L’Europe s’active pour organiser un sommet arméno-azéri, malgré les réticences de Bakou

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Loin d’être découragé par les multiples rebuffades du président azerbaïdjanais Ilham Aliev, qui a mis un frein au processus de paix engagé entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan sous l’égide de l’Union européenne, le président du Conseil européen Charles Michel serait « toujours disposé à organiser une rencontre à Bruxelles des leaders de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan aussi vite que possible ». C’est ce qu’a fait savoir Toivo Klaar, le représentant spécial de l’Union européenne pour le Sud Caucase et la crise en Géorgie, dans une interview accordée à l’agence de presse officielle d’Arménie, Armenpress, diffusée le lundi 20 novembre. “Pour nous, la priorité est d’avoir un accord entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Et le lieu où il sera finalement signé nous semble bien moins important que le fait qu’il y ait une réelle normalisation entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan”, a ajouté le diplomate européen. Mais on doute qu’il souhaiterait voir un tel accord se conclure à Moscou ou à Téhéran, qui accueillait au début du mois une réunion des ministres des affaires étrangères de la région sur le format 3 + 3 (Russie, Turquie et Iran d’une part, Arménie, Azerbaïdjan Géorgie d’autre part) à laquelle seule la Géorgie n’avait pas pris part. L’affirmation du diplomate européen semble s’adapter à l’humeur bien changeante du président azerbaïdjanais Ilham Aliev qui, fort de sa victoire militaire sur les Arméniens qui lui a permis de récupérer le Haut-Karabagh, avec le soutien plus ou moins direct de son allié turc, est convaincu d’avoir toutes les cartes en main et de pouvoir dicter l’agenda de négociations de paix avec l’Arménie dont il semble moins désireux de confier l’arbitrage aux Occidentaux. Piqué au vif par des déclarations jugées trop arménophiles de la diplomatie américaine, Aliev vient en effet de faire savoir qu’il se retirait du format de négociations de Washington, tout en se disant toujours disposé à poursuivre les négociations avec l’Arménie sur le format européen, dans le cadre de discussions entamées depuis près de deux ans et qui étaient sur le point d’aboutir. Mais à Bruxelles aussi, le président azéri se fait désirer. Il devait rencontrer le 5 octobre le premier ministre arménien Nikol Pachinian en marge du sommet européen de Grenade où le leader arménien espérait pouvoir signer un texte qui fixerait les principes fondamentaux d’un plan de paix arméno-azéri. Jugeant le climat européen trop favorable aux Arméniens, le président azéri avait annulé sa visite en Espagne à la dernière minute, en signe de protestation contre les critiques dont il a fait l’objet, de la part de la France notamment, pour avoir « réglé » la question du Karabagh en provoquant l’exode de sa population arménienne après une offensive militaire éclair les 19 et 20 septembre. Tout en donnant des gages de coopération à la Russie, l’Azerbaïdjan, à qui son allié turc a bien appris comment jouer sur les deux tableaux, russe et occidental, a continué à trainer des pieds pour s’asseoir à la table de négociations européennes, exerçant donc un chantage manifeste sur C.Michel, à qui il adressait une fin de non-recevoir pour une autre rencontre trilatérale sous l’égide de l’UE prévue à Bruxelles fin octobre. Plus récemment, l’Azerbaïdjan avait refusé de prendre part à une rencontre avec l’Arménie au niveau des ministres des affaires étrangères à Washington en invoquant, on l’a vu, des propos prétendument “partiaux” d’un haut responsable américain qui avait eu l’audace d’évoquer le sort des Arméniens du Karabagh. La rencontre aurait dû avoir lieu le 20 novembre. Le ministère azerbaïdjanais des affaires étrangères avait en conséquence annoncé ce weekend que le format de Washington n’était “plus acceptable pour Bakou dans les négociations avec Erevan”, tout en signalant qu’il restait ouvert pour une possible continuation des pourparlers à Bruxelles sous la médiation de l’UE ». De son côté, Klaar a fait savoir que Bruxelles avait été “déçue” par la décision d’ Aliev’ de ne pas venir à Grenade, d’autant que “nous pensions qu’il constituait une importante occasion et un assez important forum pour envoyer des messages forts ”. “Le président Michel est toujours prêt et aspire toujours à organiser une rencontre des leaders à Bruxelles sitôt qu’une opportunité se présentera… Les dates sont sans doute importantes. Mais la chose la plus importante en ce moment est d’avancer et c’est ce sur quoi nous nous concentrons, en cherchant à encourager un mouvement dynamique vers une normalisation sincère des relations”, a déclaré l’envoyé spécial de l’UE. En Arménie, dans le même temps, un haut responsable du groupe parlementaire du parti Contrat civil de Pachinian indiquait lundi que Erevan n’estimait pas que le processus de négociations était dans l’impasse malgré les trois rendez-vous manqués en deux mois dus à la défection de l’Azerbaïdjan. “Certes, ils ont refusé de participer aux négociations, mais cela ne signifie pas que le processus soit à l’arrêt. D’un autre côté, ils ont des relations séparées avec différentes sphères dans le monde, et ces relations aussi ont un impact sur nos relations. Et leurs relations avec ces sphères n’ont pas cessé”, a indiqué Arman Yeghoyan, le chef de la Commission du Parlement arménien sur les questions relatives à l’intégration européenne », cité par le Service arménien de RFE/RL. Le blocage des négociations sous l’égide de Bruxelles est finalement la rançon de l’ambiguïté des Européens face au régime dictatorial d’Aliev qu’ils ont courtisé, pour son gaz, qui valait au président azéri d’être désigné comme un « partenaire fiable » par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen lors de sa visite à Bakou de juillet 2022, mais aussi dans le cadre de la confrontation avec la Russie, qu’ils s’emploient à isoler depuis la guerre qu’elle a lancée contre l’Ukraine en février 2022. Les Occidentaux, et au premier chef les Européens, avaient pris en mains le processus de négociations arméno-azéries arbitré jusque-là par la Russie, mais ils ne pouvaient décidément pas le poursuivre en passant outre le « nettoyage ethnique » opéré par Aliev au Haut-Karabagh fin septembre. L’expulsion manu militari par Bakou des Arméniens du Karabagh a montré les limites d’une médiation européenne qui n’a pu l’empêcher et qui voit Aliev lui tourner le dos et se tourner vers les Russes quand les Européens osent dénoncer sa brutalité. Dans ces conditions, il y a de quoi s’inquiéter quand les Européens poussent l’Arménie, encore sous le choc du drame national subi au Karabagh, sur la voie la plus rapide d’un traité de paix avec un Azerbaïdjan qui se croit le maître du jeu et la menace ouvertement… et quand les Arméniens se félicitent qu’un tel traité soit en mesure d’être conclu dans un proche avenir, tel le président du Parlement arménien, Alen Simonian, un proche de Pachinian, qui évoquait dernièrement la nécessité de saisir « l’opportunité historique » d’un tel traité… A croire que c’est à la disparition du Karabagh arménien que l’on doit cette « opportunité historique » à saisir !

Garo Ulubeyan
Author: Garo Ulubeyan

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