Le 25 avril dernier, Osman Kavala a été condamné à Istanbul à la prison à vie. Le philanthrope turc était emprisonné depuis octobre 2017 et n’avait eu de cesse de clamer son innocence.
Accusé d’avoir tenté de renverser le gouvernement du président Recep Tayyip Erdogan, il ne pourra bénéficier d’aucune remise de peine, ont précisé les juges qui ont énoncé leur verdict après moins d’une heure de délibéré.
Sept coaccusés – qui comparaissaient libres – ont écopé d’une peine de dix-huit ans de prison, pour lui avoir apporté leur soutien sans aucune preuve pour soutenir cette accusation. Ils ont été incarcérés à l’issue du procès.
Né en 1957 à Istanbul, Osman est issu d’une famille originaire de Kavala dans le nord de la Grèce qui avait fait fortune dans le tabac. Il a étudié au Royaume-Uni et aux États-Unis avant de reprendre l’entreprise familiale. Il se tourne progressivement vers la culture en créant une maison d’éditon Iletisim qui promeut les idées démocratiques et en lançant en 2002 la fondation Anadolu Kultur qui va œuvrer pour le rapprochement des cultures turques, arméniennes et kurdes. Anadolu Kultur a participé au court-métrage métrage Chienne d’Histoire de Serge Avedikian récompensé par une Palme d’Or à Cannes en 2010, aux expositions d’Antoine Agoudjian en Turquie et à de nombreuses autres initiatives qui ont permis aux Arméniens de la Diaspora de changer leur regard sur toute une partie de la société civile turque.
Au moment des émeutes de Gezi, Kavala a proposé de servir d’intermédiaire entre le gouvernement et les émeutiers. Ce que R.T. Erdogan inversera en l’accusant d’être l’instigateur de ces émeutes.
En 2020, un tribunal turc l’acquitte pour manque de preuves, mais il est maintenu en détention. La Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) s’en est émue et a condamné la Turquie pour détention abusive et a décrété la nullité des preuves portées à charge contre lui.
La sentence d’avril 2022, foule aux pieds toutes ces décisions. On peut imagine le désespoir d’Osman qui a qualifié cette décision d’« assassinat judiciaire ».
Osman Kavala est donc un homme de culture et de paix, condamné à la prison à vie pour avoir défendu la culture et la paix. Son action a permis aux Arméniens de la Diaspora de comprendre qu’il ne fallait pas réduire la Turquie à son gouvernement, ni à sa frange d’extrême droite même si elle est toujours pour l’instant majoritaire. Il existe des hommes et des femmes de bien, des justes avec qui il est possible d’envisager un avenir commun.
Wikipedia, l’omniscient, dit que le Prix Nobel de la paix récompense « la personnalité ou la communauté ayant le plus ou le mieux contribué au rapprochement des peuples, à la suppression ou à la réduction des armées permanentes, à la réunion et à la propagation des progrès pour la paix » selon les volontés, définies par le testament, d’Alfred Nobel. Cela comprend la lutte pour la paix, les droits de l’homme, l’aide humanitaire et la liberté.
Aujourd’hui le travail qu’Osman Kavala avait poursuivi avec humilité et discrétion mériterait largement d’être pris en considération par le comité Norvégien en charge de cette branche du Nobel.
La guerre russo-ukrainienne attire tous les regards et focalise l’attention du Monde. La Turquie en profite avec brio comme elle sait le faire durant les crises mondiales. Après avoir été au XIXe siècle l’homme malade de l’Europe, elle est devenue aux XXIe siècle son enfant gâté. Elle exploite avec insolence une situation géographique exceptionnelle. Elle fait ce qu’elle veut. Rien à faire des décisions de la CEDH, rien à faire des décisions sur Chypre, j’ouvre et je ferme comme je veux le robinet à migrants, j’envahis qui je veux, c’est moi qui décide qui va ou non entrer dans l’Otan tout en m’équipant d’armes russes, je suis une démocratie qui emprisonne tous mes opposants. Bref, j’ai du courage et vous n’en avez pas.
Cette année, l’Académie du Nobel sera-t-elle, comme l’Eurovision, influencée par la guerre en Ukraine ? Pourtant il serait si regrettable qu’elle passe à côté de l’homme exceptionnel qu’est Osman Kavala, comme elle est passée, en son temps, à côté d’Hrant Dink.
Suggestion pour un Nobel, par Gorune Aprikian
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