Le président turc Erdogan et le premier ministre arménien Pachinian se parlent assez rarement pour qu’un entretien téléphonique fasse figure d’événement. Surtout sur fond de tensions accrues entre l’Arménie et le principal allié de la Turquie dans la région, l’Azerbaïdjan, tensions qui ont été exacerbées par la nomination d’un nouveau président au Haut Karabagh arménien, en remplacement d’Araik Harioutiounian. La Turquie n’avait pas manqué d’exprimer son indignation, se faisant l’écho de son allié azéri, qui dénonçait une mesure qui ne peut que nuire au processus de paix arméno-azéri, et avait fait savoir qu’elle en parlerait à qui de droit, à savoir le leader arménien. Rendez-vous téléphonique entre Pachinian et Erdogan fut donc pris pour le lundi 11 septembre. Mais les comptes-rendus très similaires de l’entretien, de part et d’autres, sont pour le moins évasifs, les services de presse de chacune des deux parties se contentant de souligner un accord commun sur le fait qu’une paix durable et la stabilité « contribueront au développement et à la prospérité de tous les pays de la région ”. Les deux dirigeants se seraient engagés à “continuer les efforts diplomatiques dans cette direction”, précisent les communiqués, sans fournir d’autres détails. La veille, Erdogan avait critiqué les “ actions de l’Arménie au Karabagh”, en annonçant son intention de parler avec Pachinian. Il faisait référence à l’élection, ce weekend, du nouveau président du Karabagh, condamnée à Bakou et à Ankara. Erdogan en avait parlé expressément avec son homologue azéri Ilham Aliyev dans un entretien téléphonique samedi, nettement moins médiatisé tant les contacts sont étroits et réguliers entre les deux leaders. Avec ces conversations avec les leaders des deux pays ennemis du Sud Caucase qui interviennent sur fond de tensions accrues faisant craindre une nouvelle guerre, Erdogan entend se poser en médiateur, même s’il est partie aux côtés de Bakou. Erevan avait indiqué la semaine dernière que l’armée azérie massait des troupes et des équipements le long de la “ligne de contact” autour du Karabagh et de la frontière arméno-azérie, qui pourraient être les préparatifs d’une nouvelle offensive militaire. De son côté, Bakou faisait état de “ provocations militaires ” croissantes des Arméniens, Erdogan en écho, dénonçant au début du mois les mesures “provocatives” de Erevan. Le chef de l’armée de l’Azerbaïdjan, le général Kerim Valiyev, est arrivé dimanche en Turquie où il devait rencontrer les responsables militaires turcs pour de nouvelles discussions, visant à resserrer des liens militaires déjà étroits, comme l’avait montré la contribution de l’armée turque à la victoire militaire de l’Azerbaïdjan dans la guerre du Karabagh de l’automne 2020. Pachinian de son côté, avait proposé la tenue de discussions “urgentes” avec Aliyev lors d’un appel téléphonique ce weekend avec le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken et les leaders d’Allemagne, de France et d’Iran. On ne sait pas s’il a cherché à joindre aussi le président russe Vladimir Poutine.
