Ce fut l’une des personnalités politiques les plus controversées, contestées, et disons-le détestées, de l’Arménie indépendante. Vano Siradeghian, l’ancien tout-puissant ministre de l’intérieur d’Arménie, est mort à 74 ans, en exil et dans l’oubli. Compagnon d’armes au sein du Comité Karabagh de Levon Ter Pétrossian, il sera l’éminence grise du premier président d’Arménie, frappant de discrédit son gouvernement en butte déjà aux accusations de dérive autoritaire et oligarchique. Lui-même s’était constitué un beau « trésor de guerre » en Arménie, où ses goûts de luxe défrayaient la chronique ; rattrapé par la chronique judiciaire, accusé de meurtre et faits de corruption, il préféra fuir l’Arménie, il y a plus de vingt ans, plutôt que de répondre devant sa justice d’accusations qu’il a toujours récusées. Le décès de V.Siradeghian a été annoncé par son épouse et par son fils dans un bref communiqué publié ce weekend. Ils n’en précisent pas les circonstances, ni d’ailleurs le lieu où il est survenu, non plus que celui de sa dernière demeure, ce communiqué ne faisant aucune mention d’une éventuelle inhumation en Arménie. Auteur de nouvelles et romans, V. Siradeghian avait été l’une des figures du mouvement Karabagh qui avait agité l’Arménie soviétique au printemps 1988, jusqu’à évincer le parti communiste au pouvoir en 1990. Noyau dur du mouvement né dans la foulée de la révolte des Arméniens du Haut-Karabagh contre le joug azéri, le Comité Karabagh, dirigé par L.Ter Pétrossian dont il est l’un des six principaux membres sera le vivier de la nouvelle classe dirigeante arménienne. Lui-même deviendra l’un des hommes les plus puissants de la jeune République indépendante en sa qualité de ministre de l’intérieur, un poste qu’il occupe sous la présidence de Levon Ter-Petrossian de 1992 à 1996. C’est donc sous son autorité que se dérouleront des procès fleuves, visant particulièrement la FRA Dachnaktsoutioun, interdite dans le pays alors même qu’elle y faisait son retour après 70 ans d’exil ; ces procès contre l’opposition et des media jugés trop critiques vaudront à Ter Petrossian les premiers doutes quant à la sincérité de ses engagements démocratiques. Siradeghian est de plus en plus ouvertement accusé d’abus de pouvoirs et d’enrichissement personnel, à l’aune de ces villas luxueuses attribuées à sa famille, dont nul n’ignorait l’existence à Erevan. Il avait pourtant opposé un ferme démenti à ces accusations. Le départ de Ter-Petrossian, acculé à la démission en 1998 par Robert Kotcharian aussitôt élu président, signera la perte de Siradeghian. Les accusations sont plus graves encore, puisqu’on lui impute une série de meurtres pour lesquels il aurait passé contrat. Les procureurs l’accuseront plus précisément d’avoir mis sur pieds au début des années 1990 un escadron de la mort chargé d’éliminer ou de terroriser les opposants à Ter-Petrossian. En juillet 2000, deux membres de ce prétendu escadron avaient été condamnés à mort et sept autres condamnés à des peines d’emprisonnement allant de 4 à 11 ans. Un mois après, onze anciens officiers des forces du ministère arménien de l’intérieur se voyaient condamnés à de lourdes peines de prison après qu’un tribunal de Erevan les a reconnus coupables du meurtre de deux personnes en 1995. L’ex-ministre de l’intérieur a démenti avec véhémence toute responsabilité dans ces assassinats, affirmant, avec ses partisans, que les accusations avaient été montées de toutes pièces dans le cadre des efforts de Robert Kotcharian, alors président, de neutraliser ses opposants politiques, dans un climat plombé par la tuerie du Parlement d’octobre 1999. V.Siradeghian s’est enfui d’Arménie en avril 2000, avant une décision du Parlement arménien autorisant les forces de l’ordre à l’arrêter avant l’énoncé du verdict de son procès. Bien que les autorités arméniennes eussent affirmé, des années durant, qu’elles traquaient le fugitif et étaient bien décidées à obtenir son extradition en vue de le traduire en justice, le lieu de son exil n’a jamais été connu et il s’est peu à peu fait oublier des Arméniens. D’ailleurs, depuis son exil, V. Siradeghian ne s’est jamais manifesté pour commenter les développements survenus dans la politique de son pays. Mais il avait toujours le soutien de Ter-Petrossian et de l’entourage de l’ex-président, qui ont toujours récusé les accusations dont il est l’objet. Dans une déclaration publiée ce weekend, le Congrès national arménien (HAK) de Ter-Petrossian a tenu à rendre hommage à V.Siradeghian, en soulignant qu’en sa qualité de ministre de l’intérieur, il avait réussi à “extirper la criminalité” rapidement et à préserver la “stabilité intérieure, la loi et l’ordre” et contribué ainsi à la victoire arménienne dans la guerre de 1991-1994 au Karabagh. Le HAK a aussi déploré les accusations “tronquées” forgées contre lui sous la présidence de Kotcharian et a appelé les autorités actuelles d’Arménie à permettre à la famille de Siradéghian de l’enterrer dans le Panthéon national d’Erevan. Une demande qui ne figure sans doute pas dans l’agenda des priorités arméniennes…
Retour sur la mort en exil de Vano Siradeghian
Se Propager
La rédaction vous conseille
A lire aussi
Sous la Présidence d’Honneur de M. Nicolas DARAGON, Maire de Valence, Président de l’Agglomération, Vice-Président de La Région, L’UGAB Valence-Agglomération
- by Jean Eckian
Le ministère des Affaires étrangères de l’Azerbaïdjan a de nouveau accusé l’Arménie de ne pas avoir fourni de cartes des
- by Krikor Amirzayan
Lors de la séance plénière de l’Assemblée nationale de la semaine prochaine, l’opposition parlementaire, les factions « Hayastan » (Arménie)»
- by Krikor Amirzayan