Devoir d’arménité. Devoir d’humanité

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1)
La terre s’hérite. Puis se mérite… Ou elle se pleure. Éternellement… Les Arméniens pleurent. (Et pourtant, ils ne l’ont pas mérité). Certains pleurent quand d’autres parlent. Or, oui, pleurer et parler, il ne reste plus que cela aux Arméniens. Parler autant que pour faire parler. Depuis la reddition du Karabagh, la sidération ne leur a pas coupé la parole ni séché les larmes. Que faire sinon à dire qu’il y a encore quelque chose à faire ? Et donc encore à parler ?

Mais non justement, diront certains ! Ceux-là mêmes qui font avec ce qui reste et qui résistent. Ceux-là feront toujours. On vous détruit ! Qu’à cela ne tienne, ils reconstruisent ailleurs. Ils appellent ça la résilience. Et loin de moi l’idée de blâmer leur obsession restauratrice. Admirables sont les humbles qu’on a humiliés et qui gravissent encore leur montagne de deuil au risque de glisser, une fois, deux fois… Qu’importe, ce sont les fourmis de la nation arménienne qui refont le nid quand l’injustice des hommes a donné un grand coup de botte dedans. Et Dieu sait si l’histoire a souvent frappé les Arméniens ! Même quand ils ne le méritaient pas.

Certes. Mais réparer seul est-ce encore résister ? La solidarité réparatrice suffit-elle à consoler de cela même qui ne se répare pas. L’intime dévastation qui fait suite à une défaite. N’est-il pas temps de passer de l’offense subie à l’offensive ciblée ?

2)
La tragédie morale qui vient de s’abattre sur les Arméniens est d’autant plus injuste et surtout sordide que leur légitimité historique à vivre sur leurs terres séculaires leur a été brutalement retirée par un homme dont la légitimité politique est connue pour avoir été manifestement frauduleuse. Et pour ajouter l’ignominie à l’ignominie, celui-ci étant de surcroît, qualifié de « fiable » par Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission européenne. Sachant que notre dictateur bien-aimé a l’art de rendre coupable l’innocent qui a le malheur d’être sa victime. Sachant aussi que la violence est le dernier recours des hommes inaptes à la raison. Un fauve contre 120.000 personnes. Un manipulateur contre tout un pays, contre toute une diaspora figée dans le cauchemar d’une aberration. Mais surtout un voyou clanique et cynique à l’origine d’une « brutalisation des relations internationales » (Le Monde, éditorial du 11 décembre 2023). Promoteur d’une aberration du droit international qui s’exerce non seulement contre le droit du sol, mais aussi contre le droit au bonheur de vivre là où on a toujours été.

Et donc aberration qui loin de ne concerner que les Arméniens défaits pour avoir sauvegardé leur esprit réfractaire à tout embrigadement, atteint aussi les Azerbaïdjanais eux-mêmes. Beaucoup d’entre eux sont d’autant plus vaincus qu’ils restent convaincus des « idéaux de haine » que leur « président » s’est longuement et patiemment employé à faire régner en phagocytant leur libre arbitre. C’est que tout tyran n’a d’autre principe idéologique que de remplacer la conscience personnelle de chacun par sa propre conscience des choses. Or, plus l’opprimé accepte son oppression, plus l’oppresseur l’oppresse. Cet homme qui se place au-dessus des hommes et des lois, de toute morale internationale, se donne tous les droits, comme le droit à la brutalité, ou celui d’aller à contre-courant des principes modernes du juste et du vrai, du raisonnable et du respectable. Un homme qui se sert des hommes pour qu’ils se mettent au service de ses lubies. Jusqu’à ce que mort s’ensuive. En face, tout un peuple pour lequel chaque homme est une personne à part entière, précieuse, unique et originale. Les Arméniens. Paradoxalement, là est leur richesse mais aussi leur faiblesse, dans cette forme d’humanité qui répugne à promouvoir toute force mâtinée de mépris fanatisé. (Même si, loin d’être des saints, « l’humanité » des Arméniens, qu’ils soient d’Arménie ou de la diaspora, peut se lire, ici ou là, dans certaines pratiques de corruption, feutrées ou ouvertes, ou d’ostracisme, dans une autosatisfaction et un ethnocentrisme qui les mettent au principe de tout. « L’orgueil est le consolateur des faibles », disait Vauvenargues. Autant de maladies nationales qui nous minent et qui jouent probablement un rôle non négligeable dans l’avortement de nos ambitions.

3)
La haine que l’autocrate Aliev voue aux Arméniens est d’autant plus criante qu’il craint que la tentation démocratique ne finisse par gagner son pays et ne donne des idées aux ethnies qui le composent. En vérité, cette haine n’est autre que le signe d’un sentiment d’infériorité, dans l’ordre de la culture comme dans celui de la politique. On s’acharne à détruire les monuments qui témoignent d’une véritable civilisation comme on cherche à démontrer la supériorité de l’autocratie sur les carences des principes républicains.
C’est dire combien l’Arménie, prise en étau par des régimes absolutistes forts (Russie, Azerbaïdjan, Turquie, Iran) doit chaque jour réinventer sa démocratie tant ces pays où règne l’arbitraire craignent chaque jour que les esprits ne soient contaminés par des rêves d’égalitarisme politique. Car, aux yeux des dissidents étrangers, l’Arménie reste un îlot d’humanité où il fait bon vivre et où parler librement est encore possible. S’il en fallait une preuve, il suffirait de mentionner tous ces Russes qui refusent la guerre et qui sont venus se réfugier en terre arménienne plutôt qu’en Turquie, en Azerbaïdjan ou en Iran. L’Arménie est un pays attractif, quand d’autres n’inspirent que la répulsion.

De fait, les principes démocratiques, tout faillibles qu’ils paraissent, hantent infailliblement le citoyen quel qu’il soit et où qu’il vive, comme si l’aspiration à la justice et à l’égalité permettait une relative santé mentale autant qu’une forme de paix intérieure. Qu’ils le veuillent ou non, les dictateurs sont d’autant plus archaïques que leurs excès finissent par montrer les défauts de leur cuirasse et annoncer des renversements qu’ils avaient jusque-là jugulés. C’est dire et prédire que la roue tourne toujours en faveur des réveils démocratiques et que tôt ou tard les peuples aujourd’hui sous le joug de la tyrannie se convertiront au bonheur d’être ensemble responsables de leur destin. C’est qu’il n’est de croyance plus intime, plus puissante et plus « naturelle », au-delà de toute religion dogmatique, que l’espérance en une justice sociale, respectueuse des droits et des convictions de chacun. Sachant qu’une religion imposée n’a aucune chance de s’épanouir dès lors qu’elle récuse le droit de la choisir. On voit déjà comme en Iran, comment la lassitude fait révolte et comment les esprits avancés aspirent à vivre selon d’autres codes que les lois religieuses. Même espérance en Russie et ici ou là en Turquie.

4)
Cela étant, la situation géopolitique de l’Arménie l’expose à toutes sortes de menaces destinées à l’affaiblir, la déstabiliser ou même la faire disparaître à plus ou moins long terme. À plus d’un titre, la voici devenue comme une rareté. Sorte joyau du Caucase qui mérite d’être préservé, soutenu, défendu. Par qui, me demanderez-vous ? D’abord par les Arméniens eux-mêmes, de quelque lieu qu’ils soient. Plutôt qu’à quémander des soutiens physiques, en hommes ou autres, à tel ou tel pays et qui ne viendront pas sinon pour la forme, c’est aux Arméniens qu’incombe le devoir de mériter leur terre. S’il est une leçon qu’il convient de retenir en relation avec ces dernières années de défaite et d’humiliation, c’est bien celle de convertir la société arménienne autant que la diaspora à l’esprit d’auto-défense et de mobilisation. N’est-ce pas la sauvegarde active de leur territoire et de leur démocratie qui pourrait seule rendre aux Arméniens cette paix intime qu’ils ont perdue. Car mieux vaut une démocratie adolescente, balbutiante avec Pachinian, et même une parole politique qui fluctue forcément au gré des intérêts vitaux de la nation arménienne mais qui garde le cap, qu’une démocratie autoritaire ou colonisée par des voisins démoniaques.
Il n’y a pas d’autre résilience qu’une résistance solide et solidaire contre les jalousies et les convoitises de nos agresseurs. La résilience, même si elle est nécessaire, ne fait que réparer les dégâts provoqués par l’imprévoyance quand la situation était critique. Or l’esprit de résistance consiste justement à envisager toujours le pire et à se préparer toujours au pire. Et l’esprit de solidarité aussi bien à soulager le plus démuni qu’à faire corps avec les siens dans l’adversité. Conjointement à la réparation des murs, des corps et des âmes, la priorité reste la préservation à tout prix de l’espace arménien partout où la liberté est en péril. Si l’un ou l’autre se perdent, la résilience n’a plus de sens. De fait, les « résilients » n’ont pas empêché nos défaites. Leur rôle n’aura pas permis d’échapper à la déroute.

5)
Or, l’un des mythes qui minent notre culture, c’est de croire au partage d’une grande fraternité. Les expressions « Aghper djan ! Tsavet danem ! » ou autres, sont les signes de nos hypocrisies tant elles masquent souvent de sournoises tentatives d’exploitation. À telle enseigne qu’un jour j’ai osé me demander si les Arméniens aimaient vraiment les Arméniens. À l’évidence non ! C’est qu’à une pratique réelle de fraternité, les Arméniens préfèrent trop souvent le sens unique de leurs intérêts particuliers, le dogme de leurs lubies partisanes, leur nostalgie d’une mémoire héroïque dépassée. Les inconditionnels de l’arménolâtrie sont à ce point aveuglés par la suffisance qu’il leur est devenu impossible d’admettre leur appartenance à un peuple, « première nation chrétienne » s’il vous plaît, qui n’est dans le fond qu’un peuple suicidaire, fût-il marqué ici ou là de personnalités exceptionnelles incarnant des valeurs combat et de probité, du genre Antranik, Manouchian ou Monté. Les oligarques qui ont servi leurs intérêts plutôt que le peuple pendant trente ans ont fait la catastrophe qui nous accable tous d’aujourd’hui. Même si l’amoralisme est de tous les pays et de tous les régimes, la corruption en démocratie s’avère plus dommageable que celle d’une dictature. On a beau dire, mais les vices politiques d’Aliev se sont montrés plus efficients que les chamailleries et les turpitudes arméniennes. La corruption tyrannique aura gagné la guerre et la corruption démocratique l’aura perdue. C’est que le dictateur parle d’une seule voix, là où la démocratie s’englue dans les droits à respecter et les urgences à affronter.
En temps de crise ou de guerre, l’individualisme conduit forcément à la défaite dans la mesure où il ruine la solidité mentale de la nation. Les actes qui vont s’accumulant à l’encontre du bien national produisent forcément un effet d’affaiblissement collectif. Ainsi donc, les défaites récentes mériteraient-elles probablement d’être aussi considérées comme la faillite d’un principe unitaire au regard de l’essentiel, à savoir la préservation de notre territoire et de notre démocratie. C’est oublier que « l’ensemble est plus fort que ses éléments » comme le dit le poète Rémy Prin. Ainsi iront les choses tant que les Arméniens n’auront pas compris que le culte d’une solidarité citoyenne à tous les niveaux, politique ou interpersonnelle, constitue avant tout une arme de combat.
Quand un général arménien nourrit ses animaux exotiques avec des rations destinées aux soldats, il fabrique de la défaite. Quand un éditeur arménien paye (quand il le fait) avec seulement quatre exemplaires le travail d’un traducteur arménien, il détourne tout traducteur potentiel susceptible d’enrichir notre culture. Quand les institutions de la culture arménienne, formelles ou informelles, ostracisent les rares intellectuels critiques au profit des plus consensuels, elles travaillent à contre-courant de leur vocation et produisent de l’aveuglement sur nos propres déficits de réalisme et de lucidité. Quand la langue arménienne enseignée dans nos écoles est plus une langue de nostalgie qu’une langue d’usage, elle se destine, à plus ou moins long terme, à tomber dans l’oubli. Quand notre Église, la plus ancienne qui soit, n’a, à l’évidence, pas suffisamment compris les bases de l’altruisme évangélique pour les enseigner ou se donner en exemple, elle trahit le dynamisme solidaire dont la nation a un besoin criant. C’est ainsi que cette vieille nation chrétienne a réussi à humilier les réfugiés de l’Artsakh qui, après avoir enduré la double peine du blocus et de l’exode, ont eu à subir, de la part de leurs « frères » pétris de compassion, des loyers plus élevés ou des médicaments au marché noir si coûteux que l’impossibilité de les acquérir mettait leur vie en danger. Sans parler des problèmes de citoyenneté (Voir Harout Sassounian, Armenews, 12 décembre 2023). Ces quelques exemples suffisent à démontrer qu’est sensible et visible aujourd’hui le fait que les Arméniens, loin d’incarner on ne sait quelles « valeurs » qui leur seraient propres, comme le proclament certains fadas de la chose arménienne, n’ont à offrir aux hommes que leur humanité, ni bonne ni mauvaise, que des siècles de christianisation ne sont encore arrivés à transformer ni en fraternité ni en charité.

6)
« L’Arménie est ma punition ! » Qu’il est triste ce mot dans la bouche d’un réfugié de l’Artsakh ! Né des humiliations que des salauds lui font subir en raison de son impuissance à sauver son père gravement malade et à préserver sa famille. Ce cri du cœur, combien d’Arméniens ne l’ont pas entendu en eux, sous une forme ou sous une autre, dès lors qu’ils ont vu leur éclater au visage le mythe d’un aghpéroutyoun venu du fond de l’histoire et qui se résumerait plutôt à une complicité dans les affaires ! Sinon à une intelligence des égoïsmes. Que des Arméniens transforment l’arménité en système de prédation est d’autant plus inacceptable que la victime y voit une forme de racisme interne qui finit par le détourner à jamais du combat collectif actuel. Et pour les réfugiés actuels, à les détourner du pays.

« N’ayez jamais peur d’élever la voix pour l’honnêteté, la vérité et la compassion contre l’injustice, le mensonge et la cupidité. Si les gens du monde entier faisaient cela, cela changerait la terre », écrit William Faulkner.

Si, comme dans toute nation, les salauds sont parmi nous, qui ont l’art de réduire l’essentiel à l’individuel, le génocide en fonds de commerce, la culture arménienne en vision archaïque ou partisane, c’est bien contre eux qu’il faut aussi développer l’esprit de résistance et de solidarité. Il reste probablement aux intellectuels critiques le soin de soutenir l’effort visant à dénoncer les mythes délétères, à laver les esprits de tout passéisme victimaire et à concentrer l’énergie du peuple arménien sur une vision renouvelée de son avenir démocratique au cœur d’un territoire intangible.
Le manque d’authenticité ou de transparence dans nos institutions culturelles comme dans notre pratique de la fraternité produit forcément des mentalités construites sur le factice, qui s’écroulent plus facilement quand l’adversaire souffle dessus. C’est à se demander parfois si les Arméniens ne sont pas gangrenés par des artifices de conscience nationale plutôt qu’habités par la défense du bien commun. C’est qu’ils se reconnaissent beaucoup plus dans les malheurs qu’ils ont appelés que dans les joies qu’ils auraient à édifier sur la force du collectif et sur sa volonté d’avenir.

7)
Si la démocratie s’inscrit d’abord dans un territoire, pour les Arméniens, à l’heure actuelle, il n’y a pas d’autre alternative que celle d’une économie de guerre sur un espace menacé. C’est qu’il y a chez les Arméniens une forme d’aberration qui joue contre eux. Elle consiste à répondre à des urgences d’après-coup alors qu’ils avaient vu venir la menace qui pesait sur « l’essentiel-existentiel ». Urgences de réparation plutôt que de préparation. Sans être dans les arcanes du pouvoir qui multiplie les démarches diplomatiques en oubliant ou pas qu’elles n’ont servi à rien pour intimider l’arrogance de l’ennemi, il semble que l’attitude attentiste des trente dernières années continue de plus belle encore aujourd’hui. La mobilisation des esprits est d’autant moins sensible que l’Arménie donne une impression de ventre mou tandis que l’adversaire multiplie les déclarations bellicistes.
Or, ces toutes dernières années, les Arméniens ont été touchés au plus profond par un tragique de répétition. Ils ignoraient jusque-là que les génocides du passé, loin d’être dépassés, pouvaient resurgir à tout instant, sous une forme suffisamment inédite pour créer du désarroi chez les juristes du droit international. Nous savons aujourd’hui que les ennemis patentés de l’Arménie n’hésiteront pas aller jusqu’au génocide pour faire table rase du droit des peuples autochtones. À savoir de déclarer comme nulle et non avenue la modernité juridique qui vise à protéger et à garantir les droits des gens. Ce qui équivaut à un retour aux façons archaïques d’imposer la volonté d’un seul à la volonté d’un groupe donné.
Jusqu’ici, les Arméniens ont tenu la mémoire du génocide comme une arme de combat limitée à sa reconnaissance. Aujourd’hui, et depuis le cinquantenaire, le monde sait. Mais savoir ne suffit pas si ce savoir ne vaut reconnaissance du crime par le coupable. Y aurait-il, pour les Arméniens, deux façons d’envisager cette reconnaissance : l’une se rapportant à l’arménité, l’autre à l’humanité ? De fait la reconnaissance historique et la condamnation juridique du génocide des Arméniens est le bien commun à toute l’humanité dès lors qu’elles participent à l’avancement de la conscience morale et à la pacification des conflits. Les Arméniens ont le devoir d’être arméniens pour contribuer par leur histoire et leurs revendications à l’humanisation des hommes. Donner une forme de transcendance éthique à la tragédie arménienne de 1915 doit être la vocation de ceux qui n’ont pas « peur d’élever la voix pour l’honnêteté, la vérité et la compassion contre l’injustice, le mensonge et la cupidité ».
Nos jeunes qui cherchent à faire de leur vie une voie qui soit active, droite, juste, tolérante devraient saisir la chance qu’ils ont d’être nés arméniens, plutôt qu’à se diluer dans l’assimilation. Encore faut-il qu’ils en assument la portée historique. Si le génocide de 1915 a été vu jusqu’à présent comme un fardeau de douleurs et d’humiliations, le moment est venu où il peut révéler son potentiel d’humanisation. Ce sont les guerres qui régénèrent le regard des hommes sur eux-mêmes dès lors qu’elles les réveillent du sommeil dogmatique où l’orgueil ethnocentrique les aura englués. Aujourd’hui, en l’état actuel des choses, avec l’évidence d’un possible recommencement du Crime de 1915, les avatars des génocides ont à ce point réveillé les mémoires et suscité de telles indignations dans le monde qu’ils nous ont montré leur capacité à inspirer aux hommes le besoin de produire une humanité respectueuse de tous. Même si la morale évolue plus lentement que les armes. Car si les guerres tuent, vient le moment où les guerres lassent. Et les génocides méritent d’être débusqués partout où la monstruosité fait valoir ses mensonges contre le Droit.

8)
Dès lors, que faire ? Que faire sinon faire des Arméniens un seul homme avec les hommes et les femmes qui la composent dressés contre l’homme qui veut à lui seul la décomposition de l’Arménie ? Aux générations nouvelles de décider si elles préfèrent une nostalgie résignée dans la disparition ou la vie par le combat.
Aujourd’hui, la multiplication des couleuvres exige de contre-attaquer. Quotidiennement harcelés par les bobards du sieur Aliev, les Arméniens donnent l’impression d’être tétanisés. Celui qui les traite de chiens n’a toujours pas entendu des grognements lui répondre. Que nos diplomates fassent le dos rond est d’autant plus compréhensible qu’ils doivent s’en tenir à une éthique conforme aux règles du dialogue. Mais avec un cinglé auto-proclamé président, une riposte identique est à mettre en place.
Autant l’autre fomente ses mauvais coups dans les zones grises d’un clair-obscur où se mêlent déclarations convenues et propos de mauvaise foi, autant les Arméniens se doivent de constituer une armée de l’ombre qui utiliserait tous les moyens à leur disposition pour diffuser largement et au cœur du pays ennemi les vérités historiques et factuelles détournées par la tyrannie. Le but est non seulement de donner à voir le vrai visage du dictateur Aliev, mais aussi de prouver sa malfaisance envers son propre peuple et même d’accompagner les forces démocratiques internes en dénonçant inlassablement son régime archaïque afin de l’isoler sur la scène internationale. Ce qui implique d’agir de même avec ces complaisants cyniques des pays étrangers qui font devant lui des courbettes pour préserver leurs besoins d’hydrocarbures ou qui ferment les yeux au nom d’on ne sait quels intérêts. Guerre de l’information donc en multipliant par cent ce que font déjà certains médias arméniens, mouvements ou personnalités, et en portant la critique au plus haut niveau, dès lors qu’elle est juste et justifiée ?
Pour exemple, la logique des choses voudrait que, pour le moins, les Arméniens du monde entier haussent le ton afin de dénoncer la tenue à Bakou de la 29e conférence de l’ONU sur le changement climatique. L’occasion serait belle de pointer du doigt la honte que constitue un tel projet. Mais aussi de faire comprendre que Bakou ne changera en rien sa politique énergétique pour des lubies écologiques qui iraient à l’encontre des intérêts du clan Aliev.
De même qu’il est inadmissible que les anciens dirigeants de l’Artsakh soient abandonnés aux mains d’une justice aux ordres et soumis à toutes sortes de vexations, sans que la communauté arménienne ne soit partie prenante de leur sort. En ce sens, pourquoi ne pas inviter les mairies de France les plus à la pointe du combat pour les droits de l’homme à parrainer un prisonnier et à le défendre par tous les moyens mis à disposition par le droit international ?
De fait, tout commence par là. Ne pas se laisser faire ! Ne pas laisser dire !
Pour le reste, il revient à ceux qui s’engagent corps et âme de trouver les voies d’une justice retrouvée, qu’il n’est pas approprié d’exposer ici. Tant que les droits des uns et des autres ne seront pas respectés, il n’y aura ni paix ni salut ni sur ces terres ni dans les esprits. Sinon, le cas de l’Artsakh-Karabagh sera appelé à devenir le parangon d’une guerre sans fin.
Denis Donikian

NB: Il se trouve qu’au moment d’écrire ces dernières lignes m’est parvenue une lettre émanant de l’ASSOCIATION DE SOUTIEN À L’ARTSAKH ( 10 rue Degas,75016 Paris. Courriel : soutien.artsakh@outlock.fr) qui évoque, à quelques nuances près et sous une forme plus feutrée, les termes de cet article axés sur la solidarité et la volonté de ne pas accepter la politique du fait accompli. Il reste à chaque Arménien de décider entre le Droit et la violence, entre les valeurs de l’humanité et le recours à la force. Pour moi, ma décision est prise.

La rédaction
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