guerre du Karabagh son attachement à l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan, il a dans le même temps appelé à respecter celle de l’Arménie quand les forces azéries menacent ses frontières. Peu avant la visite de Pachinian à Téhéran, l’ambassadeur iranien à Erevan, accompagné de son attaché militaire, se rendait ainsi dans la province méridionale arménienne du Gegharkounik, dont les zones frontalières ont fait face début mai à des intrusions de l’armée azérie, pour s’informer de la situation sur le terrain.