Après d’âpres négociations entre les trois principaux partis alliés au président Kotcharian qui sont venus en tête des législatives du 12 mai, un accord en vue de la constitution d’un gouvernement de coalition est intervenu le 6 juin, chassant le spectre d’une crise politique qui menaçait d’éclatement le bloc présidentiel. Le dauphin présumé du président Kotcharian pour les présidentielles de 2008, le premier ministre Serge Sarksian, dirigeant du Parti républicain (HHK), grand vainqueur des législatives, a tout d’abord conclu un accord avec Gaguik Tsaroukian, leader du parti Arménie prospère (BHK) et homme d’affaires proche du chef de l’Etat, qui supervisait dans ses bureaux l’alliance conclue entre les deux formations. La coalition ainsi formée a conclu ensuite un accord en vue d’une alliance, ou plutôt d’une coopération, avec la FRA Dachnaktsoutioun, venue en troisième position aux législatives, représentée par le chef de son instance dirigeante, Armen Roustamian. En signant ce document « à deux vitesses », les trois partis s’engagent à mettre en uvre un programme de gouvernement reprenant les propositions des plate formes électorales du HHK et du BHK, dont certaines se retrouvent aussi dans le programme de la FRA. L’accord de coalition et de coopération indique les priorités du nouveau gouvernement, qui entend assurer le développement stable de l’économie, la sécurité, la lutte contre la corruption et le marché parallèle, une meilleure distribution des richesses, l’encouragement à l’exportation, la mise en conformité de la législation avec les amendements constitutionnels, un meilleur équilibre entre les différentes branches du pouvoir et du gouvernement, l’établissement d’une société civile. La signature de ces accords avait été précédée de marchandages sur l’attribution des portefeuilles ministériels et autres postes aux trois partenaires. C’est avec le Parti dachnak que les négociations semblent avoir été les plus tendues, la FRA ayant prévenu à maintes reprises avant le scrutin qu’elle ne se contenterait pas d’un strapontin et qu’elle ne voudrait pas que son rôle se limite à de la figuration, comme elle l’avait déploré durant la précédente législature. L’accord avec le BHK permet au HHK d’exercer une domination écrasante sur le Parlement arménien, dont la nouvelle alliance occupe 90 des 131 sièges, mais le Parti républicain de Serge Sarkissian, fort de ses près de 34% de voix et de ses 65 sièges, se taille néanmoins la part du lion. Le parti de Tsaroukian espère obtenir au moins deux portefeuilles dans le gouvernement de Sarkissian, la santé et le développement urbain. Le partenariat est un peu plus lâche avec le Parti dachnak, qui dispose de 16 sièges dans le nouveau Parlement. Il a dû réviser ses exigences à la baisse, et devait reconduire sa participation dans le gouvernement à l’agriculture, la sécurité sociale et l’éducation. Cette participation au rabais du Parti dachnak lui donne les coudées plus franches pour préparer les échéances électorales à venir : échaudée par sa participation à la précédente coalition, la FRA ne veut plus servir de caution, et a annoncé d’ores et déjà qu’elle ne jouerait le jeu que jusqu’aux élections présidentielles de 2008, auxquelles elle pourrait présenter son propre candidat. Ce parti qui n’a jusqu’à présent jamais ménagé son soutien au président Kotcharian, pourrait ainsi assez vite se heurter aux ambitions présidentielles du premier ministre Serge Sarksissian, engagé de son côté dans une active campagne en vue de se gagner le plus d’alliés possible, ce qui laisse présager de sourdes luttes d’influence au sein de la nouvelle coalition au pouvoir.
