« À la communauté arménienne de France » : cette dédicace est adressée en entame de l’ouvrage Piqûres de rappel, où l’on suit une affaire criminelle aussi effrayante que singulière dans une bourgade pas aussi paisible que son décor d’un monastère de Dordogne pourrait le laisser paraître… Pourquoi ? L’auteure Agathe Portail nous répond.
Nouvelles d’Arménie Magazine : Pourquoi est-ce qu’il vous tenait à coeur d’intégrer un personnage arménien dans votre nouveau livre ?
Agathe Portail : Les profils de personnages ou les intrigues s’imposent parfois à moi en réponse à des choses qui entrent en résonance. Concernant Naïri, il est probable que trois événements se soient « répondu » au moment où je commençais à réfléchir à ce livre : la mort d’un membre de ma belle-famille dont les parents étaient arméniens, l’instauration d’un jour de commémoration du génocide arménien et la rencontre d’un jeune arménien qui m’a raconté ses souvenirs de la guerre de 1991-1994 et comment il vivait son expatriation, ce mélange de culpabilité d’être parti et de fatalisme. J’ai eu besoin de me documenter pour approfondir la résonance que le génocide avait encore aujourd’hui auprès des jeunes générations.
Nouvelles d’Arménie Magazine : Qu’est-ce qui vous intéresse dans l’identité arménienne ?
Agathe Portail : Le simple nom d’Arménie me semble depuis toujours auréolé de mystère, de beauté. J’imagine des parfums puissants, une terre ocre et des couleurs éclatantes. Je ne sais pas bien pourquoi car cela se fonde sur une simple sonorité et je ne suis jamais allée dans cette zone du monde. Pour préparer mon personnage, j’ai rencontré Monsieur et Madame Nercessian, de l’Association Culturelle Arménienne d’Aquitaine. Je ne m’attendais pas à me sentir aussi impliquée, aussi touchée par leur désir de vivre une « arménité » joyeuse malgré les souffrances qu’ils portent encore. Nous avons parlé et pleuré ensemble, ils m’ont invitée à la messe du Noël arménien à laquelle j’ai été heureuse de participer. Peut-être que notre foi commune est aussi une explication. Ce qui me motive, à travers mes romans, c’est d’aider à faire entendre au grand public pas forcément averti la voix de ceux qui ne font pas beaucoup de bruit alors qu’ils meurent de ne pas être reconnus, entendus.
Nouvelles d’Arménie Magazine : Vous faites même une dédicace « à la communauté arménienne »…
Agathe Portail : Oui, je crois que cela recouvre de nombreuses réalités. La personne de ma famille par exemple ne revendiquait aucunement ses racines arméniennes. Elle était française, assimilée à 200% et a cherché avant tout à transmettre à ses enfants l’amour de la France.
Nouvelles d’Arménie Magazine : L’écriture, la culture, est-ce selon vous un vecteur essentiel pour faire connaître, pour faire vivre, une communauté ?
Agathe Portail : Bien sûr ! je suis persuadée que l’écriture, le livre en général et le roman en particulier aide à se créer un langage riche et donc une pensée nuancée, apte à saisir la complexité de l’Histoire. Notre capacité aujourd’hui à transmettre oralement est devenue limitée, nos mémoires ne sont plus aussi fiables ni aussi malléables je crois. Donc l’écrit et surtout l’écrit papier me semble indispensable. La culture sous toutes ses formes est aussi un vecteur de fierté et d’amour pour son propre peuple, sa propre communauté. Elle crée des « lieux communs » au sens noble, elle étaie le sentiment d’appartenance.
Nouvelles d’Arménie Magazine : Remettre de l’arménité dans votre prochain ouvrage : vous y pensez ? Vous travaillez par ailleurs dans le secteur de la viticulture : connaissez-vous le vin arménien et qu’en pensez-vous ?
Agathe Portail : Rien n’est fermé, peut-être que des rencontres, des voyages m’insuffleront le désir de partager autrement ce que j’ai appris, de l’approfondir à travers une autre histoire. Quant au vin arménien, je reconnais ne jamais en avoir goûté mais cela m’intrigue et me plairait beaucoup. J’attends la réouverture des restaurants pour me rendre enfin dans celui conseillé par Monsieur et Madame Nercessian à Bordeaux !
Propos recueillis par Claire Barbuti
Piqûres de rappel, Agathe Portail, Calmann Lévy, 19,90€.
Résumé : Le major de gendarmerie Dambérailh a été missionné pour remplacer temporairement le chef de la brigade de Montraguil, petite bourgade paisible de Dordogne. Enfin, paisible… On note quelque agitation autour d’une châtaigneraie mise en vente par un monastère voisin et que se disputent un apiculteur et un propriétaire cherchant à étendre un parc photovoltaïque. L’affaire met en émoi l’association des chasseurs qui s’inquiète de voir disparaître un important territoire de chasse.
Pour l’apiculteur, Pascal, et son associé, Hugo, qui ont monté Honey Box, une start-up de vente de miel par abonnement, l’acquisition de la parcelle est vitale pour pérenniser l’affaire et rembourser les dettes accumulées.
Alors que les frères du monastère eux-mêmes montrent des signes de nervosité, une attaque mortelle d’abeilles va plonger Dambérailh dans la perplexité… avant qu’il s’aperçoive qu’il s’est fourré dans un sacré guêpier…
Après le succès de L’Année du gel, Agathe Portail récidive, convoquant avec la verve qui la caractérise une galerie de protagonistes tous plus retors les uns que les autres, pris dans l’écheveau d’une affaire criminelle aussi effrayante que singulière.
