La liberté de la presse à l’épreuve des séances houleuses du Parlement arménien

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L’observateur arménien des droits de l’homme ainsi que différentes associations de journalistes ont condamné les efforts du gouvernement en vue de faire obstacle à la couverture par les media de débats parlementaires particulièrement houleux. Ils en ont profité pour appeler les autorités à revenir sur leurs décisions visant à restreindre la liberté de la presse, signulièrement dans l’hémicycle. Le président récemment élu du Parlement, Alen Simonian, avait ordonné l’arrêt de la retransmission télévisée en direct de la séance de mercredi 11 août du Parlement, qui avait failli dégénérer en pugilat entre les députés de la majorité et ceux de l’opposition, qui se sont copieusement insultés s’ils n’en sont pas venus aux mains. A.Simonian avait aussi appelé les agents en uniformes chargés de la sécurité du Parlement à intervenir dans l’hémicycle afin d’y “rétablir l’ordre”. Peu après, d’autres agents ont pénétré dans la tribune réservée à la presse surplomblant l’Assemblée et ont donné l’ordre aux journalistes présents de cesser de filmer ou de photographier cette séance plutôt chaotique. Certains de ces journalistes affirment qu’ils se sont vu alors informés de ce qu’ils n’auraient plus le droit de prendre des images de tels incidents. Dans une déclaration commune publiée dans la soirée de mercredi, 11 organisations non-gouvernementales engagées dans la liberté de la presse ont exprimé leur indignation devant les mesures prises par A.Simonian et le personnel en charge de la sécurité. Le président du Parlement, un proche du premier ministre Nikol Pachinian, aurait “outrepassé ses pouvoirs” tels que prévus par les statuts parlementaires, indique notamment le texte de cette déclaration, en ajoutant :“Les citoyens d’Arménie ont le droit légal de savoir ce qui se passe dans le Parlement et comment se comporte chacun de ses députés”. L’ombudsman d’Arménie, Arman Tatoyan, a sur la même tonalité désigné comme « inacceptables » les injonctions adressées aux correspondants parlementaires”. A.Tatoyan et les ONG défendant la liberté de la presse ont aussi réitéré leurs critiques concernant les graves limitations imposées aux journalistes, restreignant leur liberté de mouvement dans l’enceinte du Parlement qu’A.Simonian avaient énoncées aussitôt après son élection le 2 août, lors de la séance inaugurale du nouveau Parlement. Les journalistes s jouissant d’une accréditation pour l’Assemblée nationale ne peuvent plus interviewer des députés sortant de l’hémicycle ni pénétrer dans une aile du Parlement abritant les bureaux des députés du parti Contrat civil au pouvoir. Les députés de l’opposition ont joint leurs voix à ces condamnations lors de la séance de jeudi du Parlement. “Les journalistes doivent rapporter ce qu’ils voient, et si vous vous insultez et vous empoignez dans l’hémicycle, le public doit en être informé”, a notamment déclaré Taguhi Tovmasian, qui fut elle-même journaliste à la tête du quotidien qu’il avait fondé, représentant l’alliance d’opposition Pativ Unem. “Il y a eu beaucoup de problèmes [par le passé] mais les pressions sur les media sont devenues systematiques”, a indiqué pour sa part Gegham Manukian, de l’autre formation d’opposition, l’alliance Hayastan en ajoutant : “Des restrictions sévères sont imposées aux media”. G.Manukian, qui dirigeait une chaîne de télévision avant d’être élu dans l’actuelle législature, a fait valoir que les agents de sécurité n’avaient jamais jusque là menacé d’expulser les journalistes. A.Simonian a rejeté les critiques de l’opposition mais ne s’est pas expliqué sur sa décision de faire cesser la diffusion de la séance de mercredi. Il a une fois encore justifié ces restrictions, estimant qu’elles avaient vocation à empêcher les journalistes de “harceler les députés dans les corridors” et de faire irruption dans leurs bureaux. Le président du Parlement, qui est un proche collaborateur de Pachinian, est lui aussi un ancien journaliste ; il a accusé ses anciens confrères de manquer de respect systématiquement envers les responsables arméniens et les personnalités politiques. “Ne pensez pas que vous pouvez insulter des responsables de l’Etat, des députés de l’Assemblée nationale et des personnalités publiques sur les réseaux sociaux et d’autres plateformes publiques, et vous étonner après de ne pas avoir d’interviews”a-t-il déclaré, en s’adressant aux journalistes. Ces restrictions controversées ont été mises en œuvre sous le contrôle de nombreux agents de sécurité qui étaient déployés dans l’enceinte du parlement contrôlé par le parti gouvernemental à la veille de la séance inaugure le 2 août. Ces agents dépendent du Service de protection de l’Etat, une agence qui fournit des gardes du corps à Pachinian et à d’autres responsables politiques. Une photographe arménienne s’était vu retirer son accréditation parlementaire pour avoir pris des images du Parlement la semaine dernière. Le ministre de la justice Karen Andreasian a défendu cette présence sécuritaire renforcée dans le Parlement arménien le 6 août, en rappelant un tragique événement, la prise en otage par un groupe armé de l’Assemblée nationale en octobre 1999. Le groupe, qui avait tué six responsables, dont l’ancien premier ministre Vasken Sarkissian, était conduit par un ancien journaliste, Nairi Hunanian. Un argument qui a été contesté par les opposants du pouvoir en place, qui rappellent que Hunanian, qui purge actuellement une peine de prison à perpétuité à Erevan, avait cessé d’être journaliste bien des années avant cette attaque sanglante. A .Tatoyan a regretté pour sa part les déclarations justifiant ces atteintes à la liberté de la presse par des arguments sécuritaires et par la nécessité de conjurer quelque attaque terroriste. L’ombudsman a fait valoir que tous les correspondants accrédités doivent passer sous un porche détecteur de métal et par différents sas de sécurité avant d’entrer dans le Parlement.

Garo Ulubeyan
Author: Garo Ulubeyan

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