Après avoir rappelé l’ambassadeur turc aux Etats-Unis en signe de mécontentement hier, le Premier ministre Erdogan a évoqué quelques unes des mesures de rétorsion envisagées si le Congrès américain devait voter la résolution évoquant un « génocide » arménien par les Turcs en 1915, déjà adoptée en commission. Washington temporise.
Avec notre correspondant à Istanbul, Jérome Bastion
Le rappel de l’ambassadeur aux Etats-Unis, Nabi Sensoy, à Ankara pour une dizaine de jours de consultation, n’est que le premier volet d’une série de mesures qu’on pourrait qualifier d’intimidation, du moins jusqu’à ce que le projet de résolution soit proposé au vote.
Parmi ces gestes, il y a par exemple le gel des visites comme celle que devait faire dans les prochains jours le chef de la marine turque à Washington.
Si ensuite le texte est présenté, et surtout adopté, Ankara passerait alors à la vitesse supérieure, comme l’a évoqué hier soir le Premier ministre Erdogan, en ralentissant par exemple la coopération militaire et économique.
La phase ultime, si la résolution entre finalement en vigueur, après promulgation par le président Bush, serait très douloureuse pour les Etats-Unis et leurs activités militaires dans la région : en Irak bien sûr, mais aussi en Afghanistan, et peut-être aussi un jour, en Iran. C’est l’utilisation de la base militaire d’Incirlik qui pourrait leur être retirée, or c’est par là que transite le ravitaillement de leurs forces opérant dans la région.
En attendant, Ankara va très certainement profiter de la crise pour faire la sourde oreille aux mises en garde américaines, et lancer une incursion militaire en Irak du nord, contre la rébellion kurde.
Washington, la Maison Blanche essaie de calmer le jeu
Avec notre correspondante à Washington Donaig Le Du
La secrétaire d’Etat Condoleeza Rice a appelé au téléphone le Premier ministre turc, pour lui faire part de ses regrets, après l’adoption du texte.Le sous-secrétaire d’Etat Nicholas Burns, pour sa part, a expliqué que les leaders turcs comprenaient le principe de la séparation des pouvoirs aux Etats-Unis, et qu’il espérait bien que la réprobation turque en resterait au stade des déclarations.
Mais l’inquiétude est réelle. Certes le texte n’a été voté que par une commission pour le moment, mais la présidente démocrate de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, reste sourde aux arguments de la Maison Blanche, et compte bien présenter la résolution en session plénière dans un avenir proche.
Le représentant démocrate californien qui en est l’initiateur affirme pour sa part être certain de disposer d’une confortable majorité.
La réaction et les éventuelles représailles turques inquiètent Washington à deux niveaux: d’abord, les bases aériennes turques sont essentielles pour l’action des Etats Unis en Irak.
Ensuite, on craint ici que les Turcs attaquent les bases des rebelles kurdes en territoire irakien, comme ils ont déjà menacé de le faire… George Bush leur a demandé de s’abstenir, estimant que cela déstabiliserait l’une des rares régions encores calmes en Irak…