Le major-général Grigori Khachaturov, qui avait participé à un mouvement à la tête de l’armée en vue de pousser le premier ministre arménien Nikol Pachinian à la démission en février 2021, s’est vu confirmer son arrestation jeudi 16 mars par la Cour d’appel d’Arménie. Il avait déjà été détenu le mois dernier sur les accusations de blanchiment d’argent qu’il avait récusées avec véhémence. Un tribunal de première instance l’avait libéré quelques heures après ce verdict. Un juge de la Cour d’appel est revenu sur cette décision suite à une demande en appel d’un procureur en charge de cette enquête hautement sensible. Khachaturov est l’ancien commandant du Troisième corps d’armée arménien stationné principalement dans la province septentrionale de Tavoush frontalière de l’Azerbaïdjan. Il s’était vu décerner une récompense militaire majeure et avait été promu au rang de major-général après avoir mené une opération militaire couronnée de succès à la frontière arméno-azérie en juillet 2020, lors de l’offensive menée dans ces zones frontalières par l’armée azérie, annonciatrice de la grade guerre que devait déclencher, trois mois plus tard l’Azerbaïdjan, avec l’aide de la Turquie, contre le Karabagh. Khachaturov figurait au nombre de la quarantaine de gradés arméniens qui avaient accusé le gouvernement de Pachinian d’incompétence et avaient demandé sa démission en février 2021. Cette initiative sans précédent avait été saluée par l’opposition arménienne mais avait été dénoncée comme une tentative de coup d’Etat par Pachinian et ses alliés politiques. Dans un communiqué distinct publié en mars 2021, Khachaturov avait déclaré que “chaque jour et chaque heure” de pouvoir de Pachinian ne fait qu’“éroder” davantage la sécurité nationale de l’Arménie. Il sera révoqué quelques mois plus tard. Les charges pesant contre le général s’inspirent d’une procédure controversée engagée contre Seyran Ohanian, un ancien ministre de la défense qui dirige actuellement le groupe parlementaire de la principale formation d’opposition, l’alliance Hayastan. Ohanian avait été accusé en février d’avoir illégalement autorisé la privatisation de propriétés appartenant au ministère arménien de la défense. Il rejette ces accusations, les jugeant politiquement motivées. Le Service de sécurité nationale (NSS) a indiqué que Khachaturov avait acquis “de facto” l’une de ces propriétés à prix cassés et l’avait utilisée en vue d’obtenir un prêt bancaire d’un montant de 18 millions de drams ( 45 000 $). L’un de ses avocats a jugé « risible » cette accusation de blanchiment d’argent. Le père de Khachaturov, Yuri, n’est autre que l’ancien chef d’état major des armées arméniennes de 2008-2016. Il avait défrayé la chronique en étant, avec Ohanian et avec l’ancien président Robert Kotcharian, l’une des premières cibles de la politique anti-corruption de Pachinian dans les mois qui ont suivi son accession au pouvoir en mai 2018, alors même qu’il occupait la présidence tournante de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC). Les poursuites engagées alors par la justice arménienne contre le général avaient provoqué une vive réaction de la Russie et de ses alliés, qui dénonçaient l’attitude cavalière des nouvelles autorités arméniennes, déjà suspectes de collusion avec l’Occident, envers le secrétaire général de l’alliance militaire dirigée par la Russie. Face au risque d’une dégradation des relations avec Moscou, les autorités arméniennes avaient dû reculer et desserrer l’étau de la justice sur Yuri Khatchatourov. La Cour constitutionnelle devait d’ailleurs déclarer comme inconstitutionnelles en 2021, les charges pesant sur le général comme sur Ohanian et Kotcharian, qui avaient été poursuivis pour leur rôle présumé dans les troubles post-électoraux à Erevan en 2008. Yuri Khachaturov and son fils cadet ont activement participé aux manifestations antigouvernementales de l’an dernier organisées par les principales forces d’opposition du pays.
