Le ministère turc de la Culture et du Tourisme a annulé un concert du violoniste hispano-arménien Ara Malikian à Ankara le 11 juin, sans en préciser la raison, dans un contexte d’indignation face à l’interdiction par les administrations locales d’un nombre croissant de concerts dans le pays au cours des deux dernières semaines, rapporte Turkish Minute.
Plus d’une douzaine d’événements, y compris des concerts et des festivals de musique universitaires, ont été annulés par les administrations locales sous divers prétextes depuis la mi-mai, ce qui est considéré par beaucoup comme une tentative du gouvernement du Parti de la justice et du développement (AKP) de s’immiscer dans le mode de vie des gens et d’essayer d’imposer ses valeurs islamiques à la nation.
Dans l’un des derniers incidents, un concert de Malikian, qui devait avoir lieu dans la salle de concert de l’orchestre symphonique présidentiel le 11 juin dans le cadre du « Festival de la route culturelle » organisé par le ministère de la Culture et du Tourisme, a été annulé jeudi 26 mai. Les personnes qui avaient acheté des billets pour l’événement ont été informées de l’annulation par un message ne spécifiant aucune raison, selon les médias locaux.
L’interdiction est intervenue après que M. Malikian a été pris pour cible par les Turcs sur les médias sociaux en raison de remarques antérieures définissant les massacres d’Arméniens il y a plus d’un siècle comme un génocide.
Les récentes interdictions de concerts en Turquie ont suscité des critiques de la part de musiciens, d’acteurs, d’associations d’avocats et de militants des droits de l’homme.
« Je ne peux pas accepter le nombre croissant d’annulations de concerts et de festivals, ni les déclarations discriminatoires et haineuses sur le mode de vie des gens, en particulier concernant les musiciennes », a tweeté vendredi la célèbre chanteuse pop turque Mabel Matiz.
L’éminent acteur turc Genco Erkal a également déclaré, en s’adressant à l’AKP au pouvoir, qu’ils étaient « arrivés au bout du chemin » s’ils commençaient à interdire des concerts en tentant de faire taire les artistes avec diverses excuses.
Erkal laissait entendre que le président Recep Tayyip Erdoğan et son AKP verraient probablement une défaite lors des élections générales et présidentielles prévues en 2023.
Les enquêtes publiques montrent qu’Erdoğan et son allié électoral, le Parti du mouvement nationaliste (MHP), perdent un soutien public considérable.
Publiant une déclaration écrite vendredi, le barreau d’İstanbul a déclaré que l’annulation des concerts et des festivals était une violation de la constitution et visait à « nous enlever notre droit de vivre, notre droit d’écouter la musique que nous voulons et d’assister aux concerts des artistes que nous voulons… bref, notre droit de vivre librement et de décider librement de nos vies. »
L’association du barreau de Diyarbakır a également publié une déclaration sur les interdictions, affirmant que les responsables de ces interdictions discutant des annulations sur la base de différences telles que la langue, la culture et le mode de vie dans le contexte des « valeurs nationales et morales » allaient « sans aucun doute approfondir la polarisation sociale. »
« Il n’est pas possible d’accepter dans un ordre démocratique que ceux qui exercent le pouvoir public et sont en position de décision dépassent les limites de la loi pour ignorer la liberté d’_expression_ des artistes et les cibler en raison de leur… langue, de leurs vêtements et de leurs styles musicaux », ont-ils ajouté.
« Nous n’acceptons pas ces restrictions et interdictions dépassées qui sont devenues systématiques. Nous ne vous laisserons pas empêcher les artistes, en particulier les femmes artistes, d’exercer leur profession comme elles le souhaitent dans ce pays ! », a également déclaré la Plateforme des femmes pour l’égalité (EŞİK) dans un communiqué vendredi.
