A la mémoire hantée d’un génocide nié

Se Propager

A la mémoire hantée d’un génocide nié

Nurten Aka

Mis en ligne le 14/09/2007

Lalibre.be

Un Turc, un Arménien se confrontent dans un train.
« Papiers d’Arménie… » est une rencontre sur le fil de l’Histoire. Spectacle nuancé d’humour et d’émotions.

Le hasard assassin ou initiatique : quand Levent, un Turc, saute dans le train pour passer une audition au conservatoire de Bruxelles, il a oublié tous ses papiers. Face au contrôleur, qui a la rigidité d’un règlement, une main inconnue se tend. Azad, en route pour la même audition, lui refile sa convocation, histoire de fausser le contrôle… Et voilà le Turc dans l’identité d’un Azad… Bergonian ! Peu importe, si tous les deux sont nés ailleurs, l’un est devenu Belge, l’autre Français. Entre un Turc et un Arménien, il y a un génocide à porter, de génération en génération, que certains nient, là où d’autres sont meurtris. Un deuil coincé.

Sur une trame habilement rocambolesque, la comédienne belge d’origine arménienne Caroline Safarian (lire ci-contre) a écrit « Papiers d’Arménie, sans retour possible », une pièce dense, poétique, juste et sans haine, où le comique de situation s’efface pour donner plusieurs paroles. Elle la donne à la mémoire d’un peuple, meurtri jusqu’à Azad. Elle la donne à un jeune Turc d’ici, avec le droit de ne pas être concerné mais pas de défendre la logique du « massacre en temps de guerre », version officielle de l’Etat turc. Ça ne suffit à personne. Azad porte son histoire, il a besoin que Levent porte la sienne, sans le déni d’une mémoire arménienne qui existe.

Avec une poésie sombre, époustouflante, Caroline Safarian nous offre des récits de massacres avec une dignité métaphorique d’une force inouïe où, sous le soleil turc, les poussières rouges de sang devenaient de véritables rubis. Si le texte est magnifique, la mise en scène de Guy Theunissen le lui rend bien, poussant un peu plus dans la poésie les apparitions de la Mémoire, introduisant de superbes ponctuations chorégraphiques, de corps à corps turco-arméniens imaginés par Edith Depaule.

Sur scène, le spectacle est presque baroque : un décor basé sur d’imposantes traverses de chemins de fer, une lumière intimiste, des bruits de vagues ou de trains, quelques fumigènes, des musiques turques, arméniennes et même un passage d’Aznavour, très music-hall ! Le tout est servi par d’excellents comédiens, avec le physique de l’emploi en prime : Laurent Capelluto (Azad), Gaetano Vanto (Levent), François Sikivie (le contrôleur) et Mathilde Schennen (l’auteure, Ellen, l’exilée de 1915).

Ce « Papiers d’Arménie » est une écriture aboutie et une réussite théâtrale, mais aussi un voyage original en grandes émotions. Un premier du genre – et bienvenu – sur le génocide arménien : près de 1,5 million de morts perpétrés en 1915 sous l’Empire ottoman finissant.

Bruxelles, jusqu’au 27/10, au Théâtre Le Public. 0800.944.44. Web www.theatrelepublic.be

raffi
Author: raffi

La rédaction vous conseille

A lire aussi

Sous la Présidence d’Honneur de M. Nicolas DARAGON, Maire de Valence, Président de l’Agglomération, Vice-Président de La Région, L’UGAB Valence-Agglomération

Le ministère des Affaires étrangères de l’Azerbaïdjan a de nouveau accusé l’Arménie de ne pas avoir fourni de cartes des

Lors de la séance plénière de l’Assemblée nationale de la semaine prochaine, l’opposition parlementaire, les factions « Hayastan » (Arménie)»

a découvrir

Se connecter

S’inscrire

Réinitialiser le mot de passe

Veuillez saisir votre identifiant ou votre adresse e-mail. Un lien permettant de créer un nouveau mot de passe vous sera envoyé par e-mail.

Retour en haut