Il est directeur du théâtre de Gascogne et l’homme à l’origine de ce festival. Entretien avec celui qui, il y a peu, ne connaissait que peu de choses à l’Arménie.
Nouvelles d’Arménie Magazine : Vous avez intitulé cette quinzaine arménienne Yeraz. Pourquoi ce nom ?
Antoine Gariel : Ce choix n’est pas la traduction d’une perception onirique, folklorique ou touristique de l’Arménie. D’abord c’est le premier mot arménien qui m’a été traduit le jour où j’ai interrogé Christina Galstian-Agoudjian sur la signification du nom de sa compagnie de danse et donc un hommage que je lui rends pour tout le soutien et la générosité dont elle a fait preuve pour nous accompagner dans la préparation du festival. Ensuite ce mot, simple et fort, porte en lui une invitation au voyage et inscrit l’Arménie dans une approche positive et pleine d’espérance. Il ne s’agit pas de gommer les drames historiques de ce pays qui seront abordés pendant la quinzaine, mais plutôt de ne pas enfermer l’Arménie dans ses blessures en soulignant qu’elle porte en elle une résilience admirable et une culture exceptionnelle.
NAM : Comment est née l’idée de ce festival ?
A. G. : C’est la conjonction de deux facteurs déterminants. D’abord, le fruit d’une belle amitié avec Simon Abkarian qui vient régulièrement au Théâtre de Gascogne, et puis l’ardent désir d’agir pour que le lieu de culture que je dirige reste « en et au service » même lorsque l’actualité géopolitique ou la situation sanitaire deviennent compromettantes. L’idée du festival est née en janvier 2021, pendant la pandémie, au hasard d’une discussion alors qu’il répétait sa pièce Electre des bas-fonds avec sa troupe à Mont de Marsan. Depuis quelques mois l’Arménie et la situation en Artsakh s’invitaient régulièrement dans nos échanges et j’avais été frappé par la mobilisation de la communauté arménienne de France. Je connaissais mal l’Arménie et cette région du Caucase. Je n’en avais qu’une idée vague faite de papier odorant, du naufrage de Noë sur un versant de l’Ararat, des origines et de la voix francophone du grand Charles Aznavour et d’un génocide ancien et imprécis. Les événements du Haut-Karabagh et les témoignages des artistes arméniens réunis autour de la table ont fait germer cette idée de « porter le regard » sur ce pays ami de la France. Au départ, l’idée n’était pas précise, c’était plus un élan, une intuition, un appel. Et puis, le grand livre de l’Arménie s’est ouvert et j’ai ressenti un véritable choc esthétique.
NAM : Qu’est-ce qui vous a le plus touché dans cette culture arménienne ?
A. G. Je crois que c’est sa formidable richesse doublée d’une ancienneté plurimillénaire qui lui offre à la fois sa complexité, mais aussi et surtout une grandeur au caractère universel. Depuis un an, je me suis immergé dans cette culture étrangère que je ne soupçonnais pas, je navigue dans les veines de l’âme arménienne et je ne peux pas m’empêcher de mettre en parallèle les épreuves que l’histoire a infligé, et inflige encore, à cette nation, et sa phénoménale résilience. À mes yeux, le trait d’union entre les épreuves subies à travers les âges et cette capacité à survivre, à recréer de nouvelles Arménies, selon l’expression si juste de William Saroyan, et à continuer à bâtir un avenir meilleur, c’est justement cette identité culturelle profondément enracinée. L’immense galerie de Figures arméniennes et arménophiles dans laquelle je déambule me révèle chaque jour davantage la singularité et la diversité de ce patrimoine matériel et immatériel qui donne à l’Arménie une noble dignité et une force de rayonnement unique. Ce pays est un témoignage puissant que la culture est le ciment et la preuve de la liberté inaliénable d’un peuple. C’est cette richesse que le festival souhaite partager et promouvoir.
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Propos recueillis par Marie-Aude Panossian