Il y a quelques semaines, le Patriarcat arménien de Constantinople a annoncé la célébration prochaine de la Divine liturgie en l’église de la Sainte Trinité – appelée « Üç horan » [3 autels ou 3 absides]ou « Tashoran » [Abside de pierres] enfin restaurée après des années de tergiversations (le panneau annonçant les travaux de restauration « oublie » de préciser le caractère arménien de l’édifice). Un nouvel exemple de « captage d’héritage » par une Turquie irrémédiablement génocidaire et négationniste puisque l’église qui sera re-consacrée le 28 août servira à la fois de lieu de culte et de centre culturel pour la municipalité de Malatya.
De belle taille et de belle facture, le sanctuaire se trouve dans le cœur historique de la ville, à l’intersection des rues Boztepe et Okul dans le quartier appelé « Tek Çeşme » ou « Vari Tagh » (quartier du bas, en arménien), autrefois essentiellement peuplé d’Arméniens. Selon l’historien Archag Alboyadjian, le plan de l’église serait dû à un architecte grec (Histoire des Arméniens de Malatya. Imprimerie Sevan, Beyrouth 1961).
Comme beaucoup d’autres églises de la région, celle-ci a pu être bâtie à l’époque des « Tanzimat », à l’occasion des réformes entreprises pour réformer l’État ottoman, avec la levée des interdictions de construire de nouvelles églises. Sa construction aurait débuté en 1878. Le gros-œuvre est achevé en 1893. La même année, sa toiture s’effondre lors d’un important tremblement de terre. L’église est gravement endommagée en 1895 lors des grands massacres hamidiens. De 5 à 6 000 Arméniens de la ville se sont retranchés dans la cathédrale et les bâtiments voisins. Assiégés par 20 000 irréguliers kurdes et par l’armée ottomane les Arméniens résistent durant 4 jours avant que l’artillerie turque ne bombarde l’église les obligeant à se rendre. Des milliers d’Arméniens sont massacrés dans toute la région.
De plan basilical rectangulaire, l’édifice mesure 27 m de long et 17 m de large. Les éléments porteurs de l’église sont en pierres de taille apportées depuis le village voisin de Tchamazahg et les murs intérieurs sont en moellons. La clef de l’abside orientée à l’Est est à 17 m. L’édifice est couronné d’un dôme circulaire en bois. Le sanctuaire possède deux diaconikon [avantatdoun/ sacristies] situés à droite et à gauche de l’autel. On sait aussi que dans la cour extérieure de l’église, se trouvait une dépendance qui était autrefois la résidence des prêtres et du bedeau. Cette annexe a été démolie un peu plus tard.
Entre 1905 et 1912, l’église fait l’objet d’importants travaux : le toit est recouvert de bois de genévrier et de cuivre avec un remplissage en pierres entre les deux. Le chœur et les deux absides latérales (à deux étages) reçoivent trois belles tables d’autel ornées à la feuille d’or ainsi que la façade du béma [estrade de l’autel]. Mais le sol de l’église et le crépis intérieur ne sont toujours pas réalisés. En 1907, l’archimandrite Kévork Aslanyan fait reconstruire son tambour [kempet] effondré lors du séisme 1893.
Sir l’inscription de dédicace de l’église, on peut lire ces lignes «Ce sanctuaire du Seigneur, seuil de sainteté, maison de prières et d’action de grâces, a été construit par les Arméniens de Malatya au nom de la Sainte Trinité. Enfants d’Arménie, avec amour venez ici chanter la gloire de la Trinité qui est une ».
En 1915 l’antique Mélitène et sa région sont intégralement vidées de leur population arménienne. Quelques dizaines de familles ayant échappé au carnage reviennent dans les années 20. Parmi-ces survivants, les familles de Hrant Dink, de l’archevêque Sébouh Tchouldjian, décédé du Covid 19 l’année dernière et de Garo Paylan dont les grands-parents auraient été baptisés dans cette même église.
Sahag Sukiasyan