L’Arménie ne doit pas s’attendre à des bénéfices économiques importants d’un projet de liaison ferroviaire avec l’Azerbaïdjan qui pourrait lui donner une nouvelle route commerciale vers la Russie, a insisté vendredi l’ancien vice-premier ministre Vache Gabrielian.
« Cela ne fera certainement pas de mal, mais cela ne changera pas la donne étant donné la structure de notre économie », a déclaré M. Gabrielian dans une interview accordée au service arménien de RFE/RL.
Les deux pays du Caucase du Sud doivent établir des liaisons de transport en vertu d’un cessez-le-feu qui a mis fin à la guerre de 2020 dans le Haut-Karabakh et des accords de suivi également négociés par la Russie. Ces accords engagent spécifiquement l’Arménie à ouvrir une route de transit et une voie ferrée qui relieront l’Azerbaïdjan à son exclave du Nakhitchevan.
L’Arménie devrait à son tour bénéficier de liaisons ferroviaires avec la Russie, son principal partenaire commercial, et l’Iran voisin via l’Azerbaïdjan. Le Premier ministre Nikol Pashinian insiste régulièrement sur ce fait, prédisant une relance massive de l’économie arménienne.
« Expédier des marchandises vers la Russie [par le rail] en passant par Bakou n’a pas beaucoup de sens économique pour nous », a déclaré Gabrielian, qui a occupé le poste de vice-premier ministre de 2014 à 2018 et avait occupé d’autres postes à responsabilité au sein du gouvernement et de la Banque centrale d’Arménie depuis 1999. « C’était notre principale route commerciale à l’époque soviétique. Mais à l’époque, nous transportions des minerais métalliques et d’autres produits de l’industrie lourde. »
« Nous n’avons pas de tels produits [exportés vers la Russie] aujourd’hui. Nous ne mettons pas non plus en œuvre de grands projets d’investissement pour lesquels nous devons importer des choses de Russie », a-t-il ajouté.
M. Gabrielian a fait valoir que les exportations arméniennes vers la Russie se composent principalement de boissons, de produits alimentaires préparés et de fruits et légumes frais. Il sera moins cher et plus rapide de les livrer via la Géorgie plutôt que via l’Azerbaïdjan, a-t-il ajouté.
La plupart des échanges commerciaux russo-arméniens, qui se sont élevés à 2,6 milliards de dollars l’année dernière, sont effectués par des camions passant par le principal poste frontière géorgien-russe à Upper Lars. Le trafic par ce col montagneux est périodiquement bloqué par le mauvais temps, surtout en hiver.
M. Gabrielian a déclaré que les vastes travaux de modernisation des routes lancés par les autorités géorgiennes dans cette région l’année dernière élimineront ce problème et rendront la route du Haut Lars encore plus attrayante pour les exportateurs et les importateurs arméniens.
« Je ne comprends donc pas bien la justification économique de cette voie ferrée », a ajouté cet économiste de 53 ans, qui est aujourd’hui doyen du College of Business and Economics de l’Université américaine d’Arménie.
La plupart des Arméniens semblent partager ce scepticisme. Selon un sondage d’opinion financé par les États-Unis et réalisé à la fin de l’année dernière, seuls 5 à 6 % d’entre eux pensent que l’impact économique sur leur pays de l’ouverture des frontières avec l’Azerbaïdjan et la Turquie sera « définitivement positif ».
