Le Parlement arménien a été le théâtre, mercredi 2 mars, d’une nouvelle empoignade comme il en a tant connues depuis un an quand des députés de l’opposition ont pris à partie le premier ministre arménien Nikol Pachinian, présent dans l’hémicycle durant cette séance de questions au gouvernement, provoquant sa fureur et une altercation au terme de laquelle ils ont quitté en nombre la salle. Les députés de l’opposition entendaient ainsi protester contre la décision du vice-président du Parlement Hakob Arshakyan d’expulser de l’hémicycle plusieurs de leurs collègues en raison de leurs réactions “incorrectes” à la diatribe que venait de lancer Pachinian contre l’opposition arménienne. Le déchaînement de colère du premier ministre avait été provoqué par une question posée par Hripsime Stambulyan, députée de la principale formation d’opposition, l’alliance Hayastan, qui demandait à Pachinian d’expliquer ce que son gouvernement prévoyait de faire dans l’éventualité, très plausible, où la Russie réduirait ses exportations vitales de blé en réponse aux sanctions imposées par la communauté internationale en raison de l’invasion de l’Ukraine. L’Arménie, comme d’ailleurs nombre de pays européens dont la Russie et l’Ukraine sont les principaux fournisseurs de blé, est devenue plus dépendante encore du blé russe depuis la défaite arménienne dans la guerre du Karabagh de l’automne 2020, qui a coûté à l’Arménie d’importants territoires rendus à l’Azerbaïdjan. Au fil des décennies, les cultivateurs arméniens avaient transformé ces territoires en une sorte de « grenier à blé » de l’Arménie qui en ressent aujourd’hui durement le manque. C’est d’ailleurs cet aspect du problème soulevé par la députée de l’opposition qui a irrité Pachinian, qui devait s’exprimer plus sereinement le lendemain, lors de la réunion du conseil des ministres, sur l’impact inévitable des sanctions imposées à la Russie sur l’approvisionnement en blé et en autres produits de l’Arménie. “Depuis que vous avez livré quelque 75 % du territoire de l’Artsakh (Haut-Karabagh) à l’ennemi et laissé tant de champs de blé [cultivés par les Arméniens du Karabagh] aux mains de l’ennemi, quelles mesures prenez-vous?”, avait demandé H. Stambulyan lors de la séance de questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, en apostrophant directement N.Pachinian. Piqué au vif, ce dernier n’a pas répondu directement à la question sur le fond, préférant s’attarder sur sa formulation et plus précisément sur les allégations de la députée selon laquelle il aurait “livré des terres”. Il en a profité pour une fois encore accabler les anciens présidents Robert Kotcharian et Serge Sarkissian, qui dirigent actuellement les deux alliances d’opposition représentées au Parlement, en affirmant qu’eux-mêmes étaient disposés à faire des concessions territoriales à l’Azerbaïdjan lorsqu’ils étaient au pouvoir. Il a ainsi souligné leur soutien aux propositions de paix présentées par les trois puissances coprésidant le Groupe de Minsk de l’OSCE, les Etats-unis, la Russie et la France, qui en passaient par un compromis relatif à la restitution de territoires limitrophes du Haut Karabagh sous contrôle des Arméniens depuis 1994. “Arrêtez de verser des larmes de crocodile ici”, s’est emporté N. Pachinian, qui peinait à contenir sa colère. “Je veux vous faire savoir une fois encore que chaque fois que vous venez ici, vous devez garder à l’esprit que vous le dirigeant de l’exécutif et que vous n’avez pas le droit de répondre à nos questions en agitant le doigt et en hurlan”, a répondu la députée Stambulyan, visiblement décontenancée par la gestuelle agressive du premier ministre. “A quiconque dira que j’ai livré des terres, je parlera avec ce doigt”, rétorqua Pachinian, en insistant : “Je l’ai toujours fait. Voyez ce qui s’est produit durant votre règne !” “Je pointerai le doigt. Je pourrai aussi faire d’autres choses encore, si nécessaire”, a hurlé le premier ministre, en quittant avec rage le perchoir sous une pluie de critiques émanant des bancs de l’opposition. Celle-ci était toutefois en droit de prendre au sérieux les menaces du dirigeant arménien qui, lors de la campagne en vue de sa réélection aux législatives anticipées du 20 juin 2021, avait agité non pas le doigt, mais un marteau, devenu emblématique durant ses meetings, avec lequel il se faisait fort d’ « écraser » ses opposants. Archakian, qui présidait cette séance pour le moins tendue, lui a donné raison, en accusant certains membres de l’opposition d’avoir tenu des propos irrespectueux et “incorrects” à son encontre et leur a interdit de prendre la parole dans l’enceinte du Parlement. Il s’est bien gardé par ailleurs d’émettre quelque critique à l’encontre de Pachinian lorsque celui-ci, peu avant, avait désigné ses opposants politiques comme des “traitres” et des “pillards”. “Quand votre collègue parle en termes de ‘terres livrées’, elle crée une atmosphère tendue De grâce, cessez d’utiliser un tel langage”, a déclaré Archakian en s’adressant, en des termes un peu plus courtois, aux membres de l’opposition, avant de leur donner l’ordre néanmoins, de quitter la salle. Les autres députés représentant Hayastan et la deuxième alliance parlementaire d’opposition, Pativ Unem, ont répondu en leur emboitant le pas, quittant à l’unisson l’hémicycle, en signe de protestation et de solidarité. Les séances de l’actuelle législature élue en juin dernier sont émaillées depuis de telles joutes oratoires, qui ont dégénéré parfois en de véritables pugilats. Alen Simonyan, président du Parlement et figure de proue du parti Contrat civil de Pachinian, avait à plusieurs reprises l’an dernier interrompu les interventions de députés de l’opposition jugées trop critiques à l’encontre du premier ministre dans le Parlement. A chaque fois, il leur reprochait d’ insulter Pachinian. En août, Simonian avait donné l’ordre aux agents de sécurité du Parlement d’expulser par la force l’un de ces députés. Un autre député de l’opposition avait été sorti du perchoir du Parlement alors qu’il prononçait un discours hostile au pouvoir en octobre. Hayastan et Pativ Unem ont accusé les autorités de restreindre en toute illégalité la liberté d’expression dans l’enceinte du Parlement pour la première fois dans l’histoire de l’Arménie post-soviétique.
L’impact de la guerre en Ukraine provoque une nouvelle empoignade dans l’hémicycle arménien
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