La musique au secours des enfants

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Musicienne, compositrice et pédagogue, Eugénie Alecian met sa passion au service de l’aide humanitaire en Arménie et en Artsakh. Elle nous présente la genèse du gala caritatif qu’elle organise le 16 septembre, à Courbevoie, et dont elle est l’âme

Samedi 16 septembre à l’Espace Carpeaux, 15 Bd Aristide Briand à Courbevoie
* 14h00 – Colloque
* 17h30 – Spectacle

DETAILS ET BILLETTERIE

Nouvelles d’Arménie Magazine: Qu’est-ce qui vous a amenée à vous investir pour l’association ?
Eugénie Alecian :
Permettez-moi d’évoquer le contexte à l’origine de mon initiative.
C’est au quotidien que nous atteignent l’évocation de guerres, conflits et un nombre incroyable d’actes de barbarie et dans le monde entier. La plupart d’entre nous, a ce sentiment qui, parfois, semble se transformer en indifférence, mais qui n’est qu’une sensation d’impuissance face à des tyrans-gouvernants qui ont une telle soif d’hégémonie et de pouvoir qu’ils en perdent toute humanité, qui confondent puissance et violence.
La plupart d’entre nous ne manque ni de sensibilité ni d’empathie et n’a jamais été aussi généreuse à donner de son temps et de son argent pour nombre de causes en tous genres. Certains vont se lasser pensant que ça ne sert à rien, et pourtant, ça sert au moins à donner l’exemple, ne serait-ce qu’à ses enfants. D’autres vont expliquer ce qui se passe ou pire : tenter de justifier ce que l’un fait à l’autre… Pour moi, rien, jamais, ne justifiera les guerres et les violences.
Au risque de choquer, j’en suis arrivée à me dire que l’inhumanité mènera le monde à sa perte plus sûrement et plus rapidement que le changement climatique…
Celui pour qui je dois agir, c’est donc l’enfant. Puisqu’il est l’avenir.
Je veux faire un aparté en évoquant une phrase avec laquelle j’accueillais les nouveaux professeurs au Jardin De Musique : « n’oubliez jamais que c’est peut-être un futur prix Nobel ou président de la république que vous avez devant vous » !

Je reviens maintenant à votre question. A l’automne 2022, quelques jours avant le blocus, j’ai eu la sensation que du sang noir bouillonnait dans mes veines. Je venais aussi de lire quelques articles sur le post traumatisme des enfants, écrits par mon frère pédopsychiatre, Patrick Alecian, très investi en Arménie auprès des psychiatres travaillant avec les enfants et adolescents fortement traumatisés par les guerres en Artsakh. Je découvre aussi l’action de Santé Arménie dont il fait parti.
Comment réagir ? Faire l’autruche ou agir, tout en me sentant tellement petite pour ce faire !
Je comprends que je ne peux pas faire grand-chose mais que Santé Arménie, collectif qui comprend des centaines de médecins et associations de médecins peut agir, ne serait-ce qu’en aidant à la création d’une chaire de psychiatrie juvénile en Arménie (il n’y en a aucune encore).
Je n’ai pas d’argent mais j’ai la musique, seul monde dans lequel je sois capable de naviguer. C’est ainsi que m’est venue l’idée d’organiser un concert au profit des enfants et adolescents victimes de poste traumatisme.
J’ai d’abord impliqué L’Action Musicale Internationale pour m’accompagner dans ce projet, puis ai rencontré le maire de Courbevoie, Jacques Kossowski, qui a immédiatement adhéré au concept. Son rôle n’est pas anodin car il a convaincu son conseil municipal de voter unanimement pour ce projet en demandant de faire abstraction de toute politique. C’est ainsi que nous disposons de la plus belle salle de concert de la ville : L’Espace Carpeaux.
Ça a pris plus de deux mois pour tout formaliser et je pouvais démarrer réellement le projet en février.

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NAM : Quel est votre rôle dans l’organisation de cette journée ? Et quel sera-t-il le jour J ?
E.A. :
Lorsque je me suis lancée dans l’organisation de ce gala caritatif, je n’avais pas mesuré l’ampleur de la tâche qui m’attendait. Toutefois, je savais que je ne pouvais pas mener ce projet seul. La priorité était donc de maîtriser et ordonner la gestion de cette journée remplie d’événements. Mon rôle principal a été de prendre en charge la dimension artistique du spectacle. Choisir le programme et les artistes a été un processus délicat, car je voulais que le concert soit à la fois pluriculturel et cohérent, portant en lui l’intelligence émotionnelle nécessaire pour toucher le cœur de chacun des spectateurs.
Je voulais mettre en avant le doudouk dans le spectacle, créant ainsi une ambiance émouvante dès l’ouverture. Ensuite, j’ai sollicité plusieurs artistes, sélectionnés selon des critères tels que la qualité, le professionnalisme, la générosité, la notoriété et, surtout, leur capacité à transmettre des émotions profondes. Ces artistes ont adhéré avec enthousiasme à la cause, ce qui a été une source de motivation supplémentaire pour tout le travail accompli.
Heureusement, ma fille a été mon alliée précieuse dans cette aventure, gérant l’aspect technique et logistique pour assurer la fluidité du spectacle en collaboration avec l’équipe technique de l’Espace Carpeaux. Elle s’occupe également de l’organisation d’une sortie de spectacle agréable en partenariat avec le traiteur Azad.
L’idée d’organiser un colloque en amont est venue du désir de donner à Santé Arménie l’opportunité d’expliquer pourquoi cette levée de fonds est cruciale. Plutôt que d’interrompre la magie du spectacle, nous avons opté pour un événement distinct de deux heures dans la mezzanine de l’Espace Carpeaux, où des personnalités de divers horizons interviendront pour présenter la mission de Santé Arménie et l’importance de créer une chaire de psychiatrie infanto-juvénile en Arménie. Tous les bénéfices récoltés seront affectés à cette cause essentielle.
Tout au long de cette aventure, j’ai été entourée de personnes formidables. Ma fille a été ma partenaire la plus précieuse, et je lui suis reconnaissante pour sa collaboration. C’est également elle qui prépare une sortie de spectacle particulièrement agréable avec le traiteur Azad (une sorte de quatrième événement dans la journée…).
Catherine Mouradian a effectué un travail remarquable en établissant des dossiers e pour convaincre des entreprises de nous soutenir. Les artistes et intervenants, ainsi que l’équipe de Santé Arménie, ont été d’une disponibilité et d’une énergie remarquables, soutenant pleinement cette initiative. Je suis également reconnaissante envers toutes les personnes qui se sont proposées pour aider, de près ou de loin, dans la réalisation de ce projet.
Mon rôle consiste donc à concevoir, travailler et déléguer, mais surtout à assumer la responsabilité de faire de ce gala caritatif un événement qui réunira la musique, l’amour et l’espoir pour de jeunes âmes meurtries. Chaque pas compte sur ce chemin, et je suis déterminée à faire de cette journée un moment magique et inoubliable, au service de la générosité et de la solidarité envers ceux qui ont besoin de notre soutien.

NAM : Parlez-nous du déroulé de la manifestation et notamment de la partie artistique qui vous concerne au premier chef.
E.A. :
Je voulais de la diversité artistique qui combine tradition et modernité. Au départ, je me disais qu’il serait simple de prendre des noms « bankable », ce qui rend très facile le remplissage de la salle. Et puis j’ai renoncé parce que c’est trop facile et trop difficile à la fois.
J’avais un autre problème qui est le temps limité d’un spectacle et le respect dû aux artistes qui y participent si généreusement. Comment leur dire « vous jouer 5 minutes et vous partez » ! Et quels artistes !
Prenez Levon Minassian, ce magicien de doudouk qu’on appelle aussi l’âme de l’Arménie ! Il vient de Marseille avec son fidèle pianiste, Serge Arribas et ils vont nous offrir des moments absolument extraordinaires, dont l’ouverture…

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Il était impensable d’organiser une telle soirée sans le quatuor à cordes Akhtamar, que je suis depuis sa création en 2012. Magnifique ensemble, actuellement basé en Belgique, qui nous fait fondre sous puissant et élégant et qui ne manque jamais de signer chaque concert avec les miniatures de Komitas.

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Je voulais un moment vocal et ce sera avec la chorale Troup’Adour qui viendra clôturer la première partie. Cet ensemble a de particulier qu’aucun des chanteurs n’est arménien mais que tous chantent parfaitement dans cette langue ! Ceci, grâce à son chef de chœur, Onnick Adourian.

Le jazz sera à l’honneur avec le contrebassiste Pierre Boussaguet qui forme un binôme avec le fameux pianiste Giovanni Mirabassi. Pierre Boussaguet m’a dit « Madame, tous les ans j’offre un concert pour les Arméniens et, cette année, je veux que ce soit vous » ! Cette escale qu’ils nous offrent sur la scène de l’espace Carpeaux avec des créations pour l’occasion est exceptionnelle !

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Nous entendrons aussi le pianiste Ingmar Lazar qui jouera des œuvres bien en cohérence avec le thème de cette journée et qui invite le violoniste Jean Samuel BEZ pour un duo qui me touche très particulièrement.

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Quant au final, il sera assuré par le Ballet Yeraz. Un seul mot : époustouflant !

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NAM : Si vous deviez définir votre musique en quatre mots, lesquels seraient-ils ?
E.A. :

* Difficile !
* Émotion : oui, le premier mot serait émotion : je veux pouvoir y reconnaître les émotions qui m’ont amené à créer chacune de mes partitions.
* Mélodie : la plus grande émotion que j’ai eue se produisit quand j’ai entendu quelqu’un chanter une de mes œuvres dans un couloir. Effet spectaculaire et adrénaline ! Car chanter, c’est ce reconnaître et se projeter.
* Personnalité : ma personne s’est certainement modifiée au cours des ans mais je veux pouvoir y reconnaître « ma patte ». Le compagnon d’une de mes amies entendait de la musique à la radio et lui demanda « ce ne serait pas du Eugénie ? Ça lui ressemble ! ». Inutile de dire à quel point j’ai pu être touchée.

Concision : je suis fan de miniatures ne trouve pas toujours nécessaire de développer, ce qu’on reproche parfois ! Je préfère m’entendre dire que c’est trop court plutôt que c’est trop long… ce qui ne m’a pas empêché d’avoir écrit un opéra, un concerto pour piano ou une symphonie !
En recevant les programmes détaillés, je me suis aperçue que j’étais au répertoire ! J’ai réfléchi et ai fini par accepter en m’engageant à reverser les droits d’auteur à Santé Arménie. Symbolique mais…

NAM :Diriez-vous que la musique classique a un rôle particulier aujourd’hui dans un monde de chaos ? Et si oui, lequel.
E.A. :
Je vais vous répondre sur le mode miniaturiste : oui pour la première partie. Pour la seconde partie de votre question, il faudrait que je cite énormément de livres, articles, recherches en neurosciences.
Je vais donc encore relater ma propre expérience, au risque de faire preuve d’égocentrisme, mais je suis certaine que beaucoup de lecteurs pédagogues se reconnaîtront en elle.
J’ai donné officiellement mes premiers cours quand ma mère, Aïda Alécian, a créé Le Jardin De Musique en 1967. Son credo était la pédagogie de groupes et elle a effectivement créé la pédagogie de groupes adaptée au piano ! J’ai été nommée professeur en conservatoire municipal en 1974. Et j’y ai reproduit le modèle pédagogique dans lequel j’avais évolué. Dans les principes fondamentaux et fondateurs du Jardin De Musique il y avait cette phrase : « émulation et non compétition ». Ce qu’elle abattit relève plus de la philosophique de la « méthode » dans le sens traditionnel Je vous laisse imaginer ce que ça pouvait donner dans un conservatoire, encore aujourd’hui d’ailleurs.
Si, logiquement, j’ai donné ma démission en 1980 pour rester fidèle à moi-même et à cette philosophie, j’ai eu le temps de construire des relations humaines musicales et durables avec mes élèves.
Encore aujourd’hui, je reçois des messages de certains de ces très anciens élèves qui évoquent comment la musique a façonné leurs vies. Il y a eu certainement des petits ratés mais, c’est la vie et j’en ai tiré les conséquences !

Aujourd’hui encore, ma fille me dit qu’untel ou untel s’est inscrit au Jardin De Musique, qu’elle dirige depuis 2012, en se référant à moi ou même à ma mère. Ça fait un peu drôle quand on commence à avoir les enfants de ses élèves comme élèves, mais quand on en arrive aux petits-enfants, c’est formidable !
Je n’enseigne plus aux enfants, à la suite de problèmes de santé et ne travaille qu’avec des adultes amateurs. Amateurs dans le sens « qui aiment ». J’ai toujours aimé travailler avec des adultes amateurs en éprouvant un sentiment d’admiration extraordinaire pour leur courage, leur remise en question permanente, leur curiosité, leur recherche de beauté, de sérénité et de paix. Permanence d’un certain bonheur.
Si je veux être très audacieuse, je dirais que la musique façonne celui qui la reçoit à son image. Mais ce n’est pas l’affaire de quelques minutes…

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NAM : On vous connaît pour votre travail pédagogique mais aussi pour vos œuvres musicales ! Quels sont vos plus grands succès ?
E.A. :
Là, il me faut rester sobre car je ne saurais pas définir la notion de « succès ». Même si je suis comme tout artiste à la recherche de certaine reconnaissance, je n’y songe pas du tout quand j’écris.
Mon plus gros défi a été très certainement la création de à A à Z de mon opéra de chambre « l’Amazone » sur un texte et en coopération totale avec le merveilleux auteur de théâtre, Jean-Jacques Varoujan. C’était d’ailleurs une commande de la ville de Courbevoie et la création a eu lieu à L’Espace Carpeaux en 2002 et l’œuvre a tourné jusqu’en Arménie (2003). Cette aventure qui avait débuté sur un coup de colère en 1999 mériterait d’être contée sur une scène de théâtre ! Du tragi-comique ! Mais si on me demande de recommencer, j’hésiterai certainement.
Plus récemment a été créé « Un Quatuor Arménien ». Je suis extrêmement attachée à cette œuvre qui continue à tourner dans les salles et à être diffusé sur les ondes grâce au quatuor Akhtamar auquel j’ai dédié l’œuvre. Étonnante expérience que de prendre une distance bienheureuse me permettant de l’écouter « détachée de moi-même » et en toute sérénité. Cette œuvre a été enregistrée par le quatuor avec les miniatures de Komitas/Aslamazyan sous le label Cyprès et j’en suis vraiment fière, fierté bien naturelle, je crois.
Dans ce que je pourrais classer dans les succès, il y a mes « Musigraphies », écrites au retour de premier voyage en Arménie, en 1992 à l’aube de l’indépendance. Je ne sais pas prendre de photos et c’était ma manière de garder et raconter des souvenirs. C’est écrit pour piano à 4 mains et ma préférée très certainement « Spitak », pour traduire la découverte bouleversante que j’en avais faite au début de mon voyage. Télémaque Khavessian a publié son enregistrement sous le label DOM en 2000 dans une interprétation d’Armen Babakhanian qui m’émeut encore aujourd’hui.

NAM : Avez-vous d’autres projets artistiques ou/et en relation avec l’Arménie ?
E.A. :
Je vous répondrai si je survis au gala……

Propos recueillis par Lena Ichkhan

Naïri
Author: Naïri

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