En visite officielle à Prague, le premier ministre arménien Nikol Pachinian a profité de cette tribune européenne pour appeler la communauté internationale à faire une évaluation « claire et ciblée » de la « crise humanitaire » en cours au Haut Karabagh, en soulignant que les mesures prises par l’Azerbaïdjan pour couper le territoire peuplé d’Arméniens de l’Arménie étaient les signes inquiétants de « préparatifs en vue d’un nettoyage ethnique ». Mais il est peu probable que ce message soit reçu et entendu à l’aune des attentes arméniennes, y compris dans la capitale tchèque elle-même, où l’opinion, largement mobilisée en faveur de l’Ukraine, à laquelle le premier ministre tchèque Petr Fiala a réitéré son soutien indéfectible, lors de deux visites à Kiev et dans d’autres villes ukrainiennes, le 16 mars et le 29 avril, se montre bien indifférente face au drame que vivent les Arméniens sous la menace constante des soldats azéris. Alors que les ministres des affaires étrangères d’Arménie, Ararat Mirzoyan, et d’Azerbaïdjan, Jeyhoun Bayramov, bouclaient jeudi 4 mai les pourparlers en vue d’une normalisation des relations bilatérales engagés lundi à Washington sous l’égide des Etats-Unis, dans le cadre d’un processus de paix que les Occidentaux se sont employés depuis plus d’un an à soustraire à l’arbitrage de la Russie, la visite de Pachinian est passée presque inaperçue à Prague. C’est dans cette même capitale tchèque pourtant que le premier ministre arménien avait conclu un accord avec le président azéri Ilham Aliev le 5 octobre dernier sous l’égide du président du Conseil européen Charles Michel et du président français Emmanuel Macron, en marge du sommet pour une union politique européenne, accord dont on avait dit qu’il était en voie de finalisation après une nouvelle agression azérie aux frontières de l’Arménie, dont les Tchèques, qui avaient manifesté par dizaines de milliers dans les rues de Prague au même moment leur soutien à l’Ukraine, ne semblaient guère se soucier. S’exprimant lors d’une conférence de presse aux côtés de son homologue tchèque Petr Fiala lors de sa visite officielle à Prague, Pachinian a déclaré que la situation dans le Sud Caucase reste tendue et a accusé l’Azerbaïdjan de continuer sa politique de recours à la force et de menace d’usage de la force pour provoquer une escalade des tensions à la frontière avec l’ Arménie, au Haut-Karabagh et dans le corridor de Latchine, le seul axe reliant désormais le territoire à l’Arménie et au reste du monde, à l’entrée duquel l’Azerbaïdjan a installé un checkpoint le 23 avril. “La décision de l’Azerbaïdjan d’installer un checkpoint sur le corridor de Latchine et le blocage de ce corridor qui a précédé constituent une violation patente de la déclaration trilatérale du 9 novembre 2020 et de la and décision de la Cour internationale de justice formulée en février ”, a déclaré Pachinian, dans une référence explicite à l’accord conclu par les leaders de la Russie, de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan qui avait mis un terme à six semaines d’une guerre sanglante dans le Karabagh à l’automne 2020, faisant près de 7 000 morts dans chaque camp et des dizaines de milliers de blessés. En vertu des termes de ce cessez-le-feu que Moscou avait su imposer aux belligérants, la Russie avait déployé quelque 2 000 soldats de la paix au Haut-Karabagh et le long de ce corridor large de cinq kilomètres reliant le Karabagh à l’Arménie connu sous le nom de corridor de Latchine. Erevan et Stepanakert exigent que l’Azerbaïdjan démonte le checkpoint aménagé à l’entrée du corridor de Latchine, côté Arménie, au nez et à la barbe du contingent russe de paix, qui n’a pas pu s’y opposer, de même qu’il n’a pu convaincre la poignée de manifestants azéris autoproclamés écologistes de lever le barrage qu’ils avaient installé sur le corridor depuis le 12 décembre, et qu’ils ont quitté peu après l’apparition du checkpoint, qui matérialisait en dur le blocus qu’ils avaient initié et le rendait donc inutile. La partie arménienne souligne que seuls les soldats de la paix russes devraient rester dans le corridor, comme convenu dans la déclaration trilatérale. L’Azerbaïdjan a rejeté cette demande, en insistant sur le fait que le checkpoint avait été installé en réponse à l’ “usage illégal” par l’Arménie de la route pour des livraisons militaires, une allégation démentie avec fermeté tant par Erevan que par Stepanakert. Les autorités azéries ont aussi affirmé que le blocage de la route ne gênait pas la circulation des Arméniens du Haut-Karabagh dans les deux directions. Les Etats-unis, la France et les autres puissances occidentales ont appelé l’Azerbaïdjan à garantir la liberté de circulation des véhicules privés et commerciaux le long du corridor de Latchine, exprimant leur préoccupation concernant une situation qui pourrait saper les efforts de paix dans la région. La Russie a elle aussi dénoncé les “mesures unilatérales” de Bakou dans le corridor de Latchine, les qualifiant d’ “inacceptables ”, mais n’a pas été en mesure d’user de son influence, certes érodée depuis la guerre en Ukraine, pour faire fléchir les autorités azéries. Le nouveau commandant du contingent de soldats de la paix russes, qui a été nommé à ce poste peu après l’installation de ce checkpoint qui constitue un nouvel affront à l’autorité de la Russie dans la région, a tenté cette semaine une médiation auprès du ministre azéri de la défense, mais il est peu probable qu’il soit plus à même que son prédécesseur de convaincre la partie azérie. Peu avant, le 22 février, quand des manifestants écologistes à la solde du régime de Bakou bloquaient encore le corridor de Latchine, la Cour internationale de justice avait ordonné au gouvernement azéri de “prendre toutes les mesures à sa disposition pour garantir la circulation sans entrave des personnes, des véhicules et des biens le long du corridor de Latchine dans les deux directions ”. Les autorités en Arménie et au Haut-Karabagh ont souligné que Bakou devait se conformer à cette décision. Dans ses interventions à Prague, Pachinian a réaffirmé que la situation actuelle exigeait une présence internationale plus marquée dans la région. “Dans ce contexte, nous considérons nécessaire qu’une mission d’enquête internationale soit envoyée au Haut-Karabagh et dans le corridor de Latchine. Dans le même temps, en dépit de toutes les difficultés, le gouvernement arménien a adopté un agenda de paix”, a souligné Pachinian. La coïncidence entre la visite du premier ministre arménien à Prague et le nouveau tour de pourparlers arméno-azéris à Washington est à souligner, tant elle semble marquer un tournant pro-occidental de l’Arménie, officiellement toujours alliée de la Russie. Après la rencontre entre Ararat Mirzoyan et Jeyhun Bayramov à la Maison Blanche mercredi, Jake Sullivan, le conseiller à la sécurité nationale du président américain a déclaré que Washington “salue les progrès de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan dans les discussions et encourage la poursuite du dialogue ”. Les négociations bilatérales entre Mirzoyan et Bayramov qui avaient débuté le 1er mai devaient se conclure jeudi, avec la participation du secrétaire d’Etat américain Antony Blinken, qui devait rejoindre ses homologues azéri et arménien qu’il se flatte d’avoir réunis dans ce contexte tendu, pour une séance à huis clos. Pachinian a répété depuis Prague que l’ Arménie est pleinement engagée dans le processus de négociation avec l’Azerbaïdjan et restera impliquée dans ce processus dans un proche avenir. Il a ajouté que l’Arménie cherchait à obtenir des résultats et “pas juste négocier pour négocier ”, en exprimant l’espoir que l’ Azerbaïdjan “abandonnera sa politique de force et de menace de recours à la force ”. “Nous attendons de la communauté internationale, aussi, qu’elle envoie un message similaire à l’ Azerbaïdjan ”, a martelé Pachinian. Outre son homologue tchèque, Fiala, Pachinian devait rencontrer lors de sa visite de deux jours à Prague le président tchèque Petr Pavel élu en janvier, ainsi que les dirigeants des instances législatives du pays. Pachinian devait aussi rencontrer les représentants de la petite communauté arménienne de la République tchèque.
Depuis Prague, Pachinian appelle la communauté internationale à ses responsabilités face à la « crise humanitaire » en cours au Karabagh
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