Accompagné de nombreux fidèles originaires de Constantinople, le Patriarche Sahak II a pris à la fin de la semaine dernière son bâton de pèlerin pour se rendre à Vakıflıkoy, en Cilicie, à l’occasion de la Fête de la Dormition [Assomption] de la Sainte Mère de Dieu, l’une des cinq grandes fêtes dites « des Tabernacles » [Daghavar] de l’Église arménienne.
Sur sa route, le patriarche Sahak II s’est arrêté à Mersin, Kerekhan et Iskenderun (Alexandrette) où il a pu rencontrer les rares Arméniens qui vivent encore dans ces régions qui en comptaient plus de 200 000 avant la Première guerre mondiale. On y trouvait également d’importantes communautés Syriaques orthodoxes, Chaldéennes, Grecque-orthodoxes, Catholiques et Protestantes, toutes aujourd’hui éteintes, ou en voie d’extinction.
A son arrivé à Vakiflikoy, le Patriarche a béni le pain et le sel qui lui étaient présentés en signe de bienvenue, puis, aux côtés des villageois, il s’est intéressé à la cuisson du Harissa. Ce plat traditionnel local était autrefois confectionné par toutes les communautés arméniennes de la région à l’occasion de cette fête. Le harissa était ensuite béni dans les chaudrons dans lesquels il avait cuit et était distribué à tous les fidèles comme l’expression d’un partage rappelant les agapes des premières communautés chrétiennes. C’est une des formes traditionnelles du « Madagh », ou sacrifice.
Fidèle à cet usage, à l’issue de la Divine liturgie, le Patriarche Sahak II a donc procédé à la traditionnelle bénédiction du raisin et de la harissa qui ont ensuite été généreusement distribués à tous les fidèles rassemblés dans la cour de l’église.
Quelques informations sur le village de Vakiflikoy
Vakıflıkoy, Վաքըֆ en arménien, est un petit village du district de Samandagh, dans la province de Hatay (Antioche) en Turquie, à la frontière syrienne. Considéré comme étant le dernier village arménien de Turquie, il est situé près du mont Moïse( en turc : Musa-Dagh, en arménien, Moussa Ler), à quelques dizaines de kilomètres du village de Kessab et de ses hameaux, autres reliquats de la Cilicie arménienne. Comme les 6 autres villages du Moussa-Dagh, Vakiflikoy a subi la politique de déportation des turcs en 1915 et participé à la célèbre épopée des 40 jours du Moussa-Dagh immortalisée par Franz Werfel.
Le village ne compte plus aujourd’hui qu’une trentaine de familles, 135 habitants permanents, mais sa population augmente durant l’été avec le retour pour les vacances de nombreux descendants des anciens habitants du village (70 % d’entre eux vivraient à Istanbul). La population passe alors à 4 000 personnes. Une vingtaine d’enfants vivent au village qui ne dispose pas d’école, de prêtre ou d’enseignant à résidence. Ces enfants ne peuvent donc acquérir que quelques rudiments d’arménien durant les 4 mois de présence d’un prêtre venu de Constantinople en été.
Fondée en 1895, l’église de la Sainte Mère de Dieu a entièrement été reconstruite et consacrée en 1997, avec, comme aiment à le souligner certains responsables arméniens de Turquie, « le soutien de l’État turc ». Considéré comme une vitrine de la tolérance de la Turquie à l’égard de sa « minorité » arménienne, le village compte également un musée ethnographique et historique du Moussa-Dagh.
Sahak Sukiasyan
