Alliances, Mésalliances et Désalliances

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Lors de mon récent séjour en Arménie j’ai pu constater que le climat était détestable et qu’il ne présageait rien de bon. J’ai assisté dans Erevan à des manifestations provoquant des blocages de rues, se terminant souvent par des confrontations avec la police et des arrestations approuvées par une majorité de la population.

Au contact de l’entourage de mon épouse, j’ai pu sonder l’Arménie profonde, majoritairement pro-Pashinian, considérant que les maux qui accablent le pays ne sont pas dus à nos ennemis mais résultent du problème non résolu de l’Artsakh considéré comme un obstacle à un «vayelel» sans limite (une vie de jouissance sans limite).

Ainsi la masse vit dans l’illusion du miroir aux alouettes de l’Occident, c’est à dire dans un consumérisme, où l’individu est formaté: producteur-consommateur, (formaté jusque dans le paraître des plus conformiste: le look mondialisé).

Cela n’est pas sans me rappeler le roman de Marie-Laure Dougnac: «Le Voyage de Gwendelune», ou la quête d’un sauveur pour le peuple qui croule sous le poids d’une étrange malédiction.
Gwendelune débarque dans la Citadelle-du-Sourire-Sans-Mémoire; là, le passé n’existe plus, les habitants vivent dans le présent permanent, sous le dogme d’un bonheur absolu.
( La Fin de l’Histoire selon Fukuyama en somme )
Mais vers quels abus cet ordre entraîne-t-il le peuple déifié?
Gwendelune doit rouvrir Le Grand Livre de la Désalliance, relier le prince à son passé.

L’Arménie profonde du «peuple déifié» est persuadée comme en Géorgie colonisée voisine, que l’ouverture de la frontière avec la Turquie sera bénéfique au pays avec pour effet de faire baisser les prix des produits de consommation turcs en Arménie.
Cela aux dépens des producteurs et des agriculteurs locaux.
Ainsi j’ai pu constaté que déjà un bon tiers des terres sont en jachère dans la plaine d’Ararat

Dans une récente tribune, Mooshegh Abrahamian, abondait dans ce sens, qui déplorait les ravages des mass-médias à la solde de Soros et de la CIA, diffusant l’ idéologie du culte de la liberté individuelle avec l’empreinte de l’américan way of life.
Le «Meilleur des Mondes» dirigé par «Big Brother» en quelque sorte.
Mais ce « Meilleur des Mondes» dirigé par les USA en déclin, face à l’axe Moscou-Pékin qui remet en cause la suprématie de l’Occident décadent, resta muet lors de l’agression turco-azérie contre l’Arménie à l’automne 2020.

Dans ce nouveau «désordre» mondial illustré par le conflit ukrainien, certains indiquent que le salut viendra de l’Alliance Russe, d’autre préconisent une l’Alliance avec l’Occident, mais tout cela s’avère illusoire.

«Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres» écrivait le penseur marxiste italien Gramsci.

C’est dans le contexte de la confrontation Russie-Occident en Ukraine que l’Arménie, pièce maîtresse au Sud Caucase, devient à son tour l’enjeu de cette confrontation.

Faisant suite au sommet du partenariat oriental à Bruxelles du 15 décembre 2021, où le président du Conseil européen, Charles Michel, a fait des propositions concrètes en vue d’une paix durable au Sud Caucase, en demandant en particulier à l’Arménie, de placer la barre moins haute sur la question du statut du Haut Karabagh, une réunion s’est tenue les 27 et 28 juin 2022, à Kachreti en Géorgie.
Un groupe de 11 experts et faiseurs d’opinion indépendants, arméniens, azerbaïdjanais, et un représentant spécial de l’UE pour le Caucase du Sud, ont participé à cette réunion de LINKS Europe, fondation basée à La Haye au Pays-Bas, dans le cadre du projet «EU4Peace» de l’Union européenne pour un processus de construction de la paix et de la prospérité dans le Caucase du Sud, sous domination occidentale bien sûr.

Trente mesures furent proposées qui préconisent des contacts plus larges entre les personnes, et touchent les domaines de la diplomatie, de la politique, de l’activité économique, de l’éducation, des médias, du patrimoine, de l’humanitaire, des droits de l’homme, de la sécurité et de la géopolitique.

Notons que cette rencontre n’était pas une première, en effet une délégation de l’UE à Erevan conduite par Mme Wiktorin en vue de faire avancer les discussions sur le futur traité de paix régissant les relations interétatiques entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, avait révélé que «Restart Initiative», une organisation soutenue par l’Union européenne dont la mission est de créer des liens pour le développement économique et social en Azerbaïdjan et dans le Caucase du Sud, avait une antenne en Arménie et que les membres de ce groupe avaient participé activement à la «révolution de velours» de 2018 .

Ainsi les suppôts du «grand désordre mondial», rivalisant de zèle défilent en Arménie, et déposent des gerbes au Mémorial, même s’ils n’ont pas reconnu le Génocide :
– le 13 mars 2022, Salomé Zourabichvilli, Présidente de Géorgie.
– le 1er avril 2022, Zbigniew Rau, MAE de Pologne, Président de l’OSCE.
– le 29 avril 2022, Ilia Darchiashvili, Ministre Géorgien des Affaires Etrangères
– le 19 mai 2022, Gitanas Nauseda, Président de Lituanie.
– le 20 mai 2022, Andrea Wiktorin et Lynne Tracey, Ambassadrices de l’UE et des États-Unis au « Forum arménien pour la démocratie » où les représentants de l’opposition n’ont pas été invités .
– le 30 juin 2022, Svenja Schulze, Ministre de la Coopération Economique et du Développement d’Allemagne. Une Allemagne qui offre une aide 116,4 millions d’euros à l’Arménie (largement compensée par les profits sur le marché du cuivre de la Cronimet Mining AG, qui détient 60% de la Zangezur Copper-Molybdenum Combine de Kadjaran).
– le 30 juin 2022, Joel Lion Ambassadeur d’Israël en Arménie.
– le 04 juillet 2022, Damon Wilson, Expert américain en politique étrangère.
– 6 au 8 juillet 2022, John Gallagher, Ambassadeur du Royaume-Uni en Arménie sillonne le Syunik et le Vayots Dzor, en touriste peut être !
– le 13 juillet 2022, Toivo Klaar, Représentant spécial de l’UE, accompagné d’Andrea Wiktorin, Ambassadrice de l’UE en Arménie.
– le 15 juillet 2022, William Burns, Directeur de la CIA reçu par le Premier Ministre Pashinyan.
– le 22 juillet 2022 David McAllister, Président de la Commission des Affaires Etrangères du Parlement Européen

Selon les déclarations d’un fonctionnaire de l’UE du 3 juin 2022, l’Occident et l’Union européenne veulent remplacer la Russie en tant qu’acteur principal dans les négociations de paix entre l’Arménie, la Turquie et l’Azerbaïdjan, devenus avec la guerre en Ukraine des partenaires de l’U.E., leur ouvrant la perspective de s’affranchir de la mainmise de la Russie.
Les USA avec leurs alliés va-t-en-guerre de l’OTAN, (Angleterre, Pologne, Lituanie) font une guerre par procuration contre la Russie à coup de milliards de dollars, en envoyant au casse pipe la jeunesse ukrainienne tombée dans le miroir aux alouettes de la démocratie libérale, dévastant le pays comme en Indochine, en Irak, en Yougoslavie, en Afghanistan, en Syrie et en Libye.
Ces pays mettent également tout en œuvre pour se débarrasser de l’influence russe sur l’Arménie par l’intermédiaire de leurs chevaux de Troie, l’Azerbaïdjan et la Turquie, en soutenant le projet du corridor du Zanguezour qui va permettre à l’OTAN de s’implanter au Sud Caucase et faire la liaison avec tout le monde turc.

La Russie, après la signature de l’accord de cessez le feu, cherche à maintenir son protectorat sur le Karabakh et sa position d’arbitre dans le Caucase du Sud, et elle est prête à tous les compromis pour maintenir le statut quo.
Faut-il rappeler que la Russie, semi complice dans la guerre des 44 jours, est avec Lukoil, un partenaire économique de l’Azerbaïdjan et par son alliance avec la Turquie cherche à attirer ces deux pays turco-tatares, déjà alliés du Pakistan, en Eurasie en les intégrant dans l’O.T.S.C.

Isolée, dans un environnement hostile, l’Arménie doit plus que jamais naviguer entre les deux grandes puissances impériales guidées par leurs seuls intérêts, et choisir des alliances qui sont de fait des mésalliances.

L’avenir du pays est dans l’Union de l’Arménie, de l’Artsakh et de la Diaspora, et l’initiative de Ruben Vardanyan «Apaga Haykakan» (Avenir arménien) en trace la voie. Dans l’Histoire la Division a toujours conduit à la soumission et à la servitude.
Nous devons sortir du statut de victime, nous devons renouer avec notre brillant passé de nation Unie et victorieuse, comme sous les règne de Tigran, d’Achot et de Léon, et cesser de rechercher un sauveur.
Une militarisation de l’Arménie avec un système élaboré dans nos Instituts scientifiques de pointe est indispensable et le peuple, comme en Israël, doit être préparé à la défense du pays dès son plus jeune âge, et resté mobilisé en permanence.

Après les Désalliances nécessaires, c’est vers les pays ayant des liens civilisationnels anciens et des convergences stratégiques constantes avec l’Arménie, tels l’Iran et l’Inde, que l’Arménie doit envisager son avenir.
L’Iran et l’Inde confrontés comme l’Arménie, au pan-touranisme islamiste en Atropène, ainsi qu’au Cachemire, face à un Pakistan qui s’est rangé sans ambiguïté aux côtés d’un Azerbaïdjan qui brandit avec fierté, l’épée de Mehmet, le conquérant de Constantinople.

«L’Union fait la Force», reste plus que jamais, une devise d’actualité, et les autorité arménienne doivent en faire un principe intangible, au lieu de s’affronter avec la Diaspora et l’Artsakh.

La rédaction
Author: La rédaction

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